Les Outre-mer doivent être d'avantage valorisées et développées


Thème : Outre-mer


Télécharger la contribution

Grâce à la convention de Montego Bay, la France s’enorgueillit d’être devenue le deuxième pays du monde en termes de surface maritime, juste derrière les États-Unis, grâce à ses départements et collectivités d’Outre-mer, et pourtant les DOM et les COM souffrent de l’absence d’intérêt et d’empathie des élites métropolitaines à leur endroit. Un plan de rattrapage social, permettant de résorber le chômage de masse et de développer leur activité économique de manière soutenable, présente un caractère indispensable afin que ces territoires ne soient plus les parents pauvres de la République.

« La montée des frustrations sociales et des désespérances, notamment de lacjeunesse [...] est porteuse des germes d’une explosion sociale durable. » Fédérationcdes Entreprises des Outre-Mer (FEDOM)


AGIR ÉNERGIQUEMENT POUR L’EMPLOI

La résorption du chômage sera rendue possible grâce à un ensemble de mesures :

  • L’amélioration de la formation initiale (primaire et secondaire) par des mesures d’équité scolaire et par une prise en compte du contexte linguistique
  • L’amélioration de l’offre de formation dans les DOM et les COM au service de l’emploi, via des implantations locales pour éviter l’obligation de venir étudier en métropole

  • Le développement des énergies renouvelables (notamment l’éolien, l’hydrolien, la géothermie et le photovoltaïque)

  • Le déploiement de l’économie numérique

  • L’information et l’accès aux formations et aux métiers de la mer (ouvriers, techniciens, scientifiques, métiers halieutiques...), aux métiers de l’agriculture durable et de la distribution, ainsi qu’à ceux liés à la protection et gestion des milieux naturels

  • L’interdiction du recours à la main d’œuvre communautaire détachée (ou, à défaut, son strict encadrement)

  • Le partage de l’emploi ainsi que le développement de l’économie circulaire et de proximité favorisée par l’ESSE, tous deux décrits dans le livret thématique n° 6, « Vers une politique socioéconomique responsable pour un monde juste »

  • Le développement d’une activité de recherche dédiée aux maladies tropicales, avec une incitation à l’implication et à une implantation dans les DOM de centres de recherche et d’unités d’industrie pharmaceutique dédiées

Le taux d’illettrisme lors des Journées Défense Citoyenneté 2013-2015 est de 19 % dans les DOM et de 3, 5 % dans l’Hexagone.


REHAUSSER LE NIVEAU DE VIE

Diminuer l’écart de niveau de vie entre les DOM et la métropole grâce au revenu universel, en complément des mesures pour l’emploi. Diminuer le taux de chômage, permettra une meilleure répartition des richesses.

Réorganiser la production alimentaire locale en soutenant les circuits courts pour la distribution, afin de garantir l’accès plus facile à une nourriture plus saine à un prix juste. En effet, une des sources d’inégalité de niveau de vie est le prix des denrées alimentaires, environ 15 % plus élevée qu’en métropole, ce qui influe sur le coût de la vie.

Redistribuer plus équitablement les bénéfices liés à l’exploitation des domaines maritimes (mer et sous-sols marins) des DOM et des COM.

Redéfinir à la baisse les mesures de défiscalisation spécifique aux DOM et aux COM. Elles profitent surtout à des personnes issues de métropole, et seule une partie des montants ainsi dégagés servent effectivement l’économie locale, alors que le reste revient en métropole.

Le niveau de vie dans les DOM s’échelonne encore entre 27 % et 69 % de la moyenne nationale. Le revenu médian annuel dans les DOM est inférieur à 10 000 euros par an. Les 20 % les plus pauvres ont un revenu médian de 242 € par mois à La Réunion, 413 € par mois en Martinique contre 915 € par mois en métropole (INSEE 2011).


ADAPTER LES STRUCTURES ADMINISTRATIVES

Refondre la structure administrative en la rendant spécifique aux DOM et libérer ainsi les collectivités territoriales des entraves constitutionnelles non adaptées à leur particularité.

Lutter, de même que dans le reste du territoire national, contre la désertification en structures administratives et en services (bureaux de poste, tribunaux, caisses d’allocations familiales, etc.).

Favoriser les démarches administratives en facilitant l’accès aux outils numériques et en formant des personnes référentes à l’utilisation de ces outils.

Obtenir des statistiques économiques et sociales équivalentes à celles produites pour la métropole dans le but de mieux ajuster la politique de lutte contre les inégalités. L’INSEE a publié plusieurs synthèses sur les inégalités entre DOM et métropole, mais des données générales ne sont le plus souvent générées que pour la métropole. Cette absence de chiffrage nuit à l’élaboration de plans de gestion et de développement adaptés. Une structure comme France Agrimer, par exemple, réalise une plaquette « pour chacune des régions de France », mais oublie les DOM.


AUGMENTER LES MOYENS DES SERVICES PUBLICS : TRANSFÉRER LA SUR-RÉMUNÉRATION AU COLLECTIF

Transférer progressivement aux territoires la sur-rémunération des fonctionnaires qui n’a plus lieu d’être en l’état. Celle-ci, épinglée par la Cour des comptes en 2015, coûte à l’État plus de 1,18 milliards d’euros par an (montant de 2012) pour les fonctionnaires de la société civile, au nombre de 91 000. Le budget se doit de rester dans ces territoires et de participer à leur développement, par l’amélioration des infrastructures et l’augmentation des effectifs (à la Réunion par exemple, à trois postes avec sur-rémunération à 133 %, pourraient se substituer quatre postes sans sur-rémunérations). Le montant des sommes transférées aux territoires augmentera progressivement en fonction des départs en retraite et des remplacements, car cette réforme s’appliquera uniquement pour les nouveaux entrants, les contrats de travail existants se devant d’être honorés. Cette mesure, propre à atténuer les tensions actuelles dans les régions, s’accompagnera de dérogations provisoires renouvelables du fait de la difficulté à pourvoir certains postes spécifiques dans certains territoires.


ADAPTER ET AMÉLIORER LE SYSTÈME ÉDUCATIF

Lancer un plan de rattrapage afin de ramener les indices INSEE de l’éducation dans la moyenne nationale, avec un volet financier d’augmentation des effectifs des enseignants (qui ont fortement diminué depuis quinze ans) et des infrastructures, et un volet qualitatif d’amélioration des résultats.

Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) dans les DOM varie de 40 % (Guyane) à 56, 3 % (Guadeloupe), contre 23,6 % dans l’Hexagone.

Introduire les langues maternelles dans l’enseignement primaire, comme des marchepieds pour l’apprentissage du français. Inclure cette démarche dans le cadre de la signature de la convention sur les langues régionales et des droits des peuples autochtones en Guyane et Nouvelle-Calédonie (voir supra). En corollaire, mettre en place une formation linguistique des professeurs issus de la métropole.

Adapter les programmes aux territoires (histoire, géographie, éducation civique aux us et coutumes...) afin d’impliquer davantage les apprenants et de promouvoir leur histoire et leur contexte de vie.

Réintégrer dans les programmes scolaires les apprentissages de la culture et la géographie des DOM et des COM pour l’ensemble des écoliers français. Réintégrer dans les programmes officiels le rôle des Outre-mer dans les luttes pour l’abolition pour l’esclavage et leur contribution au rayonnement de l’héritage humaniste français et des valeurs qui en découlent.

AMÉLIORER LA CONTINUITÉ TERRITORIALE

Faire prendre en charge par l’État, à intervalles réguliers (par exemple tous les trois ans), en faveur des expatriés en métropole justifiant d’une obligation professionnelle et de leur famille, une partie du coût du billet d’avion de visite au territoire d’origine. En effet, la continuité territoriale se doit d’être assurée partout sur le territoire français. L’État se doit de participer au coût de visites à sa famille pour assurer l’égalité de traitement entre tous les citoyens français, car le lien familial et culturel est essentiel à toute personne désireuse de l’entretenir.


AMÉLIORER LE RETOUR DES DOMIEN·NE·S APRÈS L’ACQUISITION DE COMPÉTENCES ET D’EXPÉRIENCES

Favoriser la mobilité des Domiens souhaitant retourner au pays, en appliquant les dispositions relatives aux Centres d’intérêts matériels et moraux (CIMM) votées en octobre 2015. En effet, la volonté des Domiens de retourner dans leur région d’origine après l’acquisition de compétences et d’expériences constitue une réelle problématique aujourd’hui. Dans quel mesure l’État peut-il intervenir, en la faveur d’un citoyen qu’il emploie ou, à l’inverse, en sa défaveur, dans le traitement de sa mobilité ?


RENDRE CHAQUE TERRITOIRE AUTONOME SUR LE PLAN ÉNERGÉTIQUE

Mettre en œuvre un plan d’autonomie énergétique de chaque territoire à partir des énergies renouvelables spécifiques à chacun (géothermie, photovoltaïque, éolien...). La façade maritime des DOM permettrait en particulier une production d’énergie par éoliennes marines et hydroliennes.

L’énergie solaire, de même que sur l’ensemble du territoire, peut être développée au niveau de fermes solaires, mais également à l’échelle individuelle, par des panneaux et chauffe-eau solaires. Certaines îles offrent un contexte géologique particulièrement favorable à l’utilisation de la géothermie, à titre individuel comme pour les exploitations agricoles ou les villes : il est indispensable d’exploiter intelligemment cette ressource naturelle.


GÉRER DE MANIÈRE DURABLE LES LITTORAUX ET LES ESPACES MARINS

  • Faire évoluer la réglementation vers une tolérance des activités humaines respectueuses de l’environnement, en remplaçant par exemple l’agriculture conventionnelle à base de monoculture intensive favorisant la prolifération de ravageurs par la permaculture ou l’agriculture bio, plutôt que d’interdire totalement toute agriculture. De manière générale, préférer la médiation à la confrontation
  • Transformer toute forme agressive d’exploitation des ressources de ces milieux en exploitation durable (écotourisme, agriculture biologique, sylviculture sélective...)

  • Insérer la population locale dans tous les corps de métiers liés à la préservation des milieux, en mettant en place des parcours de formation ambitieux. En particulier, sensibiliser à l’utilisation d’insecticides, poisons pour les sols, les cours d’eau et littoraux. Expliquer et favoriser la co-culture et la permaculture vivrière éco-responsables, qui permettent d’éviter la pollution des cours d’eau

  • Soutenir les relations entre les habitants et leur environnement naturel via la sensibilisation et le tourisme intérieur

  • Contrôler précisément tous les forages d’exploration et les modalités d’exploitation des ressources du sous-sol, en particulier hydrocarbures et minerais, sur les sols terrestres et marins sur toute l’étendue des zones d’exclusivité d’exploitation dépendant du territoire

  • Privilégier des mécanismes récompensant la gestion à long terme plutôt que l’effet de manne utilisés par certaines compagnies industrielles


SAUVEGARDER LE PATRIMOINE NATUREL

L’insularité ou l’isolement de ces territoires, parfois restreints, ont favorisé au fil du temps une flore et une faune indigènes ou endémiques, qui sont souvent très fragiles et demandent des mesures de protection (parcs et réserves naturelles). Mais ces mêmes territoires sont menacés par certaines activités agricoles, industrielles ou touristiques.

Il est donc nécessaire de :

  • Renforcer l’étude d’impact de tout projet touristique ou hôtelier sur les paysages, la biodiversité et les écosystèmes
  • Mettre en place des moyens efficaces de gestion et surveillance des parcs naturels des Outre-mer

  • Mettre en place en Guyane un véritable plan de lutte contre l’orpaillage clandestin et lui affecter des moyens adaptés

  • Exclure toute spéculation immobilière et toute activité touristique non écologique dans le parc
    national de La Réunion


RECONNAÎTRE LES PEUPLES AUTOCHTONES DES OUTRE-MER

  • Reconnaître comme peuples autochtones les Kanaks de Nouvelle-Calédonie et les Amérindiens de Guyane, afin de faciliter la préservation, le développement et la transmission aux futures générations de leurs territoires ancestraux et de leur identité ethnique, et ratifier pour ce faire la convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux.
  • Consulter et associer les peuples autochtones aux décisions qui concernent leurs droits et leurs modes de vie.

« La loi pour l’égalité réelle des Outre-mer constitue une avancée notable dans l’engagement de la France à combler les retards dans l’accès aux droits des populations vivant dans les territoires ultramarins. Néanmoins, les membres des peuples kanak en Nouvelle-Calédonie et amérindiens en Guyane doivent faire l’objet d’une attention particulière. Afin que les mesures prises en faveur de ces deux peuples soient réellement efficaces, il est indispensable que l’État reconnaisse ces deux peuples comme des "peuples autochtones" en tant que tels sur le territoire de la République française. » Christine Lazerges, présidente de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH)


Premier signataire :

Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique


Télécharger la contribution

Veuillez vérifier votre e-mail pour activer votre compte.