Thème : Droits LGBTI
Les changements apportés avec la « loi Taubira » en 2013 – ouvrant le mariage et lʼadoption à tous les couples – et avec la « loi de bioéthique » fin 2021 – ouvrant enfin la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes (rendez-vous raté des socialistes...) – continuent de faire sauter les vieux verrous dʼun modèle familial corseté, fantasmé par certain·e·s comme « unique et intangible » pour tout notre pays.
Cependant, pour que la protection de tou·te·s soit atteinte, notre droit doit être mis en concordance avec notre société et toutes les familles qui la composent, cʼest le travail quotidien dʼassociations homoparentales reconnues (APGL et ADFH notamment).
Cʼest dans une transversalité que lʼengagement socialiste trouve tout son sens. Bien loin de lʼidée réductrice de combats spécifiques et exclusifs que constitueraient ceux en faveur des droits des personnes LGBTI+, véhiculée par les courants conservateurs et réactionnaires, les revendications pour faire évoluer les conceptions sociales et juridiques des familles, contre un modèle hétéronormatif et patriarcal, sʼinscrivent au cœur de lʼidée progressiste. Cette conception dont nous nous revendiquons, bat en brèche lʼopposition binaire, qui est un contresens, de combats « sociaux » et de combats « sociétaux ». Elle a vocation à fédérer des intérêts croisés et partagés en ce quʼelle porte une revendication dʼégalité.
Adoption
La France a mis en place au fil des décennies un système juridique de lʼadoption complexe, illogique et peu respectueux de lʼhistoire des enfants. Ainsi, il existe 2 régimes dʼadoption, simple ou plénière, la seconde suppose de réécrire lʼhistoire de lʼenfant pour mimer la filiation biologique. Cette incapacité à envisager, en pleine lumière, dʼautres manières de devenir parent que la filiation biologique produit des souffrances pour des enfants qui se doutent dʼune autre histoire pour eux-mêmes, une autre histoire que la loi continue dʼeffacer dans le cadre dʼune adoption plénière. Par ailleurs, il y a trop de cas de demandes formulées par des couples de gays ou de lesbiennes qui restent encore sous la pile pour des raisons qui nʼont pas grand-chose à voir avec les enquêtes et entretiens préalables à lʼobtention de lʼagrément dʼadoption.
HES propose :
- Que lʼÉtat dote les autorités compétentes, départementales, dʼun texte contraignant, ou – a minima – une charte qui précise que la gestion dʼun dossier et le processus dʼenquête et dʼexpertise avant lʼadoption se déroulent en assurant une égale considération des demandes dʼagrément afin de refuser toute sélection sur des critères discriminatoires et LGBTIphobes,
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Que lʼon mette rapidement en chantier un régime juridique unique dʼadoption qui reviendra sur les deux formes existantes aujourdʼhui (plénière et simple) qui nʼefface pas lʼhistoire de lʼenfant adopté, mais au contraire la respecte, la continue, et qui valorise la démarche des parents adoptant, ni mieux ni moins bien que lorsquʼil sʼagit de parents biologiques,
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Sʼassurer de la présence dans les conseils de famille, des associations familiales représentées à lʼUnaf et, plus généralement, veiller à ce que les conseils de famille soient représentatifs de la variété de celles-ci. Refuser lʼhomogénéité des structures discutant des projets familiaux des candidats à lʼadoption et délivrant un avis sur celui-ci doit permettre dʼéviter les discriminations,
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Que la totalité des droits, congés et absences (maladie) soient strictement les mêmes, dans le secteur privé comme dans le public, que les parents adoptants soient seuls ou en couples, mariés ou pacsés, hétéros ou LGBTI+.
Établissement de la filiation
La reconnaissance conjointe anticipée (RCA) est un dispositif créant une nouvelle filiation en dehors du droit commun, pour les seules lesbiennes. La RCA sʼarrête au milieu du gué en ne répondant pas totalement aux demandes de modification dans lʼétablissement de la filiation et en préservant un modèle « naturel » pour les hétérosexuels, et les adoptants, et en créant un mode spécifique pour les lesbiennes.
Cette déclaration établie par le couple de femmes qui entame une procédure de PMA pour établir la filiation pour les deux personnes se fait chez un notaire. La réalisation dʼun acte dʼétat civil est sortie du giron de lʼadministration publique est devenu payant. En plus de la réalisation payante dʼun acte notarié pour lʼétat civil, lʼétat prélevait une taxe de 125 euros pour cet acte, en plus des honoraires dus au notaire (environ 75 euros). Le parlement a supprimé cette taxe et la majorité a fait croire à un progrès le retour (au milieu du gué, puisque les honoraires restent dus) à une situation antérieure quʼelle a elle-même créée...
Outre les questions sur cette forme dʼétablissement de la filiation – que lʼon peut saluer pour enfin intégrer les projets parentaux non hétérosexuels – il est aberrant que lʼon oblige les couples lesbiens à payer auprès dʼune structure privée, un acte que les célibataires, les couples, les familles adoptantes, ont le droit de réaliser auprès de lʼadministration et peuvent faire auprès de notaires, avec ou sans lʼaide dʼavocat.
Cela crée une différenciation discriminante qui ne frappe que les lesbiennes. De la même manière, cette RCA comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non mariés est aussi imposée aux femmes lesbiennes mariées, en dépit du caractère de présomption que le mariage induit pour les couples hétérosexuels. Un droit civil à deux vitesses est donc créé, qui conduit, à nouveau, les seules lesbiennes à ne pas être logées à la même enseigne que les autres. Il importe de refonder un droit de la filiation enfin décorrélé du statut marital et où le « projet parental » trouvera la place évidente qui lui revient.
Socialistes, nous proposons :
- Définir une filiation mise à jour avec la vie réelle des familles, avec une réflexion sur tout lʼétat civil. Revenir sur les vieux modèles antiques qui ne correspondent plus à la réalité des familles de France et de leur diversité au quotidien,
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Refuser que des actes dʼétat civil, quels quʼils soient, puissent être payants, et délégué à des tiers hors de lʼadministration publique. Il faut réserver aux officiers dʼétat civil républicains, que nʼimporte quel·le citoyen·ne peut saisir, la capacité à établir un état civil sans aucun frais,
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Faire connaître les démarches liées à la RCA dans les Cecos et permettre un recours si le délai (aujourdʼhui, lʼacte doit être réalisé avant de signer lʼacte dʼengagement dans un parcours PMA) est dépassé
PMA : procréation médicalement assistée (ou aide médicale à la procréation, AMP)
Nous savons quʼhier, lorsque le recours à la PMA nʼétait pas permis aux couples de femmes et aux femmes seules, son accès nʼétait pas réservé « aux cas dʼinfertilité médicalement constatée » comme lʼindiquait alors la lettre de la loi, mais est ouvert à dʼautres cas, conformément à son esprit. 23 000 enfants naissent chaque année grâce à une PMA.
Le Défenseur des droits, le Haut conseil à lʼégalité entre les femmes et les hommes, tout comme une majorité de Français·e·s aujourdʼhui, sont favorables à lʼextension de lʼaccès à la PMA. Et le Conseil national consultatif dʼéthique (CNCE) a officiellement validé le principe de la PMA ouverte à toutes les femmes en juin 2017 (décision attendue depuis des années). Lʼouverture enfin, de la PMA à toutes les femmes, par la loi, promulguée en août 2021, vient combler un manque invraisemblable dans notre législation nationale. Le projet de loi bioéthique présenté le 24 juillet 2019, avec toutes les péripéties quʼil a eu à subir nʼa finalement été voté en ultime lecture par lʼAssemblée nationale que le 29 juin 2021, les décrets dʼapplication nʼétant finalement publiés, eux, quʼen... septembre 2021.
En quelques mois, plus de 13 000 demandes ont été faites auprès des centres de PMA, cʼest lʼembouteillage et des délais dʼattente de plus de 12 mois pour avoir des rendez-vous dans des services hospitaliers dédiés manquant cruellement de moyens pour vraiment appliquer la loi et recevoir les futurs parents ! Le tout 1er bébé dʼune PMA « Made in France » issu dʼun couple de femmes nʼest ainsi né que le 27 août 2022, une petite fille prénommée Zola, à Nantes.
La France a continué de passer pour rétrograde et frileuse, devant nos voisins européens qui avaient déjà ouvert ce droit des années avant nous. Sur ce sujet, comme dʼautres, cʼest le manque de courage politique et le refus de voir la réalité dʼune société, bien plus volontaire pour avancer que ne lʼétaient nos gouvernements, qui est le problème.
Dans lʼattente, ce sont des projets familiaux, des désirs de parentalité et des vies qui ont été cruellement touchés. Et chaque phase des débats qui sʼest ouverte sur la PMA ou les aides à la procréation aura laissé grandes ouvertes les vannes des discours de haine et de mépris, aussi bien pour les femmes candidates aux PMA que pour les familles quʼelles ont construites grâce à cette technique. Cela ne fait ni lʼhonneur de nos politiques ni celui de notre nation.
Il faut aussi rappeler que lʼinterdiction, en France, dʼun acte médical que des pays de lʼUnion européenne autorisent relève de lʼhypocrisie. Le droit communautaire permettant à chaque citoyen·ne de lʼUnion de pouvoir se rendre sur le territoire des États membres, et avoir accès à ce quʼils y autorisent aura très vite démontré les limites dʼune régulation nationale dans ce cadre.
Cependant ces accès hors du sol national auront eu un coût non négligeable pour les femmes qui se sont engagées dans ces processus, à fortiori pendant la crise de la Covid-19. La fatigue et les difficultés de conciliation avec une vie professionnelle liées aux allers-retours pour les différents rendez-vous (les PMA nécessitent souvent plusieurs essais avant leur réussite). Les traitements à réaliser, et leur suivi, moins bien réalisés quʼavec un médecin « local », les risques aussi que ces actes engendrent, en y additionnant la fatigue morale que ces démarches créent sont autant de démonstrations que la vie des femmes a été sciemment complexifiée et rendues plus dangereuses.
Combien de femmes ont dû renoncer à leur projet, par accès hors du sol national pour des motifs financiers et par des délais de prise en charge en France trop longs ?
PMA post-mortem
Dans un couple hétérosexuel, la femme et lʼhomme peuvent déjà faire conserver leurs gamètes pour les procédures de PMA. Lorsque la mort de lʼhomme survient après le don des gamètes, la récupération de ceux-ci est interdite et oblige la femme à tenter une PMA « en célibataire » et à sʼinscrire dans un parcours pour trouver un don de sperme dʼun autre donneur alors quʼelle dispose pourtant de gamètes prévus à cet effet !
La « Ropa »
La « Réception de lʼOvocyte par la PArtenaire », cʼest-à-dire le don dʼovocyte dans un couple de lesbiennes.
Variante de la fécondation in vitro (FIV), cʼest la méthode consistant pour une femme à se faire inséminer avec les ovocytes (ovule) de sa partenaire, ce qui demeure interdit en France. Cela permettrait pourtant à un couple dʼavoir, avec un gamète, une grossesse ne nécessitant quʼun don de sperme en plus. Dans les couples où la femme pouvant avoir un enfant, nʼest pas celle ayant des ovocytes, cela éviterait les parcours longs et compliqués pour obtenir un don dʼovocyte « extérieur » en plus, alors que les pénuries de dons sont bien connues en France.
PMA prise en charge et remboursée à niveau égal pour toutes
Depuis lʼadoption de la loi de bioéthique de 2021, la PMA est prise en charge jusquʼà 43 ans pour les femmes. Pourquoi un tel âge ? 43 et pas 42 ou 44 ? La mise en place de critères médicaux pour les actes liés à la PMA est une démarche qui est déjà plus compréhensible que sa prise en charge jusquʼà un certain âge. Cela relève dʼun certain arbitraire et conduit des couples de femmes à aller à lʼétranger parce quʼune forme de « date de péremption » leur est imposée. Les délais que la
France a pris pour ouvrir la PMA à toutes les femmes ont déjà conduit à ces exils parentaux teintés dʼamertume et de colère et engendrant de nombreux risques...
LʼEspagne a choisi dʼétablir un seuil pour la prise en charge des PMA à 50 ans. Il semble logique de se poser la question des âges de la PMA, avec une liaison évidente entre la prise en charge et lʼaccès, il serait bien incompréhensible dʼautoriser une PMA jusquʼà un certain âge et ne pas la prendre en charge au-delà dʼun autre.
Socialistes, nous proposons :
- Pour lʼaccès à la PMA, en France, les accès aux procédures ne peuvent être limités que sous la garantie de procédures médicales les plus appropriées aux patientes et à leurs conditions de santé et de grossesse, ainsi que celles de leur futur·e enfant.
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Aucune femme ne peut être rejetée des démarches nécessaires à lʼengagement dans un processus de PMA. Le traitement égalitaire de toutes les demandes (couples de femmes, femmes seules) est une évidence quʼil faut rappeler et surtout mettre en œuvre.
- Toute personne trans (pouvant être gestatrice) qui souhaite sʼengager dans un processus de PMA doit pouvoir y accéder et être prise en charge, sans que des médecins ne sʼy opposent sur ce critère.
Filiation et autorité parentale
La filiation nʼest pas un accident biologique ! Dans notre société, et depuis plusieurs décennies, lʼaventure parentale commence souvent par un projet explicite, réfléchi et choisi. Ce projet engage la plupart du temps un homme et une femme, mariés ou non, puisquʼun enfant sur deux en France nait de parents non mariés. La science et la vie sociale que nous avons construite font quʼaujourdʼhui, et sans doute encore plus demain, le projet parental peut engager plus de deux personnes, quʼil sʼagisse dʼune donneuse ou dʼun donneur de gamètes, dʼune gestatrice, ou de projet de coparentalité.
Cette diversification assumée nʼest pas le vecteur dʼune déstructuration redoutée par certain·e·s, mais, au contraire, source dʼune restructuration des histoires familiales, moins unique, moins secrètes, plus lisible pour les enfants qui sont le fruit de ces projets. La réalité des familles est diverse. De la même manière que le statut de « bâtard », dʼenfant illégitime ou né hors mariage, a disparu de notre législation, il est logique dʼavancer et de continuer à reconnaître ce que sont aujourdʼhui les réalités diverses des familles en France.
Rappel : dans sa 1re stratégie en faveur de lʼégalité des personnes LGBTI+ dans lʼUE, la Commission européenne précisait quʼelle entendait présenter une initiative législative sur la reconnaissance mutuelle de la parentalité (celle-ci était prévue pour la fin 2021 et la présidence française de lʼUnion européenne nʼa pas fait avancer ce dossier, hélas) et devait étudier lʼadoption de mesures susceptibles de soutenir la reconnaissance mutuelle de partenaires de même genre entre les États membres.
Socialistes, nous proposons :
- Lʼouverture de la possibilité de déclaration anticipée (gratuite) et reconnaissance en mairie de tous les enfants par tous les parents, quelle que soit leur situation de couple,
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La création dʼun statut du « parent social », ou beau-parent, compagne ou compagnon du père ou de la mère reconnu·e et qui, concrètement, intervient dans la vie quotidienne de lʼenfant, son éducation, sa santé et son environnement affectif,
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La facilitation de la délégation-partage de lʼautorité parentale au conjoint·e, à la compagne ou au compagnon, des parents séparés.
Signataires :
Lennie Nicollet