Le commerce de proximité, vecteur de lien social et acteur du développement économique des territoires


Thème : Commerces et territoires


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Le commerce de proximité, vecteur de lien social et acteur du développement économique des territoires

On a toutes et tous le souvenir d’enfance de ces épiceries-maisons de la presse-station essence dans nos villages, parfois pour les générations les plus anciennes, des souvenirs d’avant l’essor de la grande distribution. Et puis dans les années 70, on a découvert avec émerveillement le supermarché, voire l’hypermarché. Comme dans les films de Jacques Tati ou les livres d’Annie Ernaux, on en est devenus les clients fidèles. Leur installation progressive a pourtant contribué à étouffer les commerces de centre-ville qui se sont raréfiés dans les villes les plus importantes, voire ont complètement disparu dans les petites communes situées à proximité d’une ville moyenne. Dans certains cas, on compte jusqu’à 5 ou 6 enseignes de la grande distribution installées à la périphérie, sans compter le hard discount qui s’est implanté depuis le début des années 90.

Ce mouvement a été aidé par des élus locaux, qui n’ont pas anticipé la destruction créatrice schumpétérienne de l’implantation de ces grandes surfaces à la périphérie de leurs communes. Et les autorisations d’urbanisme semblaient promettre un développement économique favorable, des créations d’emplois, des ressources pour la commune.

Ce délitement du commerce de proximité et des liens sociaux qu’il entretenait entre les habitantes et habitants s’apparente à celui des services publics. On pourrait dire que ces commerces font partie des services publics, ou des services au public qui méritent notre intérêt dans la mesure où ils éviteraient ce sentiment d’abandon ressenti par nos concitoyens dans les territoires les plus éloignés des métropoles.

Aujourd’hui, les enjeux des centres ville, des cœurs de ville comme en témoigne le programme du même nom mis en œuvre par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, devraient être en tête des priorités gouvernementales. Ce programme constitue sans doute une réponse intéressante pour les 244 communes qui en bénéficient. Le programme ne porte pas seulement sur le commerce mais se déploie sur plusieurs axes : transport décarboné, restructuration de l’habitat, offre de services publics...etc.

La phase 2023-2026 du programme élargit le périmètre d’action du programme aux entrées de ville et aux quartiers de gare. Elle accompagne les villes dans la mise en place d’actions d’adaptation au changement climatique : verdissement des villes, sobriété foncière, lutte contre l’étalement urbain et mise en place de transports plus écologiques.

Aussi conviendrait-il que le programme soit évalué avant les élections municipales de 2026, qui permettrait d’engager une réflexion sur la pertinence du programme, ses succès et ses limites, et le cas échéant de proposer une relance du programme au-delà de 2026.

Quoi qu’il en soit, ce programme concerne peu de villes, s’adresse essentiellement à des villes moyennes, et laisse donc de côté les communes plus petites, sans parler des métropoles qui connaissent d’autres approches.

Pendant ce temps, les territoires ruraux vivent une crise d’identité, une crise économique et ce sentiment d’abandon qui correspond à la réalité de territoires où les services publics ont disparus, sous la pression de logiques administratives et comptables, avec économies d’échelle à la clé et rentabilité comme premier critère d’évaluation. Maternités et médecins, bureaux de poste, commissariats et

postes de police ont été réduits. Et pas seulement dans des territoires ruraux ! Paris ou d’autres grandes villes françaises comptent des déserts médicaux dans l’offre de médecins de secteur 1 dans certains quartiers, ou dans l’offre de certaines spécialités, inférieure à la demande de territoires où la population vieillit, par exemple.

Cette contribution se donne pour objectif de mettre l’accent sur le commerce de proximité comme vecteur de lien social. De même que la visite du facteur rythmait la vie des habitant.es des villages et des bourgs, la présence d’un « magasin général » était une preuve de vie, un point de ralliement, un lieu de rencontre et d’échanges entre les habitant.es.

Cette épicerie-bureau de poste-boulangerie-café-débit de boisson peut être réintroduite partout en France, dès lors qu’on sort d’une logique de marché et d’une démarche purement individuelle de petits entrepreneurs qui sont souvent étranglés par les centrales d’achat.

Or, partout en France, des initiatives existent, se multiplient et font la démonstration qu’il existe un fort potentiel pour le développement de ces activités économiques de proximité. Ce sont des restaurants solidaires, des marchés de producteurs, des épiceries bio, des cafés en coopérative, voire des supermarchés coopératifs sur le modèle de La Louve dans le 18e à Paris, qui a pris pour modèle un supermarché coopératif créé par des habitants de Brooklyn, la Park Slope Food Coop. Pour une fois qu’un modèle différent du capitalisme féroce nous vient des Etats-Unis, pourquoi s’en priver ?

Ce type de commerce doit bénéficier du soutien de la mairie en premier lieu : la question du loyer est fondamentale. La Louve existe à Paris parce que le local commercial situé au pied d’un immeuble de logement sociaux, est loué par le même bailleur à un loyer inférieur aux prix du marché.

Mais dans les territoires les plus ruraux, ce sont les bâtiments qui appartiennent aux collectivités qui doivent être sollicités, quelle que soit la collectivité concernée.

La question peut se poser d’ailleurs de déterminer quelle est la collectivité la plus adaptée pour mettre en place un programme de ce type à une échelle nationale ou régionale : communes, communautés de communes et d’agglomération, régions peuvent intervenir chacune dans son registre et avec ses compétences. La région est un échelon très pertinent pour porter un programme de soutien et de financement des commerces de proximité.

Les initiatives locales peuvent faire renaître le commerce de proximité partout en France, avec un bénéfice certain pour la collectivité : création d’emplois, animation des centres villes et des centres bourgs, régulation des relations entre citoyens et élus grâce à la participation citoyenne, car ce type de projet à vocation à être pris en charge dans le cadre de structures associatives ou coopératives. Elles doivent sortir en effet d’une logique purement marchande pour devenir des services deproximité, animés par les citoyennes et citoyens des territoires, dans une logique osons le mot autogestionnaire !

L’articulation entre l’initiative individuelle et le sens du collectif serait le facteur clé de succès de ce type de projet.

Cette contribution thématique cherche à ébaucher un plan d’action plus que de fournir un programme clés en mains. Renouer un lien positif avec l’action politique de proximité paraît cependant relever d’une priorité absolue face à la montée des extrêmes afin de rétablir la confiance.


Contributeurs :

Dorine Bregman, SNA aux commerces, à l’artisanat et aux petites entreprises

Franck GUILLORY (75), Alain DELMESTRE (75), Boris JAMET-FOURNIER (75), Flavien CARTIER (86), Estelle PICARD (79), Valentin GUENANEN (75), Philippe THEBAULT (75), Alain GENEL (75), Claire POURSIN (75), Isabelle ROCCA (75), Isabelle BURDET (75), Lilian BRAYAT (35), Françoise VAUCHE (75)


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