Le PS, un parti à transformer pour demain transformer la société


Thème : Organisation du Parti


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Né du mouvement ouvrier, le socialisme démocratique a fait au fil du temps, le choix de l’engagement républicain, des combats parlementaires, de l’action territoriale et a connu à plusieurs reprises l’expérience du gouvernement de la France.

Le Parti a su tout au long du siècle dernier, développer ses capacités à gouverner et prendre place dans les institutions de la Vème République, que ce soit à travers les réformes et les mandats de François MITTERRAND, de Lionel JOSPIN, ou plus récemment de François HOLLANDE.

Nous nous sommes tellement attachés à conquérir le pouvoir, maitriser l’appareil d’Etat et les administrations territoriales, à investir le fonctionnement des institutions européennes que nous avons au fil des élections, perdu de vue notre imaginaire collectif, égaré parfois nos indignations et nos colères face aux injustices, relâché notre proximité avec les acteurs sociaux et écologiques. Co-producteurs de l’action publique à tous les niveaux, nous sommes comptables de nombreux résultats, parfois positifs, souvent contrastés.

A intervalles réguliers, nous avons alors fait usage du devoir d’inventaire à l’égard de nos actions – comme nulle autre force politique en France ne l’a jamais fait. Nous avons aussi à chaque fois souhaité rebondir en impulsant un parallèle devoir d’invention.

Mais au fil du temps, le Parti s’est rétréci aux engagés, aux investis, aux élus, et aux professionnels de la politique les entourant. Le champ de la bataille culturelle s’est alors éloigné. La caricature a ainsi écrit de nous que nous avions "remplacé la lutte des classes par la lutte des places".

Injuste souvent, il y a néanmoins en toute caricature une part de vérité.

  • Celle qui nous invite en conscience à examiner notre profond rétrécissement électoral – de larges parties du territoire et de la population se sont nettement éloignés de nous.

  • Celle qui nous invite à lucidement mesurer notre éloignement des espaces d’observations, de réflexions, de luttes et de créations de la société française. Notre relation aux mondes éducatif, artistique, syndicaux, universitaire s’est cruellement distendue voire affaiblie.

  • Celle qui nous invite à regarder en face notre faible implantation dans les jeunesses étudiantes, apprenties et salariées de ce pays. Nous ne pourrons continuer à penser le monde de demain sans un lien étroit, une juste écoute et une forte participation des jeunes alors même que c’est leur avenir social et écologique qui se dessine jour après jour.

Face à ce triple constat, nous avons beaucoup d’ingrédients positifs en notre sein.

Tout d’abord, nous sommes le Parti Socialiste, celui qui doit placer en son cœur la question sociale, du salariat et des solidarités. Celui qui – rien que sur une question de forme – fait le choix d’afficher clairement son identité. Il ne s’agit pas pour nous d’être "Insoumis", en "Renaissance", ou recherchant le "Rassemblement national", des dénominations attrape-tout qui désignent des postures – des impostures diront certains - , mais ne précisent pas l’identité de la formation et de son projet politique.

Face aux défis écologiques, sociaux et démocratiques qui sont devant nous, nous devons - en tant que parti de l’égalité, de la justice et de la démocratie - mener la bataille culturelle. Il s’agira pour nous de travailler en lien étroit avec le monde des idées, du travail, de l’écologie et de la création, pour (re)définir, puis porter fidèlement et fièrement notre identité et notre projet. Au Congrès de Marseille, nous devons fixer un cap clair : redonner la priorité au travail collectif sur les idées et le projet, aux côtés des enjeux stratégiques de position politique et d’alliances. Concrètement, loin du clash et du buzz qui ne peuvent tenir lieu de tactique politique, la parole sera donnée aux acteurs écologiques et sociaux – notamment ceux du Pacte du Pouvoir de vivre. Ensemble, il s’agira d’identifier les inégalités et les précarités sociales et écologiques qui taraudent notre société, distinguer ce qui relèvent des difficultés conjoncturelles – guerre en Ukraine, crise énergétique, notamment – des tendances à plus long terme de la société française et de l’Union européenne, afin de formuler des propositions locales, nationales et européennes – fort de nos actions à tous ces échelons des politiques publiques.

Afin de faire de ce temps de bouillonnement d’idées un temps de co-construction de nos futures politiques avec les citoyens, nos prochaines Conventions thématiques donneront, au niveau local comme national, une place importante aux responsables de la société civile et aux multiples lanceurs de cause sociale, écologique et démocratique – dans la foulée de notre dernier Campus d’été de Blois.

Elles permettront d’incarner pleinement cette nouvelle méthode d’un parti plus à l’écoute de la société ; ainsi un conseil de sympathisants tirés au sort pourrait accompagner la démarche et chaque chantier pourrait être animé par un élu – local ou parlementaire – avec un acteur de la société civile. Une plateforme numérique dédiée permettra une participation ouverte des citoyens à nos réflexions.

Partager les réflexions, les propositions voire les combats des uns et des autres nous permettra de mieux comprendre l’état de la société, les analyses des différents acteurs, les rapports de force qui s’instaurent et irriguera notre propre travail idéologique. Un site dédié, une revue adossée et un Tour de France des idées permettront de formaliser, partager et diffuser ce renouveau par les idées du socialisme écologiste et démocratique.

Pour réussir cet acte de refondation du Parti, nous avons des atouts certains : une action reconnue dans les collectivités territoriales et des capacités essentielles aux combats parlementaires – en coopération dans la Nupes à l’Assemblée nationale, dans un dialogue inter-groupe au Sénat, au sein du groupe S&D pour notre délégation socialiste au parlement européen. Toutes ces forces doivent prendre pleinement leur place et leur place au renouveau socialiste ; leurs liens avec les autres élus, les fédérations et les militants doivent être pleinement renforcés et dynamisés. La direction nationale a là un chantier essentiel visant à articuler et renforcer la cohésion et la cohérence de nos différentes propositions et initiatives. Les parlementaires doivent pouvoir être régulièrement invités à partager leurs travaux avec le parti – directement avec le secrétariat national, et plus largement avec les fédérations selon l’urgence des textes et les capacités à co-construire nos propositions.

De leur côté, les fédérations et les élus locaux doivent pouvoir plus facilement faire le lien avec la direction et avec les parlementaires. Nous sommes expérimentés, nous avons la capacité d’articuler le local et le national ; c’est un de nos atouts majeurs au sein d’une gauche en reconstruction. N’hésitons pas à faire corps pour mieux faire sens en direction de nos partenaires et de la population.

Concrètement, – en complément des réseaux sociaux, chaque militant doit pouvoir – via la lettre d’information numérique du parti – être tenu informé des différents combats et initiatives en cours (du parti, de nos parlementaires ou de nos élus locaux) et y prendre sa part.

Notre société a beaucoup évolué : l’apathie démocratique y est vivace, l’atonie sociale y est forte.

Dans ce contexte, aujourd’hui, les faits divers sont souvent non plus des faits perturbateurs mais des faits témoins de l’état des dysfonctionnements et des injustices de notre société. Loin de se jeter dessus – au coup de tweets et d’hashtags - pour manipuler les émotions des Français comme certaines forces politiques, nous devons développer notre propre capacité à les traduire en observations et en propositions. Dans chaque fédération, le Parti pourrait ainsi créer un Observatoire des injustices et des précarités, en lien avec les forces syndicales et les acteurs de l’écologie. L’objectif serait d’identifier au plus près, avec réactivité, les injustices et les précarités multiples que les Français subissent et dont nous pourrions collectivement nous faire le relais et formuler des propositions de réponses.

Au-delà, nous devons retrouver le chemin de la bataille culturelle, ferment de conscience sociale, de victoire politique et de succès électoraux pour changer l’ordre injuste des dégâts écologiques et sociaux du capitalisme financier.

Concrètement, à l’échange national, comme à l’échelle départementale, il s’agira de multiplier en tant que Parti, les prises de contacts, puis les échanges, avec les syndicats, les organisations professionnelles et les acteurs de l’éducation, de l’environnement, de l’université de la culture et de la création. Et ne pas laisser nos seuls élus poursuivre dans le cadre de leurs mandats locaux, cet indispensable travail quasi quotidien d’écoute et de mobilisation de la société autour de leurs projets municipaux, départementaux et régionaux. Les échanges qu’ils mènent et les partenariats qu’ils nouent peuvent être des ingrédients nourrissant notre réflexion collective, voire de futures mobilisations politiques.

Nous devrons aussi, nous mobiliser plus spécifiquement et via des actions innovantes, dans les secteurs péri-urbains. Nous ne pouvons nous satisfaire de la place prise dans les urnes par le RN dans ces villes et villages. Nous devons y mener la bataille du cœur et des esprits, y porter nos valeurs et y imaginer d’autres futurs possibles. Les enjeux de mobilité, d’accès aux soins, de désindustrialisation, de fermeture de services publics, de précarité voire de pauvreté qui taraudent ces territoires et auxquels sont confrontés ces habitants, doivent être nos priorités. Plusieurs voix à Gauche nous appellent avec raison à porter une analyse spécifique et des actions singulières dans ces communes : nous devrons y investir pleinement le Parti dans la période qui vient.

En interne, nous devons nous donner les moyens de nos priorités politiques et au-delà des mots, les traduire an actes :

  • Parti féministe, porteur de l’égalité femme-homme, favorisons la prise de responsabilité et garantissons la place des femmes, tant dans l’animation du parti où nous devrons renforcer la coanimation des instances que lors de nos futures désignations aux prochaines élections sénatoriales et européennes. Nos combats pour l’égalité doivent se traduire en interne dans les faits ; nous devons bâtir une stratégie collective d’émulation afin de désigner et faire élire 50% de femmes dans ces prochains scrutins.

  • Vecteur d’émancipation, garantissons la formation de nos adhérent.e.s tant en termes de compétences politiques (prise de parole, animation et communication politique, usage ds réseaux sociaux etc) que de connaissances politiques essentielles (le socialisme au sein des gauches aujourd’hui, connaissances des institutions, etc) ; au-delà du formidable travail mené par le Réseau national des formateurs militants, une offre e-learning pourra être développée. La formation sera aussi mobilisée autour du travail de repérage et d’accompagnement de nos futurs candidat.e.s.

Enfin, inscrit depuis toujours dans l’Internationalisme et dans le projet européen, nous devons mieux connaitre nos partis frères dans le monde (leurs priorités, leurs combats) et multiplier les échanges nationaux et locaux avec nos partenaires du Parti socialiste européen. Nous ne pouvons nous contenter de nous féliciter de l’élection de Lula au Brésil ou d’autres porteurs de nos valeurs dans le monde, sans construire plus concrètement une meilleure conscience des combats menés au nom de nos valeurs sociales, écologiques et démocratiques et de solides partenariats de coopération avec leurs forces politiques.

Rien de ce qui est humain ne nous est étranger : mettons donc à l’ordre du jour de nos instances, des prochaines Conventions thématiques et de nos mobilisations politiques, les enjeux du développement humain : crise écologique mondiale, engagement pour la paix, retour des autoritarismes, des populismes et des extrémismes religieux, enjeux des biens mondiaux, place des femmes, les 17 objectifs de développement durable de l’ONU, etc). L’action extérieure de nos collectivités locales – très souvent investies dans des actions de coopération avec d’autres territoires dans le monde – nous montre le chemin. Malgré les critiques populistes, nos élus locaux portent avec vigueur nos engagements solidaires et humanistes au-delà de nos frontières. Soyons à leurs côtés et ouvrons plus largement le champ de lé réflexion commune et de l’action partagée sur ces enjeux de droits humains.

Plus proche encore, les enjeux sociaux, écologues et démocratiques de l’Union européenne doivent être pris à la bras le corps par l’ensemble du Parti. Nos eurodéputés examinent chaque année le budget de l’Union, nos parlementaires nationaux eux adoptent notre contribution nationale à ce dernier et nos élus locaux mobilisent régulièrement sur leur territoire les fonds européens. Les Parlements européens et français examinent les orientations de l’Union et contrôlent l’action de la Commission. Nous disposons là de toutes les vigies et des indispensables acteurs pour porter notre vision et nos priorités d’une Europe plus sociale, plus écologique, plus démocratique. Dès 2023, une convention nationale devra être consacrée au projet européen, en lien étroit avec les forces du PSE, la confédération européenne des syndicats et les acteurs de l’écologie en Europe. Au quotidien, nous devons mettre les sujets européens au cœur de nos réflexions et de nos actions ; des jumelages avec d’autres partis en Europe pourraient être organisés ; nos eurodéputés et nos élus au comité des régions pourraient témoigner de leurs actions dans nos conseils fédéraux et nos publications. Nous devons retrouver une forte proximité avec les acteurs du progrès en Europe. Loin d’un nationalisme daté et inopérant face aux enjeux essentiels de sécurité, de prospérité et de transition écologique, nous devons porter une vision humaniste européenne et reformuler un idéal d’Union européenne sociale, écologique et démocratique.

Fort de son histoire, conscient de ses erreurs et de ses faiblesses, le Parti devra puiser dans ses atouts directs – ses militants et ses élus – pour écrire une nouvelle page de son histoire : celle d’une force socialiste regénérée, engagée sur les idées, ouverte sur l’Europe et le Monde, en coopération au sein de la NUPES, autonome pour écrire le socialisme écologique de demain, porter de nouveaux espoirs pour les Français et mener les futurs combats contre les injustices sociales, écologiques et économiques toujours aussi criantes dans notre société. 


Première signataire :

Fatima Yadani, trésorière du Parti socialiste


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