Thème : Education
QUELS LEVIERS POUR UNE MIXITÉ SOCIALE ET SCOLAIRE EFFECTIVE ?
-Intégrer le secteur privé à l’effort de mixité sociale : un levier indispensable et justifié-
L’enseignement privé contribue pour un tiers à la ségrégation sociale entre établissements et la concentration des élèves favorisés dans le privé est en forte augmentation.
Depuis une quinzaine d’années, le privé voit sa composition sociale devenir de plus en plus favorisée. La part des élèves issus de catégories sociales dites très favorisées est passée de 30% au début des années 2000 à 41%, quand, dans le même temps, la part des élèves dits défavorisés est passée de 24% à 16%
Avec 2 millions d’élèves scolarisés dans 7500 établissements –dont 96% gérés par l’église catholique-, ce sont 10 milliards par an dont 8 milliards provenant de l’Etat qui tombent dans les caisses des Organismes de Gestion de l’Enseignement Catholique. Aujourd’hui le privé sous contrat est ainsi financé à hauteur de 75% sur des fonds publics –Etat et collectivités-, une situation quasiment unique au monde, qui plus est s’affranchissant délibérément de la loi selon la désormais célèbre formule du Comité National d’Action Laïque : « L’argent tout de suite, les objectifs plus tard, la contrainte jamais ».
-Le rapport de la Cour des Comptes sur l’enseignement privé sous contrat mentionne très explicitement la nécessité d’impliquer l’enseignement privé pour une politique efficiente de mixité sociale : renforcement du contrôle administratif et pédagogique, instauration de critères pour moduler les moyens financiers accordés, mise en place de contrats d’objectifs et de moyens entre les établissements privés, l’Etat et les collectivités.
Chacun l’aura compris : il s’agit de réfléchir sans idéologie à la part que chacun doit prendre pour que notre système éducatif remplisse une de ses missions essentielles : contribuer au ciment de notre République pour un brassage social porteur d’altérité, de tolérance et de solidarité.
Et d’encadrer cette liberté de choix au nom de l’intérêt général afin de préserver la mixité sociale. Cela passe par une régulation de l’offre, en veillant à ce que le secteur privé ne renforce ni l’entre-soi, ni l’individualisme, ni un accompagnement des élèves en difficulté dont la méthode consiste d’abord et avant tout à les exclure pour les renvoyer vers l’enseignement public.
-Un Etat qui doit prendre toute sa place
La mixité sociale et scolaire ne peut ni ne doit être une option : c’est pourquoi l’État doit s’engager résolument sur tous les territoires en faveur de la mixité conformément à l’article L.111-1 du code de l’éducation. Or convenons qu’à ce jour le niveau local est plus volontariste que le niveau national.
Les dispositifs et autres projets ne font pas une politique éducative qui seule est à même de poser dans le temps et dans l’espace un cadre stabilisé, pérenne, unifiant et structurant et qui réponde aux besoins en termes d’instances locales de concertation et de partenariat.
Des solutions existent qui ont fait leurs preuves là où elles sont appliquées, parmi lesquelles on retiendra notamment :
-le renforcement du cadrage législatif et réglementaire national en faisant du principe de mixité sociale un axe prioritaire dans les programmes d’intervention du Ministère.
-le soutien aux les politiques éducatives locales de mixité sociale à l’école comme en Haute-Garonne, à Paris ou encore Nantes.
-l’articulation des politiques de mixité avec celles de l’éducation prioritaire et de la ville dont les Cités éducatives.
-le rôle d’impulsion et de régulation de l’État pour corriger les déséquilibres entre territoires avec notamment des dispositions légales pour réguler l’implantation et l’organisation des établissements d’enseignements privé.
-l’accompagnement et la formation des équipes pédagogiques à la question de l’hétérogénéité et de la diversité :
-la mise en place d’une liaison école/collège.
-l’association des parents aux partenariats et aux coproductions des politiques de mixité sociale et scolaire.
-la mise en place d'un d’accompagnement scientifique pour faire émerger un consensus sur les solutions qui donnent des résultats et peuvent ensuite être reproduites ailleurs à partir de 3 axes : impact des mesures sur la composition sociale des établissements, impact sur la réussite scolaire et impact de la mixité sociale sur le développement des compétences sociales.
Afin d’assurer à tous l’égal accès à des établissements scolaires de qualité sur tout le territoire, l’Etat doit porter et piloter nationalement cette politique de mixité sous peine d’exclure de cette politique des territoires qui en ont absolument besoin, en lien très étroit avec les collectivités territoriales.
-Les familles, partenaires essentiels à rassurer et à convaincre
Commençons par tordre le cou à une vieille antienne que certains exploitent à longueur de temps : les parents démissionneraient de leurs responsabilités. Si pour certains un rappel de leurs responsabilités est plus que nécessaire, pour autant rarissimes sont les parents qui ne souhaitent pas que leur enfant réussisse.
La pression grandissante d’une société de plus en plus axée sur la compétition génère une anxiété, voire une angoisse chez une très grande majorité de parents qui n’ont alors qu’une préoccupation : que leur enfant trouve à l’école les conditions qui lui permettent de réussir.
Beaucoup de familles craignent terriblement un nivellement par le bas si leur enfant se retrouve avec une proportion plus forte d’élèves défavorisés, synonyme de résultats scolaires potentiellement moins bons. Or comme nous l’avons vu, bien des études montrent que si les élèves avec un bon niveau scolaire ne sont pas pénalisés par la mixité au sein de la classe, les élèves les plus faibles scolairement bénéficient sensiblement de cette mixité.
Convaincre les parents que les élèves défavorisés évoluant dans des classes au niveau et à la composition sociale hétérogènes ont davantage de chances d’échapper au décrochage scolaire et dans le même temps plus de probabilités de poursuivre des études supérieures relève donc du défi. Faire des études supérieures n’est pas uniquement lié pour ces élèves à leurs performances scolaires, mais aussi aux interactions sociales qu’ils peuvent établir avec des élèves de milieux favorisés qui ont une meilleure connaissance de l’enseignement supérieur.
Rassurer les parents constitue bien un enjeu majeur comme confirmé dans les Actes des rencontres nationales « Mixité sociale à l’école : des moyens pour agir » publiés en février 2022 : « l’expérience prouve que si on garantit à ces parents d’origine sociale favorisée une offre publique d’éducation de qualité, dans un climat scolaire sécurisé, ils préféreront dans leur grande majorité le collège public de leur secteur. Il en est de même pour les parents de milieux populaires, qui se mobilisent autour du parcours scolaire de leur enfant et qui ont fait le choix d’éviter un collège de secteur ségrégué et à l’image dégradée. »
-D’autres leviers à activer
De nombreux dispositifs sont par ailleurs mis en œuvre sur les territoires et constituent autant d’avancées vers une mixité sociale et scolaire.
-développer les partenariats avec les collectivités pour la sectorisation et les procédures d’affectation
-fermer définitivement certains collèges totalement ségrégués
-différencier les dotations aux établissements publics et privés selon les critères sociaux
-rendre plus attractive l’offre scolaire des établissements publiques ségrégués socialement
-agir sur la politique de la ville et des quartiers
-réorganiser la gestion des ressources humaines, accompagner les enseignants
MIXITE SOCIALE ET SCOLAIRE : POUR LES SOCIALISTES, UN ENJEU ET UN DEFI
La mixité est la condition même d’une véritable École de la République : c’est donc bien sûr un enjeu scolaire mais au-delà, un véritable enjeu de société qui relève d’un indispensable volontarisme politique.
Si le séparatisme social et scolaire n’est bon pour personne, en revanche il est bon pour la République que les enfants de tous milieux grandissent ensemble le temps de la scolarité obligatoire. Nous avons besoin de cette mixité sociale car l’École ne peut transmettre une appartenance commune à la République sur des processus d’exclusion ou de ségrégation.
L’école doit donc œuvrer à la construction de la société de demain et pour cela la République doit tenir ses promesses, notamment cette promesse de l’éducabilité héritée des Lumières selon laquelle tout humain, quel que soit son parcours, l’endroit où il vit et le milieu d’où il vient, est éducable et capable.
En tant que socialistes, réaffirmons que la mixité sociale représente bel et bien un enjeu « gagnant-gagnant » pour tous les élèves, pour leur famille, pour l’ensemble de la communauté éducative et au-delà, pour notre société. Il nous faut être pleinement engagés dans cet objectif d’une mixité sociale dont la dimension citoyenne est pour nous fondamentale : mettre sur les mêmes bancs d’une même école les enfants de classes sociales différentes afin de « créer du commun », c’est construire une société du partage, du respect et de la fraternité.
Travailler cette question de mixité sociale, c’est affirmer la volonté politique de permettre à des générations d’élèves de grandir ensemble sur le même territoire, dans une même institution, l’École, en se côtoyant au quotidien.
A travers la mixité sociale et scolaire, c’est l’égalité, la fraternité, la liberté et l’émancipation individuelle et collective que nous défendons. Les socialistes ne peuvent se résoudre à voir notre école, pierre angulaire de notre République Française à laquelle nous devons tant, verser dans une logique de partition et de ségrégation sociale et scolaire.
Résistons à la nostalgie ambiante d’une école du passé fantasmée qui triait bien plus encore qu’aujourd’hui les enfants de la République.
Enjeu politique mais également pédagogique et moral, la mixité sociale et scolaire passe d’abord et avant tout par la réhabilitation qualitative des enseignements et des conditions d’accueil au sein de l’enseignement public, de la maternelle à l’université.
Partenariats soutenus avec l’État, avec l’Education nationale – rectorat, direction académique, équipes pédagogiques-, avec les collectivités locales, avec les acteurs de l’éducation populaire et les parents pour co-construire dans les territoires des dispositifs porteurs d’altérité et de brassage social, démocratisation de l’excellence, stabilité des équipes éducatives formées et considérées, dotations par élève inversement proportionnelles aux indices de position sociale y compris pour l’enseignement privé sous contrat, … autant de leviers possibles pour permettre à la mixité sociale et scolaire d’atteindre son objectif premier : faire nation entre tous les élèves en les scolarisant ensemble dans une vision éducative, citoyenne et républicaine.
L’école doit un enseignement commun à tous ses enfants : c’est un enjeu et un défi civique pour la République.
C’est un enjeu pour les socialistes.
Sachons le relever.
Contributeurs :
Yannick TRIGANCE
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