Thème : Santé
La France creuse les inégalités en matière d’accès aux soins et à la santé, tarde à mettre en place une politique volontariste pour agir sur l’ensemble des déterminants de santé et met en difficulté l’hôpital public en lui imposant le modèle d’entreprise, en l’asphyxiant financièrement et en le poussant à des restructurations massives basées essentiellement sur des critères comptables, sans concertation ni réelle évaluation des besoins. La médecine de ville, elle aussi, est à la peine, avec des disparités criantes entre les territoires : il devient difficile, ici et là, de trouver un médecin traitant, et il devient usuel d’attendre six mois pour être reçu par un spécialiste, de passer des heures aux urgences pour une consultation sans gravité ou de faire cinquante kilomètres pour accoucher.
« Ce n'est pas les médecins qui nous manquent, c'est la médecine. » Montesquieu
CONSERVER ET CONSOLIDER NOTRE MODÈLE DE FINANCEMENT, MAIS EN FAIRE ÉVOLUER LES MODALITÉS
Repositionner l’Assurance maladie obligatoire et solidaire en tant que financeur principal des soins. Augmenter la part prise en charge par l’Assurance maladie obligatoire afin d’abaisser celle prise en charge par les complémentaires santé. Pour ce faire, s’aligner sur le régime local d’Assurance maladie d’Alsace-Moselle où tous les salariés, retraités et indépendants cotisent un supplément de 1,5 % de leurs revenus et bénéficient d’une extension de prise en charge jusqu’à 90 % de leurs frais de santé.
Plus un système de santé repose sur les acteurs privés, plus il est inégalitaire. L’Assurance maladie est solidaire : chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins. À l’opposé, les organismes complémentaires ne prévoient pas la modulation des cotisations en fonction des ressources de leurs adhérents.
Rembourser à 100 % les médicaments génériques et les médicaments princeps non substituables de SMR (Service médical rendu) important et modéré.
Avec ces deux réformes, la CMU (Couverte maladie universelle) se ramènera à une dispense de cotisation, ce qui supprimera le coté discriminatoire d’être « à la CMU ».
Définir, pour tout dispositif médical remboursé par l’assurance maladie, un prix limite de vente indexé sur la base de remboursement de l’Assurance maladie.
Améliorer la qualité et la prise en charge des spécialités faiblement remboursées par l’assurance maladie obligatoire (opticiens, chirurgiens-dentistes, audioprothésistes, etc.) en développant les réseaux de soins des organismes complémentaires d’Assurance maladie. Pour ce faire, élaborer un contrat national entre l’État, l’Assurance maladie et les organismes complémentaires, afin de mieux définir la place et le rôle de ces derniers et notamment du mouvement mutualiste.
Plafonner les restes à charge annuels des familles.
36 % des Français ont des problèmes au moment de payer des actes mal remboursés, et ce chiffre monte à 64 % pour les foyers les plus modestes pour lesquels il s’accompagne d’un renoncement ou d’un retard de soins (baromètre IPSOS pour le Secours Populaire Français)
Étudier la suppression de la sectorisation de la médecine libérale en élaborant un mode de paiement mixte des professionnels libéraux et en réservant le paiement à l’acte pour des prestations exceptionnelles. A minima, moderniser le secteur 2 en rapprochant ses modalités d’exercice de celles prévues par l’OPTAM (Option pratique tarifaire maîtrisée), de façon à limiter les dépassements d’honoraires.
Mettre en place un modèle de financement pour toutes les prestations à distance, sur une base forfaitaire.
Assouplir le financement des établissements à l’activité pour tenir compte de l’accueil de populations vulnérables et pour favoriser la continuité des soins avec le domicile.
GARANTIR LA SOLIDARITÉ DE NOTRE SYSTÈME DE SOINS
Lever les freins à l’obtention d’une couverture maladie de base et complémentaire : protection universelle maladie (PUMA), aide médicale État (AME), couverture médicale de base ou CMU-C, aide à la complémentaire santé (ACS). Fusionner l’AME dans la PUMA.
Élever le seuil d’admission à la CMU-C au niveau du seuil de pauvreté à 50 %.
Créer dans chaque territoire local des Permanences d’accès aux soins de santé (PASS) ayant vocation à réintégrer dans le droit commun les personnes éloignées du soin.
Renforcer les droits des malades et améliorer l’information à ce sujet. Supprimer du Code de la santé les possibilités de refus de soins. Lutter contre les refus de soins, combattre les carences spécifiques de l’entrée dans le système de santé mentale.
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, faisant du malade l’acteur principal des décisions qui le concernent, reste mal appliquée, avec de nombreux refus de soins aux malades répertoriés, une mauvaise information des malades et de grandes inégalités sur les conditions de prise en charge de la fin de vie.
Créer un statut de travailleur ayant une maladie chronique, avec des conditions de mise en œuvre protectrices. Permettre à ces travailleurs de combiner un emploi adapté avec des aides publiques à l’entreprise et une prise en charge médicale, ce qui sera bénéfique à la fois pour le travailleur, grâce au maintien dans l’emploi, et pour les comptes de l’Assurance maladie, moins sollicitée.
ÉLABORER UNE PROSPECTIVE CONCERNANT LES IMPACTS SUR NOTRE SOCIÉTÉ DU VIEILLISSEMENT DE NOTRE POPULATION
Développer un grand programme national de prévention, financé par les différentes branches de la Sécurité Sociale, pour permettre le bien vieillir et le maintien à domicile le plus tardivement possible.
Promouvoir et améliorer les modalités d’activité adaptées à l’avancée en âge (travail à temps partiel, retraite progressive…).
Promouvoir un rôle actif des seniors dans la société, en particulier sous forme de bénévolat. Développer la participation à la vie publique et à la société des personnes les plus âgées et les plus isolées (résidence intergénérationnelle, habitat participatif, bénévolat, parrainage et aides professionnelles ...).
Élaborer des programmes innovants de maintien et de soutien à domicile, utilisant notamment les nouvelles technologies.
Réduire, chaque fois où c’est possible, la consommation de médicaments des personnes âgées, source fréquente d’accidents de santé, voire de décès.
Réengager l’État en faveur de l’EHPAD public (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Développer, dans les EHPAD publics, les EHPAD privés à but non lucratif et les EHPAD privés du secteur commercial, le nombre de places habilitées à l’aide sociale à l’hébergement. Repenser globalement les EHPAD (formation, adaptation des locaux, ratio de personnel, projet d’établissement) en fonction des besoins spécifiques des personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative, qui représentent la majeure partie de la population accueillie.
Renforcer le statut, le rôle et les pouvoirs de prescription du médecin coordonnateur en EHPAD, du fait de sa présence régulière auprès des résidents, de la bonne connaissance qu’il a du fonctionnement de l’établissement et de l’autorité fonctionnelle qu’il a sur l’équipe soignante.
Réformer le financement de la perte d’autonomie, de telle sorte que toute personne confrontée à une telle situation puisse disposer des ressources nécessaires pour y faire face.
Au regard des inquiétantes projections pour les années à venir, l’augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie provoquant inéluctablement une évolution parallèle des coûts, il est indispensable que soient rapidement trouvées de nouvelles modalités de financement.
Supprimer le cloisonnement entre « handicap » et « dépendance », en révisant les logiques sur lesquelles s’appuie l’organisation du système de prise en charge de la perte d’autonomie. Abandonner l’approche catégorielle, personnes handicapées ou âgées, pour une approche thématique, l’autonomie, afin que la compensation accordée soit fonction des besoins et non de l’âge.
Accueillir une représentation des familles au sein des conférences des financeurs créées au niveau de chaque département par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Réduire le reste à charge à domicile, afin de renforcer la capacité des familles à financer la perte d’autonomie de l’un de leurs proches.
Réduire le reste à charge en établissement d’hébergement. Imputer dans leur intégralité au forfait « soin », alimenté par les crédits de l’Assurance maladie, les dépenses liées à l’emploi des aides soignantes et des aides médico-psychologiques, actuellement financées concurremment par le forfait « soins » et le forfait « dépendance », financé par les départements.
Harmoniser les dispositions fiscales. Lorsqu’une personne en situation de perte d’autonomie réside à domicile, les dépenses supportées pour l’emploi d’un salarié à domicile ouvrent droit à un avantage fiscal, sous forme de crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses supportées pour une exonération fiscale maximale de 7 500 euros par personne et par an, sous forme de crédit d’impôt. Mais lorsque la personne en situation de perte d’autonomie doit être transférée en établissement, la situation devient fiscalement plus sévère pour les familles, car l’avantage accordé prend la forme d’une réduction d’impôt égale à 25 % des dépenses, avec une réduction (et non un crédit) d’impôt maximal autorisé de 2 500 euros seulement par personne et par an.
Cette inégalité de traitement constitue souvent un obstacle à l’entrée de la personne malade en établissement, alors que la situation l’exigerait.
DONNER DAVANTAGE DE MOYENS AU DOMAINE DE LA SANTÉ PSYCHIQUE Organiser des états généraux de la santé mentale engageant les acteurs concernés (associations compétentes, syndicats de médecins et d’auxiliaires médicaux et pouvoirs publics), sous la direction
d’une nouvelle direction de la santé mentale. Ces états généraux aborderont la manière de traiter la schizophrénie, les troubles bipolaires, certaines formes graves de dépression et de TOC (troubles obsessionnels compulsifs), étudiant les propositions détaillées publiées par l’UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), la fédération Santé Mentale France et l’association AIRe (Association nationale des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques et de leurs réseaux). Ils auront à s’entendre sur les objectifs, les moyens requis (en particulier budgétaires) et l’échéancier de mise en place, en visant une action de moyen et long terme.
http://www.unafam.org/
Élargir le conventionnement des différents secteurs aux professions de psychologues cliniciens et de psychothérapeutes. Les intégrer dans le parcours de soins coordonnés, sur orientation du médecin traitant ou d’un psychiatre pour les adultes, d’un pédiatre pour les enfants.
Dans sa thèse « Analyses épidémiologiques et socio-économiques de la situation des psychothérapies en France, en vue de propositions sur les politiques de remboursement des psychothérapies », la doctorante Anne Dezetter écrit que ses simulations montrent que, pour un euro investi dans la prise en charge d’un adulte dépressif, l’ensemble des coûts directs et indirects épargnés se monte à deux euros.
Assurer le remboursement intégral des soins psychologiques avec tiers payant pour les enfants et les adolescents, les femmes enceintes, les patients en Affection de longue durée (ALD) pour troubles mentaux ainsi que pour les bénéficiaires de la CMU.
Les soins psychologiques pour les enfants et les adolescents conduiront à moins d’incivilités, moins d’échec scolaire et à la prévention de troubles plus graves.
Revoir notre politique de prévention et de prise en charge des toxicomanies. Renforcer la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin, après une consultation avec les associations du secteur et augmenter les taxes sur l’alcool. Tirer les leçons des expériences réussies à l’étranger en matière de lutte contre le tabagisme pour changer de politique et augmenter les taxes sur le tabac. Légaliser le cannabis, ce qui permettra des rentrées fiscales supplémentaires destinées à la lutte contre les addictions et la concentration du travail des forces de l’ordre sur d’autres domaines.
La France reste dans le peloton de tête en matière de consommation de tabac (78 000 décès par an), d’alcool (50 000 décès par an) et de drogue.
MAÎTRISER LA QUALITÉ ET LE PRIX DES MÉDICAMENTS
Imposer un contrôle accru des essais cliniques, par exemple en confiant aux experts indépendants des commissions d’AMM (Autorisation de mise sur le marché) la conception et la réalisation des études cliniques d’efficacité, qui resteront à la charge de la firme pharmaceutique.
Renforcer les moyens publics sur la pharmacovigilance et la surveillance des effets indésirables des médicaments, en empêchant toute intervention de l’industrie pharmaceutique. Doter les médecins d’un système simple de déclaration via Internet.
Développer l’enseignement de la pharmacologie au cours des études médicales, pharmaceutiques et paramédicales, par des enseignants indépendants de l’industrie, en insistant sur la pharmacovigilance et la sécurité des patients.
Mettre en place, en toute transparence, un nouveau mécanisme de fixation des prix des médicaments innovants, non plus basé sur leur seule « valeur thérapeutique et médico-économique », mais incluant
également le critère de coût (recherche, développement, production, commercialisation, suivi en vie réelle…) aujourd’hui non pris en compte.
Garantir à tous les patients le droit de bénéficier des meilleurs soins, incluant les innovations pharmaceutiques disponibles sur le marché. Cette exigence, impérative, suppose que les prix soient fixés de manière à offrir l’égalité de traitement et à éviter toute perte de chance aux personnes malades.
Prendre en compte le point de vue du patient dans les évaluations médicales et médico-économiques du médicament, pour les indicateurs de « service médical rendu » et d’« amélioration du service médical rendu ».
Mettre en place des contrats de performances pour développer le suivi en vie réelle des médicaments, qui peut être différente de celle observée lors des essais cliniques. Conduire ces études de façon indépendante, c’est-à-dire par les autorités sanitaires elles-mêmes qui doivent se départir des seules données transmises par les laboratoires.
Multiplier les campagnes publiques d’information de qualité à destination du grand public pour un bon usage des médicaments et mettre en place une base publique, exhaustive et gratuite d’information sur les médicaments commercialisés (rapport d’évaluation, résumé des caractéristiques du produit, avis de la commission de transparence, bibliographie pertinente de qualité…).
Premier signataire :
Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique