Pour favoriser les quartiers défavorisés


Thème : Politique de la Ville


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Le « millefeuille »

Depuis bientôt 40 ans, les politiques publiques tentent de répondre à la difficulté des quartiers défavorisés. C’est l’arrivée de la gauche au pouvoir qui a décidé de prendre en compte cette problématique en 1981 suite aux premières tensions et violences avec la création du CNDSQ.

De multiples rapports, commissions, fonds, organismes n’ont cessé d’être déployés pour tenter d’enrayer 30 ans « de crise des quartiers » allant même jusqu’à l’État d’urgence prononcé :

  • 1982 : OPE, prévention été

  • 1983 : rapport Dubedout- CLSPD

  • 1989 : rapport Banlieue 89

  • 1991 : loi d’orientation de la ville

  • 1996 : Pacte de Relance de la Ville

  • 2000 : Loi SRU

  • 2005 : émeutes et échec des politiques

  • 2010 : contrat de ville (ANRU, ACSE, DIV, DATAR...)

  • 2014 : refonte des zones

  • 2017 : rapport Borloo

Les réponses apportées ont tenté d’endiguer les questions de violence, de délinquance, de criminalité, de trafics en tout genre, d’économie parallèle...

Avec le temps, elles ont été confrontées à la question du communautarisme, à l’abandon des territoires par l’autorité publique, aux territoires perdus par la République.

Elles ont toutes porté comme objectif la mixité sociale, l’intervention sur le bâti, la lutte contre l’enclavement, l’attractivité des entreprises, la lutte contre l’insécurité, l’attribution des logements sociaux...

Devons-nous parler alors d’échec de ces politiques alors qu’en 1999, ces quartiers enregistraient 25.5 % de chômeurs de – de 25ans et qu’aujourd’hui ce chiffre est passé à 47 % avec 39 % de jeunes sans diplôme et 55 % de femmes inactives.

Devons-nous admettre l’échec de la mixité quand on constate que les populations de ces quartiers sont essentiellement composées de familles nombreuses, monoparentales, de 3 fois plus de familles étrangères, des plus fragiles et précaires économiquement... ?

Si l’on considère les conséquences de la crise sanitaire, de l’inflation qui vont renforcer ces difficultés, en quoi ces politiques seront-elles efficaces ?

Au mieux, ces mesures ont maintenu la situation, ont limité l’aggravation de la situation mais le pire ne reste-t-il pas à venir ?

 

DE QUOI PARLE-T-ON ?

En fait la question n’est pas de savoir si ces politiques étaient nécessaires ou non. La question est de comprendre pour qui elles ont été élaborées et si elles ont répondu aux besoins de ses habitants et en quoi ?

Avec la désertification des commerces, la ségrégation à l’embauche, les places mortes, la désuétude totale au profit du centre-ville, la ghettoïsation des populations les plus modestes, l’absence d’équipements et de services, seule l’unique boulangerie ou tabac faisant office de lien social on assiste à un profond isolement de l’individu, à la perte de contact entre les habitants et à l’abandon d’une jeunesse qui s’ennuie, responsable de sa non-réussite.

Les populations de ces quartiers dits défavorisés se vivent comme des « citoyens de seconde Zone » avec un statut de « sans utilité » en opposition à l’idée d’utilité imposée dans une société méritocratique comme la nôtre.

Alors que les habitants sont aujourd’hui jugés sur leur utilité dans la société, ces populations cumulent tous les formes d’inutilité : chômage, décrochage scolaire, isolement, pauvreté, absence d’engagement, ennui, repli du quartier...

Plus qu’un simple clivage de classe c’est à une véritable ségrégation urbaine à laquelle nous assistons depuis des décennies. Serions-nous une nouvelle fois au bord de l’implosion ?

Par ailleurs les réponses apportées depuis bientôt 40 ans, l’ont été dans une logique de zonage : ZUP, ZEP, ZUS, zones franches,REP...

Ces termes ont trouvé place dans la langue courante au fil des années mais se sont chargés d’une connotation très péjorative, renvoyant l’idée de quartier défavorisés chaque fois qu’ils étaient prononcés.

Ainsi tout le vocable très positif de notre langue française s’est transformé en un amalgame d’idées très négatives : banlieue, cité, quartiers, grands ensembles, zones en difficulté, quartiers prioritaires, quartiers sensibles, zones prioritaires, ghettos, jeunes des banlieues, QPV....

Comment ne pas se vivre différemment quand on vit dans ces quartiers nommés de la sorte ?

Comment ne pas ressentir l’injustice par rapport à ceux qui vivent en ville ?

Comment ne pas rechercher une identité commune, une culture commune du quartier puisqu’il est connoté à part, en dehors de la norme ?

Comment ne pas se rassurer en vivant autrement, se sentir plus fort en se reconnaissant dans d’autres modèles collectifs, tout en rejetant les normes de la société imposées ?

Comment ne pas transgresser les règles quand tout porte à penser que l’on se vit comme oublié du système ?

Ces populations revendiquent donc leur appartenance à leur territoire, à leur quartier, s’identifient à lui en utilisant des codes, des langages, des coutumes, des modes de vie...

Elles développent aussi des solidarités fortes qui s’expriment, on l’a vu pendant le confinement.

Elles manifestent de plus des revendications légitimes d’égalité de traitement, de droits, qu’il nous faut entendre et accompagner. De cette reconnaissance naîtront de futurs citoyens impliqués dans la vie de la cité.

 

QUE FAIRE ?

Aujourd’hui ce qui prévaut à toutes les politiques mises en œuvre est la « Rénovation urbaine », l’environnement avec son cortège de démolition de logements sociaux, de rénovation ....

La question de la destruction ou de la rénovation est une affaire d’urbanistes ! Pas une question sociale.

Alors oui, bien sûr que cet aspect d’un lieu de vie plus vert, plus agréable, à taille humaine est indispensable à une meilleure qualité de vie.

Mais ces réalisations prennent du temps, s’éternisent. 10 ans au moins sont nécessaires pour ces réalisations, une génération !

Les habitants ne voient pas de changement. Que faire en attendant pour améliorer le quotidien et lutter contre le désoeuvrement ?

La population quant à elle ne changera pas. Faut-il à chaque mandat lui demander d’attendre encore 10 ans ?

Parler de mixité semble bien illusoire quand on mesure la fragilité économique de ces populations auxquelles nous continuerons à proposer un logement dans ces quartiers.

La loi SRU aussi intéressante soit-elle a montré ses limites avec toutes ces communes qui refusent d’accueillir ce type de logement préférant payer les pénalités.

Demander à ses familles de quitter leur quartier en leur promettant un monde meilleur ailleurs c’est aussi leur mentir quelque part car leur situation sociale restera précaire et le déracinement peut de nouveau engendrer des rancunes.

Les solutions résident dans la revalorisation de l’image du quartier par des actions immédiates et à court terme en attendant les réalisations de rénovation urbaine.

Elles peuvent passer rapidement par :

  • La révision de toute cette superposition de mesures, en clarifiant la volonté politique d’œuvrer pour cette cause.

  • L’augmentation du budget de l’État dans ce domaine : 1 % du budget actuellement.

  • La redynamisation des quartiers par le commerce, la mobilité, les transports, les services publics, la culture, l’animation...tout ce qui s’est vu disparaître du paysage de ces quartiers lentement mais sûrement.

  • Le rétablissement de la carte scolaire obligeant les enfants et les jeunes de ces quartiers à être admis dans des établissements de centre- ville bien cotés plutôt que la scolarité forcée et contrainte dans l’établissement du quartier.

  • La création de lieux de vie pour la jeunesse, de services jeunesse prônant la citoyenneté, les valeurs de la République, l’égalité des chances...

  • La possibilité pour ces villes qui hébergent ces populations de ne pas subir la triple peine (taxes locatives exorbitantes, diminution des services publics, nombre de logements sociaux importants...) en révisant les bases des taxes.

  • La priorité aux moyens largement supplémentaires de l’État et des collectivités aux villes concernées pour soutenir les élus dans cette mission.

  • L’engagement des entreprises à être aidée pour l’accueil d’un jeune sans emploi issu d’un quartier.

  • La modification du langage, des mots stigmatisant. Revenons aux LIEUX-DITS, aux FAUXBOURGS, aux ARRONDISSEMENTS, aux ILOTS...

  • La reconnaissance et l’intérêt portés à ces populations par l’engagement, la place dans la cité, la participation à la prise de décisions...

  • Une véritable politique sociale et de santé publique en faveur des plus démunis.

 

UNE CAUSE FONCIÈREMENT DE GAUCHE ?

La gauche, ancrée dans ses valeurs d’émancipation, de justice sociale doit impérativement se ressaisir de cette question. Elle en a le devoir.

Comme elle l’a initié en 1981, elle est seule capable d’avoir le courage de l’aborder sans détour. Elle ne doit pas se résigner, elle doit relever ce défi et doit combattre ce fléau de l’isolement des quartiers qui à terme feront l’objet d’autres tensions si nous ne réagissons pas.

Les socialistes doivent porter cette ambition pour l’avenir des enfants et des jeunes, pour une société plus juste, pour réintroduire l’ascenseur social.

Les socialistes doivent se démarquer de la droite qui nous conduit tranquillement vers un modèle américain où les pauvres seraient parqués autour des villes, responsables de leur précarité comme une fatalité.

 

AVEC LES SOCIALISTES FAVORISONS LES QUARTIERS DÉFAVORISÉS !


Signataires :

Michèle EDERY
Maire-adjointe déléguée à la Politique de la Ville de Saint-Fons. Rhône
Conseillère Métropolitaine de Lyon. Présidente de la commission Urbanisme,
Logement, Habitat et Politique de la Ville
Vice-Pésidente du SYRAL MOBILITES


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