Le point sur : les E3C et la réforme du lycée

Comprendre de quoi on parle : 

Les E3C, pour "épreuves communes de contrôle continu", ont commencé lundi 20 janvier dans un climat tendu. Près de 526.000 élèves de première planchent cette année sur cette nouvelle étape de l'examen national, avant la session finale qui se déroulera dans un an et demi.

Entre blocages des lycées par les élèves et professeurs en grève, de nombreuses épreuves ont été annulées ou reportées. Les E3C font l'objet de nombreuses critiques de la part du corps enseignant dont certains membres ont décidé de les boycotter. Les professeurs de lycée craignent notamment que cette organisation locale des épreuves ne provoque des "ruptures d'égalité" dû aux disparités des sujets et des modes de correction. Les lycéens quant à eux oscillent entre angoisse, boycotte et mobilisation. 

 

C'est quoi les E3C ? 

Instaurées par la réforme du baccalauréat adoptée en 2018, les E3C visent à "valoriser le travail de l'année" en incluant davantage de contrôle continu dans la note finale du baccalauréat de chaque élève. Ainsi, les notes obtenues lors des différentes sessions d'E3C comptent pour 30% de la note finale du baccalauréat. Elles s'ajouteront à celles (répertoriées dans les bulletins) de première et de terminale qui compteront elles à hauteur de 10% de la note globale. 

Les E3C sont organisées sur deux ans : deux sessions en classe de première, et une en terminale avant la session finale du bac qui se tiendra comme d'habitude en juin (le bac de français se déroule lui toujours en fin de première). Pour la session qui a débuté ce lundi 20 janvier, les E3C portent sur les cours communs : histoire-géographie, langues vivantes, et mathématiques pour les bacs technologiques. 

Pour la prochaine, qui se tiendra aux alentours des mois d'avril et mai prochains, s'ajoutera à ces matières un enseignement scientifique pour les bacs généraux et un enseignement de spécialité pour tous les élèves. Chaque épreuve dure entre une heure et demi et deux heures.

Ce qu'en disent les socialistes : 


Le gouvernement choisit de mettre la réforme en place tout en réduisant les effectifs. Il favorise et encourage les heures supplémentaires. Face à cette réduction de la DHG (Dotation Horaire Globale), les établissements doivent choisir entre réduire le nombre de spécialités enseignées, ou refuser de dédoubler les groupes d’apprentissage. 

En supprimant les séries, la réforme avait pourtant permis de récupérer des largesses budgétaires. Les syndicats, notamment SE-UNSA demandait à ce que ces fonds soient investis dans l’accompagnement des élèves. Il n’en a rien été, au contraire, les postes d’assistant d’éducation et de conseiller d’orientation ne cessent de se réduire. 

« Comme d’habitude avant de se demander pourquoi faire une réforme, le gouvernement se demande « pour combien » ? Combien d’argent public peut-il économiser sur le dos de nos lycéens et de nos enseignants, pour continuer de financer ses baisses d’impôts pour les plus riches, c’est cela qui l’intéresse ». 

  

 


Du fait même de la réduction du nombre d’heures enseignées et de la réduction des effectifs, les lycées devront renoncer à offrir des enseignements de spécialités lorsque la demande sera trop basse. Ainsi, ce sont d’abord les lycées périurbains et ruraux qui souffriront du manque de choix. À l’inverse, les élèves des centres des métropoles auront accès à l’ensemble des spécialités de leur choix, ce qui ne fera que renforcer les différences de capital culturel que l’on observe déjà en fonction du lieu de résidence. 

Avec cette baisse des effectifs, les lycées devront réaliser des arbitrages, car ils ne pourront pas proposer toutes les spécialités. Dans les grandes villes, cela ne changera pas grand chose, il suffira d’aller dans l’établissement d’à côté pour trouver son option. Mais dans les territoires éloignés, le périurbain et le rural, le choix sera restreint. 

Le gouvernement n’a rien compris de la fracture territoriale qui s’agrandit tous les jours dans notre pays, il la renforce.

Il la renforce à travers notre système éducatif, qui doit normalement être le premier rempart contre la reproduction des inégalités. C’est la compétition de tous contre chacun qui est encore renforcée, dès le plus jeune âge, et à ce jeu là, il n’y a pas de mystère, ceux qui ont le moins de dotation initiale en capital culturel s’en sortent moins bien que les autres. Entre la réforme de l’accès à l’Université, qui renforce l’étude des dossiers et qui instaure la sélection des élèves, et la réforme du bac qui conduit chacun à choisir sa voie dès 15 ans, en classe de première, on continue de défavoriser les élèves qui ont le moins de capital culturel. Ce qui se passe c’est que l’on renforce la formation d’une petite élite, toujours mieux préparée aux grandes écoles, tout en abandonnant les jeunes les moins favorisés. Là où le service public doit garantir l’émancipation de tous, il devient un instrument de renforcement des inégalités, c’est inacceptable. 

Ce que propose le Ministre, c’est un monde toujours plus cloisonné entre ceux qui occupent les métiers les moins valorisés, et les élites, qui s’isolent et vivent entre eux.

Mais n’ont-ils pas compris que les élites, sans contact avec le reste des populations, ne sont des élites que pour elles-mêmes, et c’est ce décalage qui créent l’énervement palpable dans notre pays. 

 

 


Outre une opposition au principe même de la réforme, les enseignants sont conduits à se mobiliser devant l’amateurisme avec lequel cette réforme a été préparé. De nombreux bugs ont émaillé l’organisation puis le déroulement des épreuves :

  • Les sujets sont disponibles sur une banque de sujets en ligne mise à disposition par le ministère. Selon les syndicats de professeurs, ils ont été mis à disposition avec trop peu de délais pour permettre la bonne organisation de l’examen, le 9 décembre dernier ;
  • Un manque de sécurité est également pointé, avec trop peu de capacité de surveillance. D’ailleurs, les professeurs ne sont pas rémunérés pour surveiller les épreuves ;
  • Plusieurs imperfections ne permettent pas de garantir l’équité entre les élèves : 2 élèves sur certaines tables, des élèves qui publient leur sujet en ligne après leurs épreuves, manque de surveillant ;
  • Plusieurs chapitres présents dans les sujets n’avaient pas été étudiés à ce stade du programme, du moins dans de nombreux lycées. 

Par ailleurs, avec cette banque de sujets en ligne, les fuites sont simplifiées, les sujets disponibles sur internet. C’est une véritable aubaine pour les officines privées, les « boîtes à bac » qui peuvent proposer des cours particuliers intenses aux élèves les plus aisés. 

 

 


Cela soulève deux problèmes : 

  • D’abord, de nombreux professeurs ont vu leur matière d’origine s’enrichir d’une nouvelle spécialité dont ils ne maîtrisent pas nécessairement le programme ;
  • Surtout, cela a permis une offensive conservatrice sur différents programmes. Ainsi, Stéphane BEAUD, professeur à l’Université de Poitiers, souligne qu’avec la fin de la filière SES, les sciences économiques ont été séparées de la sociologie et des sciences politiques. Il s’agit d’une demande de longue date de l’Institut de l’Entreprise, aujourd’hui présidée par Antoine Frérot, PDG de Véolia, et dont le Président fut longtemps Michel Pébereau (ancien PDG de la BNP et conseiller « Finances » de Sarkozy). Avec cette réévaluation du programme, les enseignements de sciences sociales, souvent considérés comme hétérodoxes et « gauchisants » par le monde libéral, se retrouve dans d’autres spécialités. À l’inverse, l’économie se retrouve seule, ce qui a conduit à une réorientation des programmes vers la microéconomie et l’étude des bienfaits du libéralisme. 

 


Si le Ministre de l’éducation nationale annonçait la semaine dernière qu’un million de copies sur les 1,7 d’attendues avaient été récupérées, le Secrétaire Général du SNPDEN, Philippe Vincent annonçait dans le même temps qu’environ 43% des lycées avaient connus des perturbations. 

Le SNES-FSU et SE-UNSA ont, d'ailleurs, demandé l’annulation complète des épreuves. 

Le Ministre de l’éducation nationale entendait faire une « École de la confiance ». Le résultat c’est : une grève au moment du bac et du brevet 2019, un refus des E3C en janvier et février 2020, des salaires gelés pour les enseignants, et des enseignants grands perdants de la réforme des retraites. 

C’est un bilan catastrophique pour la profession, et ce n’est pas nous qui le disons : en 2019 et 2020, le nombre de candidats aux concours de l’enseignement secondaire est de 10 inférieur à ce qu’il était les années précédentes. 

La réforme du bac est devenue le symbole de ce que fait le gouvernement : une absence totale de concertation, une volonté de faire vite au détriment du « faire bien », une attaque en règle contre le service public, une négation de la réalité du terrain et une répression… y compris contre des mineurs.

Avec ce gouvernement, la violence est érigée comme méthode. Violence dans l’absence de concertation, violence pour les professeurs qui ne sont ni formés ni préparés à cette réforme, et surtout violence envers les lycéens, dont certains, à Rennes notamment, ont passé leurs examens avec des forces de police dans l’établissement, pendant que d’autres, au lycée Maurice Ravel dans le 20ème arrondissement étaient placés en garde à vue. 

 

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