- mercredi 29 janvier
La rentrée des classes, lundi 27 janvier, dans les établissements de Mayotte dévastés par le cyclone Chido du 15 décembre dernier, puis par la tempête Dikeledi qui a soufflé du 11 au 13 janvier, s’annonce particulièrement complexe et difficile.
Ce sont en effet 50% des bâtiments scolaires qui ont été détruits et victimes de pillages, et à peine un tiers sont en état de fonctionnement. Une situation qui oblige à regrouper les élèves dans un même établissement et à organiser un système de rotation en cours - il consiste à utiliser une même classe pour faire cours à certains élèves le matin et à d'autres l'après-midi. S’il était déjà fréquent à Mayotte avant Chido, ce système est désormais généralisé. Il ne sera toutefois pas tenable longtemps, de nombreux parents et enseignants pointant déjà une rentrée « précipitée », « bricolée » et des conditions de travail « ultra dégradées ».
D’autant que parmi les écoles encore en bon état, certaines ont servi de lieu d’hébergement pour les milliers de familles sans abri au lendemain du cyclone. La question de leur relogement se pose avec acuité par endroits avant une éventuelle reprise des cours.
On mesure combien ce cyclone a dramatiquement aggravé une situation sociale et scolaire déjà particulièrement difficile sur l'île. Département le plus pauvre de France, Mayotte compte près de 300 000 habitants, dont 85% vivent sous le seuil de pauvreté et 60% de jeunes de moins de 25 ans non scolarisés (dont 8% des enfants, soit environ 7 000 élèves). Mais surtout, l’état de l’école publique n’est pas acceptable dans un pays comme la France. On estime qu’il manquait, avant le cyclone, près de 1 200 salles de classe et il y a un peu plus de deux ans, en 2022, un rapport de la chambre régionale des comptes décrivait des établissements « saturés » et un bâti « dégradé requérant des travaux de rénovation importants ».
Les départs d’élèves – 1 200 demandes de radiation, dont 422 élèves désormais scolarisés à La Réunion, sur les 64000 élèves du premier degré et 575 demandes de dérogation sur 52 000 élèves dans le second degré- sont restés très limités. Quant aux enseignants, rapidement accusés après le cyclone de vouloir fuir Mayotte, ils sont présents à 80 % en moyenne, un chiffre qui va monter dans les jours à venir, assure le rectorat. Il n’y aura pas de fuite de la communauté éducative, un plan massif d’investissement devra donc être adopté pour soutenir les écoles, collèges et lycées publics de Mayotte.
Il ne faut pas sous-estimer non plus les problèmes de transport, de nourriture ou d’accès à l’eau. On regrettera à ce titre le décalage entre les annonces ministérielles qui ont suivi le cyclone relativement aux distributions d’aides et la réalité quotidienne vécue par les habitants qui se sont sentis pour bon nombre d’entre eux abandonnés comme ont pu le témoigner des enseignants.
Il reste un travail très important à mener pour mettre fin aux dégradations dans le bâti scolaire, pour sécuriser les bâtiments et pour mettre en place un plan de reconstructions ambitieux. Et au-delà des dégâts matériels, de nombreux traumatismes corporels et/ou psychologiques ont impacté tant les élèves que les enseignants : un accompagnement médical doit donc être mis en place pour permettre à chacun de recouvrer une indispensable stabilité, les enseignants étant pour bon nombre d’entre eux particulièrement angoissés face à l’incertitude de retrouver tous leurs élèves.
Enfin, la question du recrutement des enseignants doit être traitée en priorité, par exemple en faisant appel aux jeunes diplômés et en mettant en place un processus de titularisation accéléré afin de pourvoir les postes vacants quand on sait par exemple que Mayotte accueille plus de 60% de contractuels extérieurs à l’archipel et que 10% ont dû se mettre en arrêt maladie.
Au milieu de ce drame humain, saluons toutes celles et ceux qui sont mobilisés pour venir en aide aux populations meurtries, notamment les agents de services publics et du secteur privé qui ont œuvré sans relâche pour rétablir l’accès à l’électricité, à l’eau et aux communications.
Malgré ces conditions particulièrement difficiles et angoissantes, souhaitons aux élèves et à leurs enseignants une bonne rentrée scolaire, beaucoup de force et de courage.
Yannick TRIGANCE, Secrétaire national école, collège, lycée