LES MOUVEMENTS DE POPULATION : UN ATOUT POUR L'EUROPE

Liste des signataires à retrouver en fin de contribution

CONTRIBUTION THÉMATIQUE (ASSOCIATION NOVALLIA)

Il y a au moins trois façons d’entrer dans le débat sur les mouvements de population dans l’Union européenne :

  • -  Les programmes de type Erasmus, plébiscités par les jeunes européens à qui ils permettent d’étudier dans un autre pays que le leur, et donc de dépasser les frontières culturelles tout en respectant les spécificités de chaque population sur son territoire, avec ses coutumes, son mode de vie, ses pratiques sociales, religieuses etc. Chaque année produit ses milliers de “bébés Erasmus” qui n’imaginent pas, pour la suite de leur existence, qu’on les oblige à vivre autrement que sans frontières internes et sans le brassage que permet l’Union européenne. Il constituent, de génération en génération, le ciment de l’Europe.

  • -  La problématique des travailleursdétachés.

  • -  L’arrivée de celles et ceux que l’on appelle globalement “les migrants”, qui viennent de l'extérieur de l'Union européenne.

Les deux derniers sujets ont joué un rôle important dans la motivation des électeurs en faveur du Brexit en Angleterre et des partis politiques d’extrême droite dans un grand nombre de pays : motivation sociale, surtout, avec les travailleurs détachés (mouvements internes à l’Europe) et motivation “identitaire” avec les migrants (venant de l’extérieur de l’Europe).

S’agissant du travail détaché, sauf à remettre en cause la construction européenne en elle-même et notamment le principe de libre circulation, il nous faut définir des modalités qui permettent à la fois les mouvements de travailleurs et leur acceptation par les citoyens de chaque État membre. Il s’agit de faire en sorte que ces mouvements, nécessaires, n’aboutissent pas à mettre en concurrencedéloyale les travailleurs d’un pays et ceux d’un autre.

Dans le fonctionnement actuel, avec une réglementation qui prévoit grosso modo que les salaires versés sont calés sur les salaires du pays d’accueil et que les cotisations sociales sont celles du pays d’origine, certains pays se sentent floués : les uns parce qu’ils constatent un dumping social au détriment de leur travailleurs concurrencés, les autres parce que leurs ressortissants sont exploités et que, malgré cela, les États ayant le plus haut niveau social veulent remettre en cause la directive.

En réalité une bonne part du problème vient de ce que les règles posées par la directive ne sontpas respectées. Si ces règles étaient respectées, y compris s’agissant des conditions de travail et des contraintes imposées à l’employeur portant en particulier sur le logement des salariés étrangers, le coût pour l’entreprise en France d’un travailleur détaché serait équivalent à celui d’un travailleur français.

Le non respect des règles et la prolifération de montages frauduleux ont abouti à la fois à une exploitation scandaleuse des travailleurs venant de certains pays de l’est de l’Europe et au rejet du système par les autochtones.

La seule voie de sortie acceptable dans la renégociation de la directive consiste à retenir la formule “à travail égal, salaire égal sur un mêmelieu de travail”, y compris avec des avantages sociaux identiques.
Il serait opportun que sur le travail détaché les syndicats européens et la confédération européenne des syndicats fassent entendre plus clairement leur voix et mobilisent leurs ressortissants (!)

La question des migrants, quant à elle, se pose d’une autre manière et concerne des populations différentes les unes des autres, avec souvent des motivations distinctes.
Les réfugiés syriens, par exemple, voudraient, pour la grande majorité d’entre eux, retourner chez eux. Leur accueil serait ainsi temporaire.
Les migrants venus de pays africains, en prenant des risques considérables et au prix de souffrances extrêmes, ont fui la misère et souvent les persécutions. Ils cherchent en Europe une installation définitive pour
une vie décente. Ce mouvement a peu de chances de s’arrêter avant longtemps, d’autant qu’il sera rapidement amplifié par le phénomène des migrations climatiques, dont les premières manifestations apparaissent en Afrique, en Asie du sud-est...

Une réponse qui consisterait à vouloir fermer nos frontières (françaises ou européennes) est totalement illusoire et contre-productive. Une fermeture de frontière est toujours réciproque et nous serions bien incapables de la mettre en œuvre dans la réalité...

La Commission européenne a tenté de faire ce qu’elle pouvait, à savoir répartir les migrants, et donc leur accueil, entre les pays membres.
L’Allemagne d’Angela Merkel en a accueilli le plus grand nombre, y compris sous les critiques de ses partenaires. La France très peu, et d’autres pays comme la Hongrie ou la Pologne ont refusé de prendre leur part, sauf à opérer un tri parmi les candidats à l’accueil.

Il est vrai que la politique migratoire reste de la compétence des états membres (il faudrait donc modifier cette règle pour aller vers des décisions à la majorité qualifiée).
Il est vrai également que les accords de Dublin sont toujours en vigueur et prévoient que c’est le pays du premier accueil qui traite la question du
statut de réfugié. La Grèce et l’Italie s’en trouvent d’autant plus en difficulté.

Quant au “deal” avec la Turquie, dont on connaît l’évolution peu démocratique, il charge ce pays, moyennant rémunération, de garder les réfugiés syriens sur son territoire en attendant des jours meilleurs.
Si, à l’autre bout de la chaîne, la destination britannique est si prisée par les migrants cela tient à la langue qu’on y parle et au fait qu’on puisse y travailler sans papiers. Et comme, en application de l’accord du Touquet, la frontière se trouve en France la situation, pendant la négociation du Brexit, est un peu bloquée.

Un certain nombre de règles et d’accordsinternationauxdoivent donc être modifiés, mais cela ne suffira pas.
Pour assurer une véritable police aux frontières extérieures de l’UE, avoir une bonne connaissance de ce qui s’y passe et ainsi assurer une meilleure prise en charge des populations migrantes,
l’agence Frontexdoit être renforcée, évoluer dans ses méthodes et réellement remplir son rôle.

Pour limiter l’immigration “économique”, notamment des jeunes africains “sans avenir”, le développement de l’Afriquedoit être soutenu. C’est l’objet du plan Juncker 2, constitué essentiellement de prêts. Mais il faudra aller plus loin et investir de l’argent public sur le continent africain.

Quant aux enjeux climatiques, qui font que certaines populations sont amenées à fuir leur propre pays, ils sont traités par l’Accord de Parisissu de la COP 21 qui doit être non seulement respecté (y compris dans son volet financier) mais probablement renforcé compte tenu de l’urgence à agir.

Il reste que dans les années qui viennent les migrants seront encore nombreux à arriver en Europe.
Première observation : que signifie “nombreux” dans un espace de 500 millions d’habitants, dont les différents pays se sont d’ailleurs construits par des vagues d’immigration successives ? Retrouvons le sens des proportions, et révisons
notre histoire!

Deuxième observation : les outils d’accueil et d’intégration existent. Il faut simplement les utiliser.
Commençons par contrecarrer
la propagandeet les “fake news” de l’extrême droite à propos notamment des “privilèges” dont bénéficieraient les migrants ou du lien entretenu dans l’opinion avec les acteurs du terrorisme. On ne répond pas à la détresse des hommes en répandant des idées fausses. Sur ce plan les médias et les responsables politiques ont une mission importante à remplir.

Le rôle intégrateur de l’écoleest majeur : pour donner aux arrivants les savoir minimaux afin qu’ils participent à la vie sociale (langue, connaissance des usages et des règles...), pour insérer les enfants dans leur environnement social et leur permettre d’acquérir les moyens de “faire leur vie”, mais également en direction des populations locales, pour dispenser une éducation “à accepter l’autre”...

S’agissant de la question religieuse, souvent mise en avant comme frein à l’intégration, le simple respect du principe de laïcité(la loi de 1905, sans adjectif inutile), avec rappel et explication concrète dès l’arrivée sur le sol français, devrait largement faciliter le vivre ensemble.

Troisième observation : compte tenu de sa situation économique et démographique l’Europe a besoindes immigrés. Il faut simplement les accueillir, les répartir de façon organisée, et leur donner du travail pour les intégrer.
De fait les migrants ne “prennent pas le travail des Français”. Ils occupent “les emplois qui restent”. Et de toutes façons, s’ils viennent avec leur force de travail, ils viennent aussi avec 
leurs besoins de consommation et ceux de leur famille. Ils apportent en outre leur intelligence et leur culture. Leur présence est enrichissante à bien des égards.

Il nous reste à convaincre de tout cela la grande majorité de nos concitoyens, en cohérence avec nos valeurs républicaines de défenseurs des droits humains. En nous appuyant en particulier sur les “bons exemples” d’intégration, notamment dans les territoires rurauxdont certains ont retrouvé une jeunesse et une dynamique par l’arrivée de populations migrantes. Renouons avec une parole positive de la gauche, afin de résoudre un problème crucial en Europe, tout en ouvrant des perspectives d’avenir.

La contribution en PDF

 

Signataire :

Jean MALLOT

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