Thème : Économie
Depuis les années 1970, des périodes multiples de crises économiques, en France comme en Europe, ont souvent conduit à des déficits budgétaires massifs du fait de l'augmentation des dépenses publiques par les gouvernements successifs afin de stimuler l'économie ou bien de soutenir la consommation.
Certains gouvernements ont fait de la réduction du déficit une priorité, mettant en œuvre des politiques d'austérité ou des réformes structurelles pour réduire les dépenses publiques et augmenter les recettes. Cependant, ces efforts sont souvent confrontés à des résistances politiques et sociales, car ils peuvent impliquer des mesures impopulaires tant pour les dépenses que pour les recettes, telles que des économies dans les services publics ou des augmentations d'impôts.
En tant que membre de l'Union européenne, la France est soumise aux critères de convergence du Pacte de stabilité et de croissance, qui stipulent que les pays doivent maintenir leur déficit public en dessous de 3% du PIB. Bien que ces règles visent à encourager la discipline budgétaire, elles permettent une certaine flexibilité en période de crise économique.
La France a un modèle social qui privilégie un niveau élevé de protection sociale et de services publics. Héritage du Conseil national de la Résistance, nous devons être fiers de ce modèle. Cependant, il peut rendre plus difficile l'atteinte d'un budget équilibré, car les réductions de dépenses peuvent affecter des programmes sociaux importants.
Ainsi, la conjoncture économique, les priorités politiques, les règles européennes et les attentes sociales jouent tous un rôle dans l'incapacité de la France à atteindre un budget équilibré depuis des dizaines d'années.
Dans un contexte où les défis économiques, sociaux et écologiques se multiplient, le Parti socialiste doit se montrer à la hauteur de ses responsabilités en proposant une vision ambitieuse et crédible de la gestion des finances publiques. Aussi nous devrons porter un objectif aussi simple qu'essentiel, celui de l’élaboration et l’adoption par le Parlement d’un budget à l’équilibre, garant de la souveraineté nationale, de la justice intergénérationnelle et du développement durable.
> Un budget à l’équilibre, un acte de responsabilité.
Le déficit budgétaire chronique affaiblit la capacité de l’État à agir durablement, à la fin du deuxième trimestre 2024, la dette publique s’établit à 3 228,4 milliards d’euros d’après l’INSEE, soit 112 % du PIB. Aujourd’hui, la France consacre une part croissante de ses ressources au remboursement de la dette publique (50,9 milliards d'euros pour 2024), réduisant ainsi les marges de manœuvre pour financer les priorités essentielles: santé, éducation, transition écologique et lutte contre les inégalités.
Un budget à l’équilibre ne signifie pas l’austérité, mais une gestion responsable et efficace des ressources publiques que ne proviennent que des impôts et des taxes payées par les citoyens et les entreprises. Il y a bien longtemps que la dette française ne finance plus l'investissement mais le fonctionnement quotidien de l'État, le salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite.
Garantir la souveraineté budgétaire et préparer l’avenir.
La dette publique française est détenue par une diversité d'investisseurs, chacun représentant environ un quart du total. Les investisseurs français, incluant des institutions financières et des particuliers, détiennent une part significative. La Banque de France en possède également un quart dans le cadre de sa politique monétaire. Les investisseurs de la zone euro, ainsi que ceux hors zone euro, détiennent chacun un quart, reflétant la confiance internationale dans les obligations françaises.
La note souveraine de la France a été dégradée par l'agence Moody's en décembre 2024, passant de "Aa2" à "Aa3" avec perspective stable. Cette dégradation reflète les préoccupations concernant l'état des finances publiques françaises et l'instabilité politique du pays. La note "Aa3" reste toutefois une bonne qualité de crédit, mais cette dégradation pourrait entraîner une hausse des taux d'emprunt pour la France sur les marchés financiers.
La dette, lorsqu’elle devient excessive, met en péril notre souveraineté. Elle nous rend donc dépendants des marchés financiers et limite nos capacités d’action face aux crises. Assurer un budget équilibré, tout en maintenant un niveau d’investissement suffisant pour répondre aux grands enjeux de notre époque, est un impératif pour garantir la souveraineté budgétaire et préserver l’autonomie de décision de la nation.
Un instrument pour une justice intergénérationnelle.
Au cours des cinquante dernières années, la dette publique française a considérablement augmenté, passant d'environ 20% du PIB dans les années 1970 à plus de 110% aujourd'hui. Cela implique de faire des choix budgétaires prudents et de s'assurer que les dépenses engagées sont soutenables à long terme. Cette responsabilité financière est un acte de solidarité, car elle permet de garantir que les générations futures ne seront pas accablées par des dettes qu'elles n'ont pas contribué à créer. De plus, cela favorise une transmission équitable des ressources et des opportunités d'une génération à l'autre.
> Une ambition socialiste, une nouvelle méthode.
Le Parti socialiste a toujours été un moteur d’innovations politiques majeures. Faire du vote d’un budget à l’équilibre un pilier de notre projet politique pour 2027, c’est affirmer notre volonté de concilier idéal et réalisme, utopie et pragmatisme. Ensemble, assumons la responsabilité de bâtir une France socialement juste, budgétairement souveraine et écologiquement durable.
1. Optimisation des recettes fiscales
Réforme de l’impôt sur le revenu pour une progressivité accrue : L’impôt sur le revenu doit retrouver une progressivité réelle en réintroduisant un plus grand nombre de tranches, comme en 1986 avec 14 niveaux d’imposition et des taux marginaux échelonnés entre 0% et 65%. La concentration de l’effort fiscal sur la classe moyenne crée une pression excessive, tandis que les très hauts revenus bénéficient d’une fiscalité proportionnellement plus clémente. Une réforme de justice permettra de mieux répartir la contribution de chacun, tout en garantissant des recettes supplémentaires.
Lutte renforcée contre l’évasion et la fraude fiscale : Chaque année, l’évasion et la fraude fiscales privent l’État de dizaines de milliards d’euros. Pour y remédier, une agence nationale dédiée doit être créée avec des moyens humains et technologiques renforcés, afin d’intensifier les contrôles et la détection des montages abusifs. En parallèle, la France doit pousser pour une harmonisation fiscale européenne afin de limiter la concurrence déloyale entre pays et les stratégies d’optimisation agressive qui permettent aux grandes entreprises et aux plus fortunés d’échapper à l’impôt.
Taxation des multinationales à l’échelle mondiale : Le taux d'imposition effectif minimum mondial de 15% sur les bénéfices des grandes multinationales reste insuffisant pour garantir des recettes significatives pour les États. Un taux de 21%, permettrait de générer 16 milliards d’euros de recettes fiscales pour la France contre moins de 5 milliards d’euros pour un impôt minimum mondial de 15% selon l’Observatoire européen de la fiscalité. Par ailleurs, il est impératif de ne plus imposer les multinationales uniquement en fonction de leur présence dans un pays, mais en fonction des bénéfices qu’elles y réalisent réellement.
Évaluation et réduction des niches fiscales inefficaces : Le coût des plus de 450 niches fiscales dépasse les 80 milliards d’euros par an, soit presque le budget de l’Éducation nationale. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, un examen systématique de ces dispositifs doit être menée pour supprimer ou réduire les exonérations les plus coûteuses et inefficaces. L’objectif est d’éliminer les avantages fiscaux profitant essentiellement aux plus aisés ou aux grandes entreprises sans effet bénéfique démontré pour l’intérêt général, en préservant les dispositifs favorisant l’emploi, l’innovation et la transition.
Modification de la structure de l’imposition : Taxer davantage les externalités négatives (carbone, produits ultra-transformés…) pour générer des recettes supplémentaires tout en encourageant des comportements responsables et des choix vertueux. Réintroduction de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dont la suppression en 2018 a entrainé chaque année, une perte de recettes estimée entre 3 et 4 milliards d’euros. Suppression du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (flat tax) afin de revenir à une taxation progressive des revenus du capital et ainsi générer 1,5 milliard d’euros de recette supplémentaire par an.
2. Rationalisation des dépenses publiques
Évaluation des politiques publiques et réforme des administrations: Identifier les dépenses inefficaces ou redondantes entre les collectivités locales et les agences de l’État afin de les réorienter vers des secteurs prioritaires. Accélérer la transition digitale pour réduire les coûts de fonctionnement grâce à l’intelligence artificielle et à une plus grande numérisation des services publics. L'automatisation accélère la prise de décision tout en optimisant l'allocation des ressources humaines, permettant aux employés de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, en contact direct avec les utilisateurs.
Lutte contre la fraude sociale : Estimée à environ 13 milliards d'euros par an, selon un rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale, elle inclut la fraude aux cotisations sociales, principalement attribuée aux entreprises et aux travailleurs indépendants, ainsi que la fraude aux prestations sociales. Il est donc indispensable de renforcer les contrôles du côté des organismes de sécurité sociale et des administrations fiscales par le biais d’un renforcement de la coopération interinstitutionnelle pour détecter les fraudes tout en évitant de stigmatiser les bénéficiaires légitimes.
Conditionnalité des aides et plafonnement des prestations non contributives : Ces mesures visent à mieux cibler les aides publiques en les attribuant principalement aux plus fragiles. En conditionnant l'accès à des prestations et en plafonnant les montants pour les foyers à revenus plus élevés, l'État pourrait réaliser des économies substantielles, estimées à plusieurs milliards d'euros par an selon le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale. Un ajustement des prestations en fonction de l'inflation et non selon un pourcentage fixe et prédéfini, pourrait rendre le système plus soutenable sans perdre en efficacité.
Réforme des retraites : Assurer la pérennité du système par répartition en reculant progressivement la durée de cotisation pour préserver l’équilibre entre cotisants et retraités, tout en différenciant les conditions d’accès aux droits pour les carrières longues et pénibles. En France, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans est bien inférieur à celui de nos voisins européens, ce qui fragilisera encore davantage le financement des retraites. Il est essentiel de mettre en place des mesures incitatives pour encourager les seniors à prolonger leur activité professionnelle, en améliorant leur maintien dans l’emploi.
3. Réduction de la dette via des leviers économiques
Relance de la croissance par l’investissement : L’État et les collectivités doivent investir massivement dans les secteurs d’avenir tels que la transition écologique, le numérique et la santé. En parallèle, il est crucial de réorienter une partie de l’épargne des Français (environ 5 600 milliards d’euros), vers des investissements productifs par le biais d’incitations fiscales ciblées. Cette politique de relance par l’investissement serait non seulement bénéfique pour la croissance économique, mais aussi pour la création d'emplois durables et non délocalisables, garants d’un pouvoir d’achat renforcé pour les ménages.
Réduction de la dépendance énergétique : Impératif stratégique pour notre avenir économique, il est crucial d'investir massivement dans les énergies renouvelables et dans la rénovation énergétique des bâtiments, tout en renforçant notre filière nucléaire. En 2024, la France a importé pour plus de 55 milliards d’euros d’énergie, un montant qui pourrait être significativement réduit avec un mix énergétique plus diversifié et plus souverain. La France doit garantir une production d'électricité abondante, décarbonée et à faible coût, renforçant ainsi la compétitivité de nos entreprises sur les marchés internationaux.
Soutien à l’emploi et à la formation : Pour stimuler la croissance économique et favoriser une consommation durable, basée sur la confiance, il est essentiel de mettre en place une politique active de soutien à l'emploi et à la formation. Cela passe par le renforcement des dispositifs d'insertion, de reprise ou de création d'activité, afin de permettre aux travailleurs de s’adapter aux évolutions du marché du travail et à une plus grande mobilité dans la carrière. L’école doit également jouer un rôle clé dans l’orientation des jeunes vers les secteurs en tension, où la demande de main-d'œuvre est forte et les opportunités d’emploi abondent.
La gestion rigoureuse des finances publiques est un impératif pour garantir la souveraineté budgétaire, assurer la justice intergénérationnelle et répondre aux défis de notre époque. Adopter un budget à l'équilibre doit permette à l'État de préserver les services publics tout en évitant une dépendance accrue aux marchés financiers.
Pour y parvenir, la concertation et l’implication citoyenne sont essentielles. La création d’une conférence nationale sur les finances publiques, réunissant syndicats, associations et experts, favorisera une stratégie collective de retour à l’équilibre. La transparence budgétaire renforcera la confiance des citoyens et garantira leur adhésion aux réformes nécessaires.
Ces mesures doivent être appliquées avec discernement et équité, évitant toute austérité brutale qui nuirait à la croissance ou creuserait les inégalités. Il s'agit de bâtir un modèle économique et social résilient, conciliant responsabilité budgétaire et justice sociale. Le Parti socialiste, dans l’optique de l’élection présidentielle de 2027, doit s’engager à rétablir un budget de fonctionnement à l’équilibre afin que l’emprunt public soit exclusivement réservé à l’investissement productif. Cette règle d’or budgétaire garantira la souveraineté financière de la France, réduisant notre dépendance aux marchés tout en préservant notre modèle social et nos services publics.
Contributeurs : Aubin VERILHAC, Suppléant au Conseil National, Secrétaire fédéral, Fédération de la Drôme