Les prisons un lieu de privation de liberté pas de dignité


Thème : Prisons


Assurer la sécurité pour tous passe par l’optimisation de la lutte contre le terrorisme en s’attaquant à ses causes profondes, tout autant que par une réforme profonde du système pénitentiaire visant à le  rendre plus humain et à œuvrer à la diminution de la récidive en axant nos efforts sur la réinsertion de  ceux se sont écartés de la société. Si des alternatives à l’emprisonnement doivent être développées,  c’est en milieu carcéral que l’essentiel de ce combat peut se jouer, par un train de mesures permettant  d’éviter la surcharge des prisons, source de radicalisation et de récidive, par la réhabilitation du parc  pénitentiaire, par l’accompagnement progressif des prisonniers vers la liberté, par l’incitation au travail  pénitentiaire et à la formation, seuls gages d’une réinsertion possible. 

« La prison n’est qu’un espace muré qui cache les échecs de la société. » Anthony  Dacheville 

LANCER UN PLAN D’URGENCE POUR LES PRISONS 

Lutter contre la surpopulation des maisons d’arrêt 

Interdire strictement le maintien en maison d’arrêt des personnes condamnées définitivement à plus  d’un an d’emprisonnement. Il n’est plus acceptable que les prévenus soient les détenus les moins bien  traités de France, Il s’agit désormais de mettre en œuvre ses dispositions afin de limiter le recours à la  détention provisoire, d’accélérer le déroulement des informations judiciaires et de raccourcir les délais  d’audiencement. Certes, il ne faudrait pas reporter sur les centres de détention le problème de  surpopulation des maisons d’arrêt mais les locaux et le régime de ceux-ci offrent des activités  collectives plus importantes et les détenus ne sont pas soumis à l’encellulement au cours de la journée.  Ces mesures devraient être expérimentées dans l’une des régions pénitentiaires, afin d’en évaluer les  conséquences. 

Faire respecter la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption  d’innocence et les droits des victimes, dont l’application est sans cesse reportée depuis 2003 (cf.supra  « Mettre en place en milieu carcéral une vraie politique de réinsertion »). 

Déconcentrer au niveau régional la gestion des affectations des détenus. Une telle déconcentration  permettrait d’éviter des transfèrements longs, complexes et coûteux. 

Développer le placement sous surveillance électronique. Il constitue un instrument de prévention de  la récidive en évitant la rupture des relations familiales ou la perte d’un emploi ; il est un instrument  moins coûteux que la prison ; enfin, il peut permettre de lutter contre la surpopulation dans les  maisons d’arrêt (cf. supra « Mettre en place en milieu carcéral une vraie politique de réinsertion »). 

Repenser les politiques de santé à l’égard des détenus malades mentaux et toxicomanes. Il s’agit de  renforcer les capacités d’accueil des centres hospitaliers spécialisés (unités fermées des hôpitaux  psychiatriques et doublement au minimum des lits en UMD, Unités pour malades difficiles). Par  ailleurs, la place des toxicomanes en tant que tels n’est pas en prison. La simple consommation de  stupéfiants ne devrait pas impliquer de peines d’emprisonnement. S’agissant des toxicomanes  délinquants, les traitements de substitution doivent être généralisés sans être interrompus lors de la 

sortie mais il existe, en milieu libre, trop peu de places dans les centres de soins. Cette question relève  davantage d’une politique de santé publique. 

Modifier la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers. La législation sur le séjour des étrangers  prévoit aujourd’hui une peine d’un an d’emprisonnement pour les sans-papiers. Cette mesure a un  effet pervers: elle encombre les prisons, ce qui contribue à la dégradation des conditions de détention,  notamment dans les grandes maisons d’arrêt. 

Rappeler aux juges de l’application des peines l’importance des mesures de libération conditionnelle  et de commutation de peine, qui constituent un facteur important de prévention de la récidive. 

Réhabiliter le parc pénitentiaire 

Réhabiliter une grande partie du parc immobilier. Les plus vétustes et les moins adaptées des vieilles  prisons devront être fermées. Sur le court terme, élaborer une stratégie immobilière et procéder à un  bilan exhaustif de la situation des établissements pénitentiaires afin de pouvoir établir les priorités et  élaborer une stratégie immobilière à travers une loi de programme sur cinq ans. 

Équiper les bâtiments de parloirs suffisamment vastes, de lieux de formation, d’ateliers, de locaux  socioéducatifs et de terrains de sport adaptés, en privilégiant les établissements à taille humaine et en  prévoyant un effort important de maintenance, dont les moyens et l’organisation seront réorganisés. 

Mieux définir les droits et les devoirs des détenus 

Adapter les conditions de détention à la dangerosité des détenus en limitant le recours aux fouilles  afin d’éviter celles qui sont inutiles, exaspérant les détenus et, par conséquent, renforçant les tensions  avec les surveillants. Les fouilles à corps doivent être limitées au maximum, le recours aux  investigations corporelles internes devant être prohibé, sauf cas exceptionnel motivé par un impératif  de sécurité. 

Réformer la procédure disciplinaire. Il apparaît tout d’abord nécessaire d’assurer une meilleure  adéquation entre les fautes commises et les sanctions. Le « mitard » apparaît trop souvent comme  l’unique solution aux incidents occasionnés. Il importe aussi de renforcer les droits de la défense des  détenus lors de la procédure disciplinaire, tout détenu devant être assisté d’un avocat, s’il le demande,  lors de son passage devant la commission de discipline. De surcroît, les visiteurs de prison doivent être  autorisés à rencontrer les détenus placés au « mitard ». Une telle mesure est de nature à réduire la  fréquence des suicides qui se produisent dans les cellules du quartier disciplinaire. 

Rétablir les droits des détenus comme citoyens à part entière, sauf peine expresse prononcée par un  juge. Il s’agit de renforcer la liberté d’expression, de favoriser le droit de vote et d’autoriser la création  d’associations en détention dans un cadre normatif et réglementaire à définir. 

Améliorer les conditions matérielles de détention. Il apparaît nécessaire de prolonger les activités  proposées aux détenus jusqu’à 20 heures afin de permettre à ceux qui travaillent de suivre  parallèlement des enseignements ou de profiter des activités mises à leur disposition (bibliothèque,  salle de musculation, sports collectifs, etc.). De même, les activités sportives, culturelles, etc., devront  être considérablement développées et les liens avec l’extérieur favorisés par la subvention des  associations agréées intervenant en détention. 

Améliorer l’accueil des familles. Un effort particulier doit être entrepris pour maintenir les liens  familiaux. Les familles sont aujourd’hui culpabilisées lorsqu’elles rendent visite à leurs proches. Dignité  et fermeté doivent être conciliées. Il paraît également nécessaire d’élargir les plages horaires réservées 

aux visites et de favoriser le rapprochement des détenus ainsi que les moyens de transport, d’accueil  et d’hébergement indispensables aux familles venant de loin. 

Favoriser le travail pénitentiaire et la formation, seuls gages d’une réinsertion possible 

Augmenter la rémunération des détenus. Le contrôle de l’inspection du travail en prison demeure  limité et peu contraignant et le détenu ne bénéficie pas de la protection du droit du travail. D’autre  part, les salaires versés devront correspondre au minimum au SMIC horaire sur lesquels sera déduite  une participation au coût de l’hébergement, de l’alimentation et des activités proposées. Une autre  partie du salaire devrait constituer un pécule visant à faciliter la sortie, s’ajoutant à la fraction du  revenu universel versée sur un compte bloqué – voir supra et la dernière remarque du chapitre intitulé  « Mettre en place en milieu carcéral une vraie politique de réinsertion ». Il convient de mettre fin à  l’exploitation des détenus par les entreprises en raison des coûts infimes de ce travail et qui contribue  également au chômage. 

Encourager le travail à l’extérieur. Des opérations d’intérêt général (contribution à la préservation des  sites naturels par exemple) pourraient être conduites. Bien sûr il ne s’agit pas de revenir au travail  forcé, mais de permettre aux détenus d’effectuer des travaux d’intérêt général, payés au niveau du  SMIC, permettant des contacts avec l’extérieur et participant au recouvrement de la dignité de chacun. 

Mieux prendre en compte le travail et les efforts de formation dans le cadre du mécanisme de  réduction de peine. 

Obliger l’Éducation nationale à mieux respecter ses obligations. L’Éducation nationale ne doit pas  négliger les prisons. Il apparaît indispensable que tous les postes d’enseignants prévus soient pourvus,  et d’aller au-delà, en affectant davantage de professeurs notamment dans les maisons d’arrêt. Il  semble en outre nécessaire de mieux définir le partenariat existant entre l’Éducation nationale et  l’administration pénitentiaire sous le contrôle des inspections. 

Préparer la réinsertion dès la maison d’arrêt. Il convient de favoriser la tâche des intervenants  extérieurs, notamment en coordination avec l’éducation nationale, en vue du développement des  dispositifs de réinsertion portant sur la lutte contre l’illettrisme, l’acquisition de connaissances, la  formation professionnelle, l’initiation à l’informatique et aux nouvelles technologies, etc. (cf. supra «  Mettre en place en milieu carcéral une vraie politique de réinsertion »). 

Développer la concertation et la responsabilisation 

Développer la concertation entre l’administration pénitentiaire et l’autorité judiciaire. Bien souvent,  les contacts sont très insuffisants, notamment entre les maisons d’arrêt et les juges d’instruction. Le  dialogue entre les magistrats et les établissements, à propos de la situation des détenus, doit être  institutionnalisé et renforcé. 

Assurer la concertation au sein des établissements. Il convient de renforcer le dialogue entre  l’administration pénitentiaire et les autres intervenants au sein de l’établissement (personnel médical,  travailleurs sociaux, associations), par exemple via une réunion hebdomadaire rassemblant l’ensemble  de ces personnes. 

Associer étroitement le personnel à ces réformes 

Disposer de personnels en quantité et en qualité suffisantes et en améliorer la gestion. Il faut que les  besoins de l’administration pénitentiaire en ressources humaines soient clairement identifiés et que  la taille des effectifs soit adaptée en conséquence. Il faut que tous les postes prévus soient réellement 

pourvus. Il s’agit également de revaloriser les métiers de l’administration pénitentiaire et de favoriser  la formation continue. 

Mettre en place des mesures adaptés aux jeunes radicalisés. Le dispositif de regroupement des  prisonniers radicalisés au sein de quartiers dédiés en cours d’expérimentation, outre son caractère  potentiellement dangereux, ne découle d’aucune disposition légale applicable, ce régime sui generis ne s’apparentant ni à la détention ordinaire, ni à la mise à l’isolement. 

« Continuons d’entasser quatre personnes dans des cellules de 9m² avec des imams autoproclamés,  sans aucune régulation, et nous aurons des dizaines de Merah et de Nemmouche ». Serge Portelli,  président de la Cour d’appel de Versailles et auteur de La vie après la peine  

Engager une réflexion sur la nature de la prise en charge des jeunes de retour des zones de conflit,  étant observé que l’incarcération ne peut pas être le mode de traitement indifférencié d’un  phénomène qui touche plusieurs centaines de personnes aux degrés d’engagement disparates.


Premier signataire :

Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique 


 

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