Le monde artistique et culturel mérite mieux que du jambon et du fromage

Par Olivier Bianchi, Secrétaire national à la Culture,

Juliette Mant, déléguée nationale à la Culture

Clément Sapin, délégué national à la Culture.

 

L’ensemble du secteur culturel attendait avec impatience l’intervention du président de la République au sujet de son plan de relance pour la culture.

La forme de l’intervention manquait de solennité, presque de sérieux. Les manches retroussées, les cheveux légèrement en bataille, la mine légère, la stature désinvolte du président de la République en disait long sur sa considération envers le secteur, comme s'il fallait se la jouer pour convaincre ce milieu extrêmement impacté par la crise sanitaire. Raté. Difficile, par exemple, d’imaginer la même tenue face aux grands patrons de l’industrie automobile. Pourtant, la culture contribue sept fois plus au PIB que cette industrie.

La méthode était, elle aussi, douteuse. Sous forme de table ronde à distance, la sélection de ces 12 artistes pour débattre avec le président de la République, aussi talentueux soient-ils, posait question : quelles raisons justifiaient cette invitation ? Tandis que le ministre de la Culture Frank Riester faisait figure de bon élève en écoutant avec attention, puisqu’il semblait les découvrir, les annonces de son président alors que ce même ministre s’était entretenu régulièrement depuis le début de la crise avec les acteurs du secteur et les organisations professionnelles. Pourquoi ne s’est-il pas fait l’écho du terrain ? Pourquoi n’a-t-il pas fait remonter les propositions ? Il faut croire qu’en Macronie rien ne remonte, tout redescend. Encore une preuve d’un pouvoir qui interroge...

Les perspectives, elles, sont restées floues, voire, à certains moments, bien mal improvisées. Demander aux artistes d’intervenir en classe dans les prochains jours et en colonie de vacances les prochaines semaines, faire de notre été un été « apprenant et culturel », en profiter pour renouveler son public, se donner rendez-vous fin août pour refaire le monde, enfourcher le tigre, faire un parallèle hasardeux avec l’histoire de Robinson Crusoé… Heureusement, l’éducation artistique et culturelle n’est pas née en 2017. Les artistes ne sont pas des animateurs sociaux, et les techniciens des encadrants. Le renouvellement des publics n’est pas une idée d'aujourd’hui mais une mission de tous les jours. Et l’ambition partagée évoquée est un engagement avec les collectivités territoriales depuis de longues années. Alors, à quand la vraie reprise ? Une reprise pensée et réfléchie.

Alors oui, des mesures de sauvegarde ont été annoncées, largement martelées par les syndicats et acteurs du milieu en amont de cette intervention : une exonération des cotisations sur 4 mois pour les artistes-auteurs, un dispositif d’accompagnement adapté à chaque structure, un fond d’indemnisation pour le cinéma et les festivals, une contribution des plateformes par la transposition de la directive SMA avant la fin de l’année, un plan de commande publique… La plus représentative de ces annonces était le prolongement jusqu’à août 2021 des indemnités des artistes et techniciens intermittents, cette « année blanche ». Toutes ces annonces étaient loin d’être des privilèges accordés mais une nécessité pour la sauvegarde de notre vitalité culturelle. Reste encore à poser le cadre exact pour que ces annonces deviennent de vraies mesures effectives. Il faudra être vigilant à ce que cette « année blanche » ne soit pas une « année grise » pour les artistes et techniciens intermittents, qu’ils puissent véritablement conserver, chacune et chacun, le même niveau d’indemnisation jusqu’à fin août 2021 sans contrepartie aucune.

Mais à quand la vraie reprise ? Une reprise sérieuse, respectueuse des conditions sanitaires. Surtout, et avant tout, le président de la République souhaite-il que la culture se place au même titre que l’école ? qu’elle soit au centre de notre société ? Dans ce cas-là, ses perspectives improvisées sonnaient bien creux et il était bien seul, comme Robinson sur son île, à y croire. Une chose est sûre, depuis mercredi, le monde artistique et culturel mérite mieux que du fromage, du jambon et d'un Vendredi comme ministre de la Culture.

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