Yannick Trigance, secrétaire national du PS à l'Éducation et à l'Enseignement supérieur
Le ministre de l’Éducation nationale n’a de cesse de rappeler que dorénavant l’école maternelle est obligatoire dès 3 ans et que cette loi constitue une avancée dans la lutte contre les inégalités.
Passons sur le fait qu’avant cette loi pas moins de 98 % des enfants de trois ans étaient déjà scolarisés et que le seul impact notable de cette loi réside dans la prise en charge par l’État – via les communes – du coût des écoles maternelles privées pour un montant d’environ 100 millions d’euros.
L’actualité vient percuter l’autosatisfaction du ministre avec la publication de l’édition 2020 de l’étude de l’OCDE « Regards sur l’éducation » qui souligne, chiffres à l’appui, que la France n’est plus un modèle dans le domaine de la scolarisation en maternelle, et ce pour au moins deux raisons :
- La dégradation du taux d’encadrement des élèves : alors même que le nombre d’enfants de 3 à 5 ans a baissé entre 2014 et 2017 avec 18 600 élèves de trois ans en moins, le nombre d’élèves par enseignant s’élève en France à 23, soit 7 élèves de plus que dans l’OCDE. Plus grave encore, le ratio adultes/enfants s’élève à 1 pour 16 contre une moyenne OCDE de 1 adulte pour 12 enfants ;
- Le déclin de la scolarisation des enfants de 2 ans : le taux de scolarisation des classes de « Toute Petite Section » (TPS) est passé de 11 % en 2019 et 9 % en 2020. Il est vrai que l’actuel ministre de l’Éducation nationale n’a jamais été partisan de cette scolarisation des tout-petits puisqu’au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, cette scolarisation des 2-3 ans avait chuté de 123 000 à 91 000, sous la houlette du Directeur Général de l’Enseignement Scolaire – DEGESCO – de l’époque, un certain … Jean-Michel Blanquer. Poursuivant dans la même veine, l’ancien DEGESCO aujourd’hui ministre a puisé dans les postes dédiés aux TPS pour mettre en place les dédoublements des CP et des CE1 en éducation prioritaire mais aussi pour engager la limitation à 24 élèves dans les grandes sections, CP et CE1.
La scolarisation des enfants de moins de trois ans, priorité du quinquennat précédent, constitue pourtant un formidable outil de lutte contre les inégalités notamment en zone rurale mais aussi dans les quartiers défavorisés, en zone d’éducation prioritaire où la demande de scolarisation est forte et où l’accueil des enfants de moins de trois ans devrait être une priorité, comme le précisait la loi de Refondation de l’École de 2013 portée successivement par Vincent Peillon, Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem.
Plus inquiétant encore : au-delà de l’aspect budgétaire, cette nouvelle remise en cause de la scolarisation des enfants de moins de trois ans par l’actuel gouvernement traduit de fait une absence de reconnaissance de l’école maternelle comme élément-clé de la réussite scolaire. Et pourtant : véritable lieu d’éducation des individus, de socialisation, de construction de la citoyenneté, fondée sur les valeurs de solidarité, d’égalité, de coopération, de responsabilité, l’école maternelle s’attache à permettre à chaque enfant de développer le maximum de ses potentialités, de construire ses connaissances et ses apprentissages. En ce sens l’école maternelle est bien une « école » et non un mode de garde parmi d’autres. Elle joue par ailleurs un rôle primordial dans la prévention des difficultés scolaires et dans la détection de certains handicaps.
Dans ce contexte, il nous faut réaffirmer plus que jamais que le temps passé à l’école maternelle a une incidence positive sur la scolarité ultérieure des enfants, ce que démontrent bon nombre d’études.
En remettant en cause la scolarisation des enfants de moins de trois ans, l’actuel gouvernement s’en prend également à un principe éducatif majeur : celui de l’universalité d’accès à l’éducation. À l’école maternelle, la prise en charge des enfants est gratuite pour toutes les familles, installant ainsi un principe d’universalité d’accès encore reconnu aujourd’hui. L’école maternelle accueille tous les enfants, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, sans condition de revenu ou d’insertion professionnelle des parents.
En même temps qu’elle marque la reconnaissance pleine et entière de l’école maternelle au sein de notre service public d’enseignement, le maintien et le renforcement de la scolarisation des enfants de deux ans constitueraient une mesure essentielle et un levier majeur dans la lutte contre les inégalités, pour la réussite de tous les élèves.
- Mardi 17 novembre 2020