Le premier secrétaire du Parti socialiste se veut solidaire de l’exécutif en temps de crise, mais refuse l’idée de la pensée unique.
La polémique sur la diminution de stocks de masques ne faiblit pas. Ça date de 2013 et le PS était au pouvoir. Vous sentez-vous, au sens large, responsable ?
« Il y a des responsabilités partagées. La doctrine a changé en 2011 sous Xavier Bertrand, mais il restait 754 millions de masques à la fin du dernier quinquennat. Loin des 117 millions de 2020… Et puisque le principe était “plus de stocks massifs mais production à flux tendu quand c’est nécessaire”, pourquoi aucun véritable plan B n’a été déclenché quand il est apparu que le plan A, chinois, ne pouvait plus être activé ? Et pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas réquisitionné nos industriels pour produire masques, gels, blouses etc. ? Si nous sommes en « guerre », il faut une économie de guerre ! »
Emmanuel Macron veut « protéger le peuple des pandémies sans rien renier de nos principes ». Y parvient-il selon vous ?
« À ce stade, oui. On contrevient à la liberté de circuler des Français mais dans des conditions dictées par la pandémie. » Il y a une union nationale ? « Non, si l’unité nationale signifie être tous derrière “Jupiter”. Oui s’il s’agit de construire collectivement une réponse qui fédère les Français. Je suis solidaire, mais je refuse l’idée d’une pensée unique qui conduirait à fermer les yeux sur les errements. Heureusement, depuis le début de la crise, les interpellations du corps médical, de l’opposition, ont amené le gouvernement à modifier sa stratégie. »
Olivier Véran, ministre de la Santé, qui vient du PS, est-il l’homme de la situation ?
« Il se comporte comme le médecin que tout le monde aimerait avoir. Il a vite endossé le costume. Mais il est aussi comptable des décisions et indécisions du gouvernement. » La crise sanitaire nous plonge aussi dans une crise économique. Êtes-vous favorable à une hausse d’impôt ? « Que ceux qui peuvent assumer la solidarité nationale paient ! La politique des premiers de cordée c’est fini, il faut une politique pour les premiers de tranchée ! »
Emmanuel Macron a, dès le 12 mars, promis des ruptures économiques et sociales après la crise. Croyez-vous à une inflexion sociale du quinquennat ?
« À l’issue du “grand débat” post gilets jaunes, le président a déjà promis un acte II, plus social. Le résultat ? Nous avons eu la réforme de l’assurance chômage et la réforme des retraites ! » Beaucoup redoutent une montée des populistes après la crise. Et vous ? « Le risque c’est le contresens nationaliste. Il faut évidemment relocaliser certaines activités stratégiques, sans condamner la société de l’échange. Le repli sur soi serait pire que le mal. La peste et le choléra n’ont pas attendu la globalisation pour être des pandémies mondiales. »
Recueilli par Nathalie MAURET. A lire en ligne