– Mardi 28 juin 2022
Céline Hervieu, secrétaire nationale à l'Enfance, la Famille et la Parentalité
La Une du journal Libération aujourd’hui, mardi 28 juin, nous alerte collectivement de nouveau sur une situation qui est bien connue par les professionnels et les élus locaux en charge de la petite enfance : les difficultés majeures rencontrées par ce secteur professionnel et la souffrance des personnels face aux situations quotidiennes qu’ils et elles rencontrent.
L’accueil de la petite enfance doit être à l’image de la société que nous voulons ; c’est à dire une société accueillante et bienveillante pour nos enfants, et qui tourne le dos à l’assignation historique des femmes aux tâches domestiques. C’est un enjeu fondamental dans la lutte contre les inégalités. Nous devons fournir l’effort nécessaire pour garantir un accueil de qualité, qui permette à toutes les familles, et en particulier les plus modestes, d’avoir accès à un mode de garde exercé par des professionnels qualifiés, et fiers d’exercer leur métier.
L’accueil collectif est certes minoritaire en France parmi la diversité des modes de garde existants, mais il reste un élément-clé du service public de la petite enfance dans de nombreuses collectivités. C’est un modèle plébiscité par les parents et dont nombre d’études ont démontré son effet bénéfique sur le développement de l’enfant. C’est aussi un mode de garde accessible à tous, quels que soient les revenus des parents. Or les crèches traversent depuis de nombreuses années une crise sans précédent, qui s’est amplifiée durant la crise sanitaire et dont nous ressentons aujourd’hui les profondes séquelles. Les zones urbaines sont le plus touchées mais tous les départements sont concernés !
Les professionnels de la petite enfance alertent depuis des années sur leur situation continuellement dégradée : La pénurie de personnels conduisant à des sous-effectifs chroniques, qui épuisent les équipes en place. Cette situation de sous-effectif participe à rendre les conditions de travail encore plus difficiles qu’elles ne le sont déjà structurellement. Nombres de professionnels doivent réaliser des heures supplémentaires qui ne sont pas toujours prises en compte. Le traitement dévalorisant de ces professions s’amplifie alors même qu’elles (ce sont à 98% des femmes) occupent un rôle fondamental pour les enfants comme pour leurs parents. Les professionnels de la petite enfance sont formés à l’accompagnement de l’enfant, ce sont des experts du développement : ils et elles doivent être reconnus et valorisés en tant que tels !
La situation est connue et malgré tout, aucune réponse n’a encore permis de répondre clairement et nationalement à ses enjeux.
La réforme de la PSU, qui vise à définir les modalités de financement à l’heure des structures d’accueil, reste un défi et doit être mieux accompagnée pour en limiter les effets négatifs.
De plus, la réforme du précédent gouvernement, malgré des objectifs louables, n’a fait qu’empirer les conditions de travail des professionnels : par l’augmentation des ratios d’encadrement et en dépit de la revalorisation des métiers dans le secteur. Le passage en catégorie B des auxiliaires n’est pas suffisant pour attirer de jeunes professionnels vers ces métiers et complexifie par ailleurs les recrutements par l’instauration d’un concours à l’entrée. La création d’un comité de filière, en urgence et toute fin de quinquennat, semble comme un aveu d’échec et un manque de considération pour le secteur.
Le Parti Socialiste exprime de nouveau tout son soutien aux professionnels de la petite enfance et formule plusieurs propositions à l’attention des pouvoirs publics pour répondre à leur demande.
Nous souhaitons que la protection des professionnels et la préservation des établissements d’accueil de la petite enfance constituent une priorité pour le gouvernement, à travers :
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Une augmentation significative des salaires pour les métiers du secteur, notamment les auxiliaires de puériculture et les agents techniques (le salaire de base est au SMIC pour un titulaire du CAP Petite Enfance). Plus globalement le Parti socialiste défend une hausse généralisée du SMIC dans le contexte actuel d’inflation qui touche toutes les Françaises et les Français.
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Un accompagnement des collectivités et des associations gestionnaires pour garantir des mesures de protection contre les TMS et maladies professionnelles.
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Une amélioration des parcours de carrières dans le secteur et un investissement important dans le champ de la formation professionnelle, aussi bien en formation initiale qu’en formation continue. Dans le cadre de leurs compétences sur la formation professionnelle, les régions ont également besoin du soutien de l’État dans cette démarche.
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Des aides financières exceptionnelles pour permettre aux collectivités de soutenir les structures municipales et les associations gestionnaires pour améliorer les conditions de travail (le matériel des crèches et éventuellement les salaires).
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Garantir une transparence dans les critères d’attribution des places en crèches. Il est inconcevable qu’en 2022, la transparence et l’équité des attributions relèvent de la seule volonté d’exécutifs engagés en ce sens. De même que cela existe pour les attributions de logements sociaux, nous demandons qu’une grille de cotation nationale soit mise en place pour les attributions de places en crèches municipales. Dans certaines villes de gauche, comme à Paris, par exemple, plusieurs arrondissements ont mis en place une grille de cotation avec des critères affichés et publiquement accessibles sur leurs sites ; certains ont même été jusqu’à l’anonymisation des dossiers, qui devrait être règle commune.
N’attendons pas que la situation soit irrattrapable et conduise à des incidents pour la sécurité des enfants. N’attendons pas que les professionnels qui s’accrochent et aiment leur métier, finissent, elles aussi, par lâcher prise. N’attendons pas que seuls les parents disposant des moyens suffisants pour solliciter des modes de garde privés puissent s’en sortir. N’attendons pas pour lutter contre les inégalités de destin et agissons dès maintenant pour réformer en profondeur ce secteur puisque nous savons l’importance des trois premières années de la vie dans la construction de l’enfant et l’importance pour toutes les familles de pouvoir disposer d’un mode de garde fonctionnel et qualitatif !
Reconstruisons un secteur public de la petite enfance digne des enjeux pour tous les enfants et les familles de France !