Le plan d’action pour la justice : des lacunes et une vigilance en attendant les mesures concrètes

– Vendredi 6 janvier 2023

Gulsen Yildirim, Secrétaire nationale à la Justice

Depuis des mois, le monde de la Justice connaît un mouvement sans précédent qui témoigne de la profondeur du malaise qui y règne. Hier, le garde des Sceaux a enfin présenté son plan d’action issu des États généraux de la justice organisés l’an dernier.

Si les grandes orientations de ce plan ont été plutôt positivement accueillies, l’incertitude demeure sur leur mise en œuvre. Les annonces de simplification, d’accélération et de numérisation, qui peuvent être des objectifs louables, suscitent des interrogations notamment sur le plan des garanties des justiciables.

Certes il faut saluer l’augmentation historique du budget de la justice mais sera-t-il suffisant pour faire face à la paupérisation chronique de la justice et surtout la ventilation  de ces moyens répondra-t-elle aux attentes des professionnels alors que le garde des Sceaux a parlé tour à tour de l’administration pénitentiaire, de la modernisation des palais de justice, de la numérisation totale, de 10 000 recrutements et de revalorisation salariale sans fixer de priorité ?

Parmi les autres annonces, le Ministre prévoit des mesures pour accélérer les procédures liées à la justice civile qui représente 60 % de l’activité judiciaire. Il s’agit en particulier de développer deux nouveaux mécanismes alternatifs de règlement des litiges (la césure et  le règlement à l’amiable) avec pour objectif de diviser par deux les délais de jugement d’ici 2027. Si la lenteur de la justice civile est réelle, la motivation de cette proposition est discutable. En effet, cette nouvelle déjudiciarisation a pour seule ambition de compenser le manque de juges alors qu’une véritable culture de l’amiable demandée par le justiciable doit être promue. C’est la condition du succès de ces modes alternatifs. 

S’agissant de la refonte annoncée de la procédure pénale, tout le monde s’accorde à dire qu’au fil de multiples révisions, elle est devenue illisible et inadaptée. Toutefois cette réécriture ne peut en aucun cas se faire au détriment des principes essentiels du procès pénal sachant qu’elle serait réalisée par ordonnance, excluant ainsi tout débat au Parlement sur un sujet si essentiel. De même, l’inquiétude est légitime à l’égard de certaines mesures envisagées comme l’autorisation des perquisitions de nuit. 

Le Parti socialiste regrette aussi le manque d’ambition sur la question de la surpopulation carcérale. La construction de 15 000 places est annoncée mais on se souvient qu’Emmanuel Macron avait déjà promis le même chiffre en 2017. Il en a été livré jusqu’à présent un peu plus de 2 000 places qui sont déjà pleines. Le rapport Sauvé préconisait pourtant l’instauration d’un mécanisme de régulation de la population carcérale, similaire à celui proposé dans notre projet pour l’élection présidentielle. D’ailleurs, sur ce volet pénal, le plan comporte un renforcement de la comparution immédiate alors que c’est le mode de comparution qui entraîne le plus de population carcérale. 

Enfin, le silence sur d’éventuelles mesures garantissant l’indépendance de la justice est frappant alors qu’elles sont un impératif, rappelé dans le rapport Sauvé, pour permettre à l’autorité judiciaire d’exercer pleinement ses missions. 

En définitive, le Parti socialiste sera particulièrement vigilant dans la traduction concrète des annonces du garde des Sceaux pour retrouver une justice humaine et de qualité, seule capable de restaurer la confiance des citoyens à l’égard de l’institution judiciaire.

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