Le plastique n'est plus fantastique

Mardi 12 octobre 2021

Charlotte Picard, secrétaire nationale adjointe à l'accès aux droits et à la consommation

Vous avez déjà vu ces images hallucinantes de citrons ou de bananes emballés à l'unité dans du plastique, comme si la peau du fruit n'avait aucune utilité, comme s'ils n'allaient pas supporter le voyage du supermarché à notre cuisine, alors qu'ils ont déjà fait tellement de kilomètres en cargo et camion.

Et fort heureusement, souvent, nous rions du ridicule de cette situation : devoir déballer quelque chose qui n'avait pas besoin d'être emballé. Demain (au 1er janvier) nous devrions pouvoir arrêter de rire de ce suremballage et laisser la nature protéger elle-même ses fruits, ce qu'elle faisait déjà très bien. Entendons nous bien, le vrac n'a besoin d'emballage que dans l'industrie agro-alimentaire : vous ne verrez pas un maraîcher de votre région emmener au marché des fraises cueillies la veille dans des barquettes de 500g entourées de cellophane ou ses pommes sous blister à l'unité.

Cette interdiction de l'emballage pour les fruits et légumes non fragiles (exit les dites fraises) est une bonne chose, un pas en avant. Mais cela laisse l'arrière goût de rattrapage par rapport à ce que nos grands-parents faisaient. Pourquoi dans les années 80 ma mère en voulait à ma grand-mère d'aller chez le boucher si cher pour me nourrir alors qu'elle était si contente, elle, de vendre à la grande distribution des steak-hachés surgelés en emballages individuels ?

Comment cette profusion de matériaux vendus avec notre nourriture a pu être rendue normale ? Et surtout : comment retrouver une dépense de nourriture où se nourrir est la seule dépense ?

Nous pouvons en vouloir à l'industrie agro-alimentaire. Mais elle n'est pas la seule responsable, et d'ailleurs, des travailleurs de la chaîne plastique vont obligatoirement perdre des emplois, ou tout du moins des embauches face à cette nouvelle loi.

Il y a un autre responsable : nous tous. La société a changé, mais n'a pas fini de changer : nous sommes incomplets. Nous avons voulu, désiré, arraché le travail des femmes. Mais nous avons omis de partager le temps de travail non salarié. Lorsqu'Anne Hidalgo propose de remettre sur la table le temps de travail, il faut y voir aussi une possibilité de rééquilibrer le temps impartit à nos tâches ménagères, courses comprises.

Si l'industrie a inventé la barquette de 4 citrons, c'est parce que nous l'achetions. Parce qu'il était plus facile, et souvent moins onéreux, de prendre ces 4 citrons sous plastique que de perdre quelques dizaines de secondes à les choisir un par un, et quelques minutes à les peser.

Et notre temps est tellement compté : transports, travail, courses, loisirs, éducation des enfants, tâches ménagères... La société nous a tous fait travailler, sans nous permettre à tous financièrement de faire travailler quelqu'un pour nous remplacer à la maison. Alors, on cumule, et c'est tendu.

Il faut se battre contre soi-même, surtout lorsque notre temps ou notre argent est très compté, pour éviter ces consommations délétères pour la planète (et parfois pour la raison). C'est pour cela qu'il faut des lois, pour interdire l'irraisonnable. C'est pour cela qu'il faut des politiques publiques qui prennent en compte vraiment ce changement de société : nous ne sommes plus dans les années 50 où (majoritairement) la mère restait à la maison et s'occupait du travail d'intendance ; nous ne sommes plus dans les années 80 où jeter faisait produire, où pouvoir jeter faisait le bonheur. Nous sommes au XXIème siècle, et nous devons réapprendre à consommer juste : pour notre santé et pour notre planète.

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