Mettre la santé au cœur du projet politique

Le combat pour la santé est devenu une ardente nécessitée ; elle est la revendication la plus subversive contre le pouvoir techno-financier qui domine notre monde

En France treize ans d’espérance de vie séparent les plus aisés des plus modestes. L’espérance de vie est la première richesse de chaque être humain, toutes les autres sont contingentes. Cette inégalité de santé est la conséquence des autres inégalités que l’on trouve dans le l’habitat, l’environnement, le travail, l’accès aux soins.

La réduction des inégalités d’espérance de vie ne peut s’atteindre que par la possibilité pour tous d’accéder aux meilleurs soins, et d’éviter, par la prévention, d’être malade.

Les soins connaissent une évolution inédite depuis ces trente dernières années, les prouesses technologiques et thérapeutiques en ont radicalement transformé l’offre et les pratiques. Cette évolution nécessaire et utile a un coût, que les politiques de santé successives ont voulu faire supporter à la population, par la diminution de la qualité humaine des actes de soins. Les écrans d’ordinateur, les protocoles thérapeutiques, le manque de temps consacré à chaque patient ont progressivement – et c’est un comble – déshumanisé les soins.

Ainsi la télémédecine, les télés-consultations, peuvent être une véritable dérive de la nécessaire relation médecin-malade, soignants-patients. Autant le recours à cette technique peut, dans certaines situations, compléter utilement les soins en face à face, autant sa pratique à grande échelle, prétendant subvenir aux effets dévastateurs des déserts médicaux, est une totale supercherie. On assiste, par la téléconsultation, à la transformation du soin en acte commercial, en le rentabilisant par un gain de temps maximum (c’est tout à fait similaire dans la pratique de certaines spécialités, comme l’ophtalmologie) au détriment de la qualité clinique de l’intervention médicale.

L’hôpital public est aujourd’hui en péril, l’administration, et à travers elle la budgétisation de son fonctionnement, a pris le pouvoir sur les soignants. Ceux-ci, en nombre insuffisant, peu remplacés en cas d’absence, mal payés, sont au bord de l’épuisement, quand ce n’est pas de la démission. Cela permet aux structures privées, de rentabiliser au maximum certains soins, dont la technicité supplante l’humanité.

A l’hopital toute demande de soins non programmée, passe obligatoirement par les Services d’urgence, provoquant un sentiment d’angoisse et de frustration lorsque la réponse se fait attendre ; cela amène un engorgement de ces Services qui ne peuvent plus répondre à la vraie demande. Il faut désormais séparer les vraies urgences des fausses, catégoriser les demandes en fonction des degrés de gravité, bref on en est venu au paradoxe des urgences qui peuvent attendre ! Le concept d’urgence est une fausse bonne réponse à une vraie demande : celle d’avoir des soins appropriés. On est passé du concept de qualité de l’accueil au concept d’immédiateté, et on voit l’impasse dans laquelle les hôpitaux se trouvent aujourd’hui. Il est indispensable de mettre en exergue les notions de proximité et de disponibilité, ce qui n’exclut pas qu’ils interviennent le plus rapidement possible, si la situation l’exige. L’ensemble des services hospitaliers, en chirurgie comme en médecine, doivent être capables, à nouveau, d’accueillir les patients non programmés qui relèvent de leur spécialité médicale et la pédiatrie hospitalière est particulièrement sinistrée.

En finir avec les déserts médicaux.

La santé des Français est la première victime, des déserts médicaux partout sur le territoire national, zones rurales et urbaines comprises. Cette situation intolérable, date de l’instauration, en 1971, du numérus clausus limitant, drastiquement, le nombre d’étudiants en médecine, donc celui des médecins en exercice dans le futur !

Le manque de médecins, de personnels soignants était totalement prévisible, et ce sont toujours les générations suivantes, qui payent les frais de l’inconséquence des politiques suivies dans les décennies précédentes ; ces politiques n’avaient, comme seule justification, que la baisse des couts de formation, pour ne pas entraver le budget de l’Etat. Il faut constitutionnaliser le principe de prévision au même titre qu’on l’a fait pour le principe de précaution. Il ne sera plus possible de décider de la réduction d’une filière professionnelle ou de sa non-progression, sans évaluer les effets de telles décisions, dans les 3 à 4 décennies qui suivront (les gouvernants, qui passeraient outre à cette obligation, seront sous le coup de poursuites.)

Le rôle nuisible de l’Ordre des médecins n’est jamais évoqué : il est essentiel.

Le premier rôle de l’Ordre est d’être le gardien de la déontologie médicale qui dispose dans le 1er article de son code : « le médecin exerce sa mission dans l’intérêt de ses patients et de la santé publique ».  Pour la santé de sa population, notre pays doit disposer d’un nombre suffisant de médecins, dans chaque spécialité d’exercice, et répartis équitablement sur le territoire national.

S’il est un organisme qui a une connaissance précise sur ce qui allait advenir en termes de démographie médicale, département par département, avec les données expertes sur les modes et le type d’exercice (influence de la féminisation de la profession), de l’âge de départ à la retraite, des spécialités en tension, c’est bien l’Ordre ! Il avait le devoir impérieux, d’alerter les pouvoirs publics et la population française de la situation catastrophique de la démographie médicale, et il n’a rien fait ! On n’a en tout cas pas entendu les Présidents de l’Ordre national, qui se sont succédé, avertir solennellement le pays sur ce qui se passait.

C’est par un silence assourdissant qu’il s’est opposé à l’impéritie des pouvoirs publics face aux déserts médicaux. L’Ordre n’a pas défendu non plus, les médecins malmenés trop souvent par des conditions insécures de leur pratique professionnelle ; il n’a pas dénoncé les pratiques sexistes et d’agressions sexuelles d’un trop grand nombre de professionnels, enfin il n’a pas lutté contre les risques psycho-sociaux vécus par les praticiens hospitaliers, et notamment les Internes en médecine.

C’est pourquoi il faut dissoudre l’Ordre des Médecins, comme l’avait inscrit, à son programme de 1981 François Mitterrand.

Pour un Ségur des préventions.

La santé publique et son corollaire, la médecine préventive, doivent concerner l’ensemble de la population de la naissance jusqu’au décès. Elle reste trop segmentée, destinée à certaines catégories de la population, alors que d’autres, souvent les plus fragilisées, y échappent totalement.

La santé des mères et la protection maternelle et infantile (PMI) sont des outils indispensables qui doivent être prolongés par la santé scolaire, dès l’école maternelle, qui est aujourd’hui malmenée.

La France n’a pas la culture de la prévention. Il faut saisir le moment où le système de soins répond de plus en plus mal aux attentes des usagers pour rééquilibrer la politique de santé en renforçant largement son volet préventif. La prévention n’est pas la punition fondée sur un ensemble d’interdits (boire, fumer, rouler vite…), c’est une mise en mouvement, une dynamique personnelle et collective pour que chacun puisse s’approprier les « bonnes règles » pour sa santé et celle des autres. Un Ségur des préventions mobilisera l’ensemble des acteurs, professionnels, bénévoles et usagers, pour situer notre pays au niveau de prévention que connaissent beaucoup de nos voisins européens, spécifiquement dans les domaines où notre retard reste problématique : prévention des Risques Psycho Sociaux au travail, de la santé des chômeurs, prévention de certains cancers, des addictions et d’usage des drogues, des conduites suicidaires, des comportements violents, y compris dans la conduite routière.

S’il fallait une raison, pour se convaincre de ces insuffisances, la crise sanitaire liée à la Covid-19 vient, douloureusement, de le rappeler.

Cette crise sanitaire sans précédent que les pays du monde entier ont subi a rappelé la France à une certaine humilité : alors qu’il   était de bon ton d’affirmer que nous disposions du meilleur système de santé au monde, nous avons dû accepter nos insuffisances parfois criantes (et souvent dénoncées par les professionnels) que les politiques ne voulaient pas entendre.

Même si nous disposons d’équipes soignantes hospitalières dévouées, de chercheurs réputés, de praticiens libéraux performants, notre système souffre de graves lacunes qu’il n’est plus possible d’ignorer : les déserts médicaux en zones rurales ou dans les grandes agglomérations urbaines, les manques de moyens, humains et matériels, de nos hôpitaux et de beaucoup de structures médico-sociales comme les Ehpad et les services d’aide à domicile.

 L’industrie pharmaceutique fait produire ses médicaments essentiels (mais qui rapportent peu) à vil prix en Chine, en Inde ou dans d’autres pays à la main-d’œuvre bon marché.

Prévenir, c’est se préparer à gérer toutes les crises, même celles   que l’on ne voudrait jamais voir arriver, et la pandémie de la Covid-19   est bien de celles-là.

La santé par le sport.

La lutte contre la sédentarité est un enjeu majeur du XXI e siècle. L’inactivité physique est considérée, par des spécialistes renommés, comme responsable directe de 7% des morts chaque année.

Le vieillissement est la principale cause de la sédentarité, et aggrave très fréquemment la situation clinique des personnes âgées.

Les Jeux Olympiques sont, depuis l’origine, la fête des corps jeunes, dynamiques et rapides ; même si le Baron Pierre De Coubertin, fondateur des olympiades de l’ère moderne, rappelait que l’important c’est de participer ; une seule catégorie de la population manque à l’appel : les plus de 60 ans !

Pourquoi ne pas faire, des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, l’occasion d’ouvrir grand nos yeux sur le vieillissement ?

Si avec l’âge les capacités physiques, mais aussi intellectuelles voire émotionnelles, se modifient, elles ne disparaissent pas pour autant. Il faut après 6O ans garder le gout de l’exercice physique et même le goût du sport, de l’effort, de la compétition.

Beaucoup de disciplines sportives tiennent compte de trois critères de façon à ne pas trop déséquilibrer, les capacités des compétiteurs : le sexe, le poids et la présence d’un handicap. Une seule variable physiologique est ignorée, l’âge !

Pourquoi ne pas organiser, pour la première fois aux Jeux de Paris, plusieurs épreuves qui tiendraient compte du facteur âge ; comme une course de vitesse ou d’endurance, en athlétisme ou natation, un match de sport collectif, de tennis, de judo, d’escrime…réservés aux plus de 60 ans ?

Certaines disciplines organisent déjà des compétitions réservées aux séniors, mais elles ne bénéficient pas du même retentissement médiatique que peuvent offrir les Jeux Olympiques.

Les médailles distribuées vaudraient toutes les autres, et porteraient un symbole de plus : les personnes âgées, que le sport rend invisibles, celles que, parfois on maltraite dans les EHPADs, peuvent résister à la sédentarité ; le vieillissement ne doit plus être la période de dégradation physique, mais celle d’un nouvel épanouissement.

Santé mentale : le mal du siècle !

Il faut considérer comme nouvelle priorité, la santé psycho- sociale, et psycho-écologique, qui provoquent dépressions et suicides dont l’onde de choc s’étend sur une grande partie de la population.

Toutes les enquêtes disponibles, françaises et internationales, observent les effets délétères de la crise liée à la Covid-19 et aux confinements-déconfinements, sur la santé mentale des populations concernées.

Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès montre que 26%° des dirigeants d’entreprises 25% des artisans-commerçants ont ressenti l’intention réelle de se suicider, au cours de ces périodes.  Ces professions ainsi que les auto-entrepreneurs ne bénéficient d’aucune médecine du travail. C’est un véritable abandon sanitaire inacceptable au XXIe siècle.

On note entre 2016 et 2020 une augmentation des tentatives de suicide déclarées par l’ensemble des jeunes de 18-24 ans qui disent « avoir pensé sérieusement à se suicider » : 8% en 2016 contre 27% en 2020 (depuis le déconfinement), et ce pourcentage culmine à 32% pour les 25-35 ans.

Cette augmentation marque la gravité de ces situations, par la difficulté de se faire soigner pendant la période de confinement et dans les semaines qui ont suivi. Il faut souligner aussi, que les soutiens mis en œuvre par les associations, n’ont pas pu agir normalement pendant toute cette période. L’autre facteur explicatif concerne les difficultés propres aux études, à l’insertion professionnelle et sociale, à la formation en alternance.

Les pouvoirs publics doivent décider d'une action prioritaire pour venir en aide et en soutien à tous ces jeunes qui traversent une fragilisation psychique incontestable, souvent liée à l'isolement, aux manques de ressources financières, à l'absence de rencontres, l’éco-anxiété, qu’ils ont dû vivre pendant la pandémie avec la fermeture des amphis et surtout des lieux de rencontre. Comment ne pas rappeler que ce sont ces mêmes jeunes qui se sont vus montrés du doigt lorsqu’ils organisaient des moments festifs, certes en prenant un risque sanitaire, mais en combattant un autre risque, tout aussi préoccupant, celui d’un lâcher prise avec la possibilité majeure d'un passage à l'acte suicidaire, parfois mortel.

Le bien-être psychique pour tous.

Seule une politique globale de santé -qui ne confonde pas qualité des soins et maîtrise des dépenses- permettra de répondre aux grands défis de la médecine et de la psychiatrie du 21ème siècle. Aujourd’hui trop de ruptures marquent le parcours de soins et de santé de chaque personne ; à ces ruptures doit succéder la continuité des soins pour permettre à chacun, d’être pris en charge quels que soient, sa maladie, son mal-être, ses traumatismes psychiques, dans la continuité d’interventions des différents professionnels, et de toutes celles et ceux qui voudront leur tendre la main.

Pour un Conseil National de Déontologie des professions de Santé.

Suite à la suppression de l’Ordre des médecins et de ceux des différents métiers du soins, une nouvelle instance sera créée.

La défense de la déontologie et de l’éthique des professions de soins, devra être confiée à une instance nouvelle, concernant l’ensemble des professions de santé, (chaque métier conservant des règles spécifiques), le Conseil National de déontologie des professions de soins. La déontologie devra garantir, à tous les patients, des soins de qualité préservant l’exercice professionnel, dans l’intérêt des patients et de la santé publique. L’indépendance absolue des professionnels, en regard de tout pouvoir de quelque nature qu’il soit et d’abord financier, le secret professionnel et l’impossibilité absolue de toute discrimination dans la pratique des soins, seront, eux aussi, garantis.

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Les signataires : 

 

Anne-Juliette TILLAY,CN, SF (93). Régis JUANICO, ancien Député (42) . Céline ENRIQUE, SNA aux institutions, Secrétaire section Paris centre. Jean-Pierre BEQUET, BNA, Maire Honoraire d'Auvers sur Oise (95). Anne Le MOAL,SF(93) ,Conseillère municipale de Piérrefite. Yannick Trigance, SN Education, Conseiller régional IDF. Arlette BERNARD, Conseillère départementale Loire ,CF(42). Johann CESA, Conseiller régional ARA, 1er Fed (42).Yann HERBER , CF(33). Isabelle DUMESTRE, Conseillère municipale St Etienne, CF(42). Jean-Jacques LADET, Conseiller départemental Loire, CF(42). Marie Hélène SAUZEA,CF(42). Jean Guy FRANQUES, St Leu la Foret (95). Marie Helene RIAMON, CF(42). Hervé Noel STAAL, section Nord6Gironde (33). Farida GARARA, CF(42). Daniel BELLET, section de la Vallée du Sausseron( 95). Karima ZAHER, section St Etienne( 42). Jean-Paul CHARTRON, CF(42). Jacqueline LAPLANCHE, section St Etienne( 42). Marc VERICEL, CF(42). Lucien MOULLIER, CF(42). Alain GUILLEMENT, CF(42). Janine SARKISSIAN, section St Etienne( 42). Marc BOYER , CF(42). Yvette CHAMUSSY, CF(42). Alexandre CHARROIN , CF(42).Robert BERAUD CF(42). Nabih NEJJAR, CF(42). Philippe KIZIRIAN, CF( 42). Véronique FOUCHECOURT, CF(42). Pierre BRUNEAU, CF(42).

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