- Lundi 2 juin 2025
Gulsen Yildirim, secrétaire nationale, Enseignement supérieur recherche
Alexane Riou, secrétaire nationale adjointe, Enseignement supérieur recherche
Yannick Trigance, secrétaire national, Ecole, collège, lycée
Ce soir, débute la phase principale d’admission de Parcoursup pour plus de 980 000 jeunes. Comme chaque année, c’est le même scénario. Des centaines de milliers de jeunes et leur famille vivent dans l’attente, dans l’angoisse, suspendus à une plateforme qui décide de leur avenir, tributaires d’une sélection par algorithmes et par capacités d’accueil. Depuis 2018, Parcoursup organise une sélection brutale, opaque, et profondément inégalitaire. Ce n’est plus une opinion : c’est un fait, documenté par de nombreuses études. Celles-ci démontrent que la sélection mise en place amplifie les trajectoires inégalitaires notamment en raison des inégalités sociales et territoriales. Les jeunes issus de milieux favorisés, mieux informés et mieux accompagnés dans leur orientation, tirent leur épingle du jeu tandis que les plus précaires subissent de plein fouet une sélection qui ne leur laisse que peu de chances. Mais ce matin encore, le ministre de l’Enseignement supérieur Philippe Baptiste a osé affirmer que Parcoursup serait… un outil de « promotion sociale ».
Il faudrait donc se réjouir, selon lui, que 20 000 jeunes boursiers aient accédé à des filières sélectives sur 980 000 candidatures. Voilà l’ambition gouvernementale ? Célébrer une poignée d’exceptions pour masquer une machine qui, dans sa logique même, produit l’injustice ?
Au mois de janvier dernier, le Premier ministre François Bayrou admettait pourtant l’évidence : « L’obligation d’orientation perturbe nos jeunes et les met en danger ». Il ajoutait même que « Les enfants ne sont pas comme des poireaux. Ils ne poussent pas tous à la même vitesse », et que vouloir les sélectionner précocement « est une erreur, en tout cas une faiblesse. » Il concluait par « Parcoursup est une question ». Faut-il rappeler à Monsieur Baptiste que même au sein du gouvernement, la voix de la raison commence à percer ?
Les propos du Ministre de l’Enseignement Supérieur reviennent à méconnaître la triste réalité cachée derrière ce simple outil numérique. Parcoursup n’est que la partie émergée de l’iceberg d’un problème plus profond : la crise de l’orientation, de l’accès équitable aux études supérieures et de la réussite en premier cycle universitaire. Car derrière Parcoursup, c’est tout un système à bout de souffle qui se dévoile : pénurie de moyens, sous-investissement chronique dans les universités, taux d’encadrement dégradé, et sélection devenue la norme. Résultat : 85 000 jeunes étaient sans affectation en juillet 2024. Et pourtant, le droit d’accéder au premier cycle universitaire pour tous les bacheliers est inscrit noir sur blanc dans la loi.
Il est temps de sortir de l’hypocrisie.
Parcoursup n’est pas un outil neutre. Il est le symptôme d’une crise profonde de l’orientation, de l’accès aux études, et du désengagement de l’État. Il est l’instrument d’un tri social qui pénalise les jeunes les plus précaires, les moins informés, les moins accompagnés. Ceux que la République devrait protéger, pas trier.
Nous exigeons un changement de cap. L’orientation ne doit plus être une loterie ni un couperet, mais un processus construit, éclairé, réversible. Cette ambition nécessite la création d’un nouveau parcours d’orientation plus conforme au projet personnel de nos jeunes et qui s’inscrit dans une continuité Bac -3/Bac +3, mais aussi des conseillers d’orientation formés et en nombre suffisant pour construire progressivement le projet d’études des lycéens, en lien avec les universités. Cela suppose des moyens, des personnels qualifiés, une vision. Cela suppose surtout un engagement clair : celui de garantir à chaque jeune une place, un avenir, une chance.
Le réinvestissement massif dans l’éducation et l’enseignement supérieur public n’est plus une option, c’est une nécessité : il est inadmissible que le budget alloué aux universités, rapporté au nombre d’étudiantes et étudiants, continue de baisser année après année.
L’enseignement supérieur n’est pas un coût à contenir, c’est un investissement national. À l’heure des grands discours sur la jeunesse, il est temps que les actes suivent. Et que l’on cesse, enfin, de travestir l’échec d’une politique en victoire sociale.