Thème : Droits Sociaux
Non-recours aux droits sociaux : mettre fin à un scandale français !
Contribution de Rachid TEMAL, sénateur du Val-d’Oise
En France, l’injustice ne frappe pas toujours par l’absence de droits. Elle se niche aussi dans leur inaccessibilité. Le non-recours aux droits sociaux prive chaque année des millions de nos concitoyens de prestations pourtant créées pour eux. Cette fracture invisible nourrit le sentiment d’abandon, affaiblit les politiques publiques et creuse des inégalités que la République se doit de combattre. C’est un scandale français.
Le paradoxe est connu : des dispositifs existent — RSA, prime d’activité, aides au logement, à la santé, à l’énergie — mais ne sont pas sollicités. En cause : la complexité administrative, la méconnaissance des droits, la peur d’être jugé, ou encore la lassitude face à des démarches kafkaïennes. Résultat : jusqu’à un tiers des ayants droit ne perçoivent pas certaines aides majeures, au moment même où l’inflation, la précarité et les crises successives fragilisent des pans entiers de la population.
À cette réalité, il faut répondre avec lucidité et détermination. Lutter contre le non-recours, c’est refuser que l’accès aux droits soit conditionné par la capacité à les revendiquer. C’est réaffirmer que la solidarité ne se résume pas à un empilement de dispositifs, mais qu’elle doit se traduire par une action publique lisible, directe et humaine.
Il est urgent de changer de logique. Plutôt que d’attendre que chacun franchisse les barrières — parfois invisibles — de l’administration, l’État et les collectivités doivent adopter une culture du "aller vers". Cela suppose plusieurs évolutions concrètes :
- Une automatisation accrue du versement des prestations lorsque cela est juridiquement et techniquement possible, par le croisement sécurisé des données disponibles ;
- La désignation de référents d’accès aux droits dans les territoires, en lien avec les acteurs sociaux, pour accompagner, orienter, simplifier ;
- La mise en place d’indicateurs de non-recours à l’échelle locale, pour piloter l’action publique avec précision et transparence ;
- Une vigilance particulière à l’égard de la fracture numérique, afin que la dématérialisation ne devienne pas synonyme d’exclusion.
Ces propositions de l’ordre de l’innovation sociale, participent de la promesse républicaine.
Elles ont, en partie, nourri une proposition de loi que j’ai déposée au Sénat avec mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain. Si la droite s’y est opposée et le gouvernement tant promis sans agir, j’entends poursuivre le combat pour mettre fin à ce scandale.
D’autant que chaque année, dans le budget de la Nation et des collectivités territoriales concernées, ces budgets sociaux sont votés... tout en sachant qu’ils ne seront pas consommés pour cause de non-recours. Ce système ne peut perdurer.
Nous socialistes, nous battons pour les classes populaires et moyennes, qui ont besoin de ces aides car elles n’ont le 10 du mois que la lumière dans leur réfrigérateur, car elles doivent arbitrer l’hiver entre la cantine scolaire et le chauffage pour leurs enfants…ces derniers devant dormir avec un anorak. C’est bien là la réalité sociale française.
Le non-recours n’est pas une fatalité. C’est un défi à relever collectivement. Une démocratie sociale digne de ce nom ne peut se satisfaire d’un écart croissant entre les droits proclamés et les droits effectivement exercés. Faire en sorte que chacun puisse bénéficier de ce qui lui est dû, ce n’est pas accorder une faveur : c’est rendre justice.
Contributeur : Rachid TEMAL, Sénateur du Val-d'Oise, Président délégué du groupe SER du Sénat, Premier Secrétaire Fédéral du Val-d'Oise