Thème : Proportionnelle
Certaines grandes questions de société, certains grands débats institutionnels, certains enjeux incontournables traversent l’ensemble du spectre politique d’élection en élection. Parmi ces sujets, celui de la proportionnelle revient inlassablement. Si la proportionnelle est souvent évoquée, ce n’est pas uniquement en raison de la crise que traverse la France, mais également parce qu’elle semble offrir des solutions à la fois pour une meilleure représentativité et pour le renouveau des pratiques démocratiques dans d'autres pays européens. La proportionnelle n’est peut-être pas le sujet sur lequel les Français nous interpellent dans la rue. Il n’est sûrement pas la préoccupation première de celui qui peine à remplir son frigo ou payer son plein d’essence. Pourtant, un parti qui se veut être un parti de gouvernement peut-il se permettre de faire l’impasse sur une question majeure comme celle de la proportionnelle, présentée régulièrement comme une des solutions possibles à la crise démocratique que traverse notre pays ?
Depuis 2017, nous constatons que le Parti Socialiste souffre de ne pas trancher sa ligne politique sur des questions récurrentes dans le débat public. A tergiverser, ménager, hésiter, l’inertie domine et dès qu’il s’agit de s’affirmer, c’est l’impuissance. Notre contribution a vocation à alerter sur la nécessité, urgente pour notre Parti, d’un vote militant qui tranchera une position ferme et défendue par tous les socialistes. Les quelques lignes qui vont suivre ont, quant à elles, la modeste ambition d’alimenter le débat en proposant une position équilibrée et rassembleuse pour un mode de scrutin législatif plus démocratique, respectueux de la représentation nationale et territoriale.
La dissolution de l’Assemblée Nationale en juin dernier face au désaveu d’un gouvernement dans l’incapacité de mener sa politique faute de majorité, l'inexorable montée des extrêmes en France et dans le monde, l’impasse démocratique auxquelles sont confrontées de plus en plus souvent nos institutions, constituent autant de marqueurs nous incitant à entamer cette réflexion urgente au sein de notre parti.
La crise démocratique ne se limite pas à l’impasse institutionnelle, elle est aussi marquée par de forts taux d’abstention à chaque scrutin, qui témoignent d’un désintérêt croissant des citoyens pour un système qu’ils jugent de plus en plus déconnecté de leurs préoccupations quotidiennes. Au-delà de l'impression que rien ne change, les Français ont, à chaque scrutin national, le sentiment de devoir toujours voter contre quelque chose ou contre quelqu'un, plutôt qu'en faveur d'un projet.
La question inhérente à cette réflexion serait de définir un nouveau mode de scrutin lors des élections législatives, proportionnel, qui contribuerait à résoudre la crise démocratique et à réconcilier les citoyens avec nos institutions. Pour cela, le changement du mode de scrutin ne doit pas être recherché dans un but électoral qui servirait les ambitions d’un camp ou d’un autre. Nous suggérons de l’appréhender comme clé de voûte de l’amélioration de la représentativité, afin que le message du citoyen qui vote trouve son écho dans la composition de l’Assemblée Nationale.
Une enquête d’IPSOS de 2024 révèle que plus de trois quarts des français (76%) considèrent que “tous les hommes et femmes politiques sont déconnectés des réalités des citoyens.” Face à cette réalité, il est essentiel pour un parti de gouvernement comme le nôtre de s’attaquer à démanteler ce sentiment de déconnexion, racine du péril de notre démocratie. Naturellement, atteindre cet objectif supposera aussi de s’attaquer à d’autres grands chantiers, comme celui de mettre un terme à l’hyperprésidentialisation (marquée par une verticalité particulièrement exacerbée lors du mandat d’Emmanuel Macron).
Nous pourrions aussi citer la nécessaire refonte du calendrier électoral. Pourquoi ne pas envisager un mandat du Président rallongé d’une année supplémentaire (soit de six ans). Cela permettrait de mener des réformes de manière plus sereine, sans être constamment obnubilé par le calendrier électoral. Cette stabilité permettrait aussi au Président de travailler sur des projets à long terme, plutôt que d’être pris dans le cycle de la campagne permanente.
En parallèle, un mandat de député par exemple raccourci à quatre ans, associé à une proportionnelle, garantirait une respiration démocratique. Le non-cumul des mandats dans le temps doit en revanche être mis sur la table, sans quoi une telle réforme n’aurait pas l’effet escompté. Cela permettrait également d’injecter du sang neuf dans nos institutions, pour une représentation qui soit plus proche des réalités vécues par nos concitoyens, donc un renouvellement régulier de la classe politique et ainsi de donner la possibilité aux citoyens de réévaluer plus souvent leur représentativité.
Il ne suffit pas seulement de davantage d’horizontalité entre le président, le gouvernement et le parlement mais aussi que ce dernier puisse être représenté par des élus ancrés dans leurs territoires et leurs collectivités. Qui de mieux qu’un élu de sa commune pour faire résonner la voix des travailleurs issus de tous les milieux (service public, industrie, agriculture, auto-entrepreneurs) ? Qui de mieux qu’un élu de sa commune pour porter l’écologie appliquée à la spécificité de son territoire ? Qui de mieux qu’un élu de sa commune pour combattre au plus haut sommet les inégalités qu’il affronte au quotidien dans sa collectivité ? En cela, il nous semble indispensable de maintenir l’ancrage territorial des représentants de la nation.
Si les socialistes prennent le parti de la proportionnelle, nous proposons qu’elle soit donc instaurée au seul échelon qui permette de conserver l’ancrage territorial indispensable à l’objectif de conserver des députés de proximité : l’échelon départemental. Associée à un rééquilibrage des Départements possédant actuellement moins de trois circonscriptions, ou d’un modèle mixte pour ces Départements comme c’est le cas aux élections sénatoriales, ce changement de mode de scrutin est la garantie d’une amélioration significative de la représentativité sans pour autant faire disparaître la singularité de la couleur politique de chaque Département et l’ancrage local des candidats à la députation.
Contrairement aux réformes proposées ces dernières années, nous nous opposons fermement à une diminution du nombre de députés. Dans sa note portant sur les incidences d’une évolution du mode de scrutin des députés, l’ancien parlementaire Cédric Villani montre que la réduction du nombre de circonscriptions n’induit pas un scrutin plus proportionnel mais tend à renforcer l’aspect majoritaire du scrutin. De plus, il relève que si la mise en place de la proportionnelle tend à augmenter cette représentativité, à l’inverse, la réduction du nombre des députés tend à la diminuer.
Cette réforme, loin d’être un simple ajustement technique, constitue une vision ambitieuse pour un renouveau démocratique. C’est une opportunité pour redonner la parole aux citoyens, pour renforcer leur confiance dans les institutions et, plus largement, pour faire avancer notre pays sur la voie d’une démocratie plus juste et plus représentative.
Premier signataire : Dylan BENAUD
Contributeurs : Lysandre MERLIER, Mélanie BALSON, Arthur CHAMBON