Thème : Droits LGBTI+
Pour Léa, Samuel, Sarah et Théo : Une
Gestation Pour Autrui (GPA) éthique et encadrée, un droit à l'autonomie et à la solidarité
Nous, Léa, Samuel, Sarah et Théo, sommes né.es grâce à une GPA. Chaque jour, nous grandissons, bercé⸱es par lʼamour et la tendresse de nos familles. Nous nous épanouissons dans le cocon de ces liens tissés avec soin. Pourtant, aux yeux de la loi française, notre existence reste dans lʼombre, car elle repose sur une procédure encore strictement interdite en France. Nous sommes né.es de lʼamour profond et sincère de celles et ceux qui nous ont désiré.es. Pourquoi sommes-nous considéré⸱es comme des citoyennes de seconde zone ? Et les femmes porteuses et donneuses réduites à des "vendeuses de ventres ou dʼovocytes", indignes ? Lʼinterdiction de la GPA en France ne fait pas disparaître notre réalité. La GPA, souvent comprise et discutée comme une gestation pour autrui, est aussi et surtout, de notre point de vue, une gestation par autrui, et non une femme portant son propre enfant. En ce sens, la GPA ne saurait être assimilée à un abandon, car dès le départ, lʼenfant est attendu et aimé par celles et ceux qui l'accueillent comme parents. La GPA éthique et encadrée fait partie des services de santé sexuelle et reproductive et doit être reconnue comme la possibilité légale pour les femmes porteuses et donneuses, de choisir librement leur parcours de vie.
A contrario les opposants à la GPA évoquent une dissymétrie sociale et culturelle entre les demandeurs et les femmes porteuses et donneuses. Pour y remédier, une régulation stricte pourrait inclure une vérification de la situation financière des mères porteuses et donneuses pour éviter toute pression économique. Un suivi médical et psychologique complet peut garantir que les femmes porteuses et donneuses ne soient pas exploitées, mais protégées et justement compensées. Cʼest le cas dans certains pays où la femme porteuse doit être en mesure de justifier de revenus et ne fait pas cela pour des raisons financières. Elles doivent être informées de tous les aspects de la procédure, y compris des risques médicaux et psychologiques, afin que leur consentement soit libre et éclairé.
Représenter la GPA comme une exploitation revient à nier aux femmes leur droit à l'autonomie corporelle ainsi qu'à l'autodétermination sexuelle et reproductive, remettant ainsi en cause le droit à disposer de son corps. Réduire la GPA à un simple palliatif à lʼinfertilité féminine ou à celle dʼun couple constitue, pour certaines, une atteinte à leur liberté. Cette vision impose des stéréotypes dégradants : les femmes fertiles, censées désirer une grossesse pour être mères, sont souvent jugées comme de “mauvaises femmes” ou “incomplètes” si elles choisissent
de ne pas enfanter elles-mêmes. De même, celles qui envisagent de porter un enfant pour autrui sont étiquetées comme des "vendeuses de ventres". Il est pourtant crucial de distinguer le don dʼovocyte de la gestation par autrui : la fécondation a lieu en laboratoire, comme pour la procréation médicalement assistée (PMA), et la femme porteuse ne porte pas un embryon issu dʼun de ses propres ovules. Cʼest une distinction essentielle, car lʼencadrement éthique repose d'abord sur cette distinction.
La GPA éthique et encadrée respecte les droits humains, ainsi que le principe de non-patrimonialisation du corps humain . Elle offre une solution respectueuse du droit de tous aux familles. Dans les pays où elle est autorisée, comme au Royaume-Uni ou au Canada, la GPA est pratiquée dans le cadre de la loi et soumise à des conditions strictes visant à protéger toutes les parties impliquées, en particulier la femme porteuse et l'intérêt supérieur de l'enfant. A lʼinverse, défendre la GPA parce quʼelle représenterait une forme d'exploitation vient nourrir la stigmatisation et conduit à l'interdiction d'un service de santé reproductive essentiel. Un tel discours expose les enfants nés par le biais de la GPA à la stigmatisation et à la discrimination. Or, la GPA, lorsquʼelle est éthique et encadrée, offre un cadre légal et une protection juridique à la femme porteuse ou donneuse, qui est alors respectée, et non réduite à une marchandise.
Aujourd'hui seules les familles, quʼelles soient homoparentales, hétéroparentales ou monoparentales, ayant les moyens financiers peuvent déjouer la loi en allant à l'étranger. C'est injuste et rappelle les combats passés pour l'IVG ou la PMA pour toutes les femmes. Les mentalités évoluent, et 59 % des Français sont favorables à une GPA éthique selon un sondage CSA du 27 avril 2024, et cela monte jusqu'à 64% chez les électrices et électeurs de gauche. Ils savent que l'interdire ne règle rien et qu'un cadre légal protégerait mieux les femmes et les enfants comme nous. Chaque année, plus de 200 enfants nés par GPA à l'étranger viennent en France, devant vivre dans une lourde insécurité juridique qui ne devrait plus exister. La GPA est une problématique qui dépasse le cadre strictement national. Il est essentiel dʼen discuter enfin, sur le fond et concrètement, en France. Les parents d'intention se tournent aisément vers des pays comme l'Inde, les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la Belgique, où la GPA est autorisée sous différentes formes.
Ne rien changer à la législation en vigueur en France, cʼest faire le choix délétère du statu quo, un choix hypocrite, dangereux, injuste et discriminant ! Cʼest condamner la GPA à rester un privilège réservé à une élite fortunée, capable de voyager et de couvrir tous les frais associés. Nos voisins de Belgique accueillent de nombreux futurs parents venus de France, représentant presque la moitié des demandes de GPA selon des chiffres de 2016 de lʼinstitut européen de bioéthique. Dans un avis du 17 avril 2023, le Comité consultatif de bioéthique belge juge la GPA "éthiquement acceptable" mais affirme qu'elle doit être encadrée juridiquement.
La gauche a toujours soutenu et été à lʼavant-garde des combats pour l'égalité des genres, ainsi que pour les droits et libertés fondamentales des femmes, dont lʼautonomie corporelle et lʼaccès aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (pilule contraceptive et dʼurgence, avortement). Elle est pro-UE et internationaliste, lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme, a fait dépénaliser l'homosexualité, soutenu les lois bioéthiques, et fait voter le Pacs puis le mariage et l'adoption pour tous.
Le Parti Socialiste, pilier de la gauche de gouvernement, doit aborder cette question et enfin trancher ce débat de manière démocratique, éclairée et objective, sans anathème, ni hypocrisie. Nous existons, nous sommes là, et aucun silence ne pourra nous effacer. Nier notre existence, ignorer la réalité, ou compliquer la vie de nos familles, cʼest choisir lʼinjustice et lʼinégalité.
Léa, Samuel, Sarah et Théo
Contributeurs :
Sophie ROQUES
Aggoune Fatiha (75), Antigny Timy (AF JS78 - CF/BF PS 78), Berteau Jean-Philippe (Secrétaire de section FFE), Bighetti de Flogny Nicolas (60), Bloche Patrick (Premier adjoint à la Maire de Paris, Député honoraire), Bribard Stéphane (Membre CA Paris 10), Brunet Robin (31), Cabantous Enzo (CNJS 69), Carelle Alexandre (75), Deixonne Clément (AF JS44 et SN JS 44), Gelly-Perbellini Michel (Secrétaire fédéral 75) Genel Alain (75), Hirigoyen Hervé (BF 31), Humphrey James (31), Juillet Philomène (Élue du 10ème arr Paris), L'Hévéder Thomére Camille (29), Lasnier Philippe (CFCF, formateur national, 75) Lavedrine Milena (75), Losson Pierre (FFE-New York), Lucas Ezekiel (Secrétaire Général d'HES LGBTI+, 59), Marchioni Jean-Baptiste (75), Mazuy Aurelien (FFE - Bruxelles), Michel Annie (Conseillère des Français de l’étranger New York), , Mulard Andreas (37), Nicollet Lennie (Adjoint au Maire de Romainville (93), Odienne Magalhaes Anthony (75), Pawelski Léa (Conseillère départementale, Adjointe au Maire, Secrétaire Nationale 76) Peignelin Alexis (37) Quinqueton Denis (75) Renaud Axelle (SF 13), Sadallah Sofiène (SF14), Stochement Fabienne (Co secrétaire de section Ps Paris 12), Tararbit Malika (44), Vauglin François (Maire du 11e arrondissement de Paris)