Pour un renforcement de l’accès effectif à l’IVG

Céline Thiébault-Martinez, Fatiha Keloua Hachi et les parlementaires socialistes

En 1975, la loi Veil ouvrait la voie à un droit fondamental : celui pour les femmes de disposer librement de leur corps, en leur donnant la possibilité d’interrompre volontairement une grossesse non désirée.  Cinquante ans plus tard, ce droit, désormais inscrit dans notre Constitution depuis mars 2024, est encore loin d’être pleinement effectif.

D’abord, parce qu’il est menacé par la résurgence des conservatismes dans le monde. Aux États-Unis, l’abolition de l’arrêt Roe v. Wade en 2022 a entraîné une explosion de la mortalité infantile. En Pologne, où l’avortement a été drastiquement restreint en 2021, plusieurs femmes sont mortes faute d’avoir pu accéder à des soins à temps, les médecins jugeant leur vie “non immédiatement en danger". Or, le taux d’IVG, relativement stable depuis 20 ans, témoigne de son importance : il répond à un besoin dans une société où aucune contraception n’est 100 % efficace.

Mais surtout, la constitutionnalisation de l’IVG, si essentielle soit-elle, reste insuffisante car son accès n’est pas garanti. Depuis 1975, le nombre de maternités a chuté de 1 369 à 458 en 2020. Selon le Planning familial, 130 centres IVG ont fermé ces quinze dernières années. Les inégalités territoriales rendent cette situation encore plus insupportable. Six ARS (Auvergne-Rhône-Alpes, Corse, Centre Val de Loire, Grand Est, Guadeloupe, Guyane) estiment que des zones de leur territoire régional sont éloignées de plus d’une heure d’une offre d’IVG. En ruralité, ce sont notamment les jeunes femmes, sans permis ni véhicule, qui se retrouvent dans l’incapacité de se déplacer pour une intervention. De même, le manque de blocs opératoires ou de professionnels formés force les femmes à recourir à l’IVG médicamenteuse, alors que la loi garantit leur droit de choisir la méthode qui leur convient. Un quart des établissements de santé ne propose qu’une seule méthode, et seuls 44 % réalisent des IVG tardives, pourtant souvent vitales pour les plus vulnérables. À cela s’ajoute la barrière insidieuse de la clause de conscience : 27 % des femmes ayant eu recours à une IVG ces cinq dernières années ont subi un refus de soin de la part d’un professionnel de santé invoquant cette clause.

Pendant ce temps, le budget 2025 reste muet face à ces urgences. Où sont les moyens nécessaires pour former davantage de sage-femmes, des infirmières et de gynécologues ? Pour garantir un approvisionnement stable des médicaments pour l’IVG médicamenteuse ? Pour assurer l’accès à des IVG tardives dans tous les territoires ?

Nous, parlementaires socialistes, exigeons du gouvernement un plan d’action ambitieux, abondé des moyens nécessaires dans le cadre du budget 2025, pour garantir un accès effectif à l’IVG. Ce plan doit en priorité renforcer le maillage territorial des centres de santé pratiquant les IVG, afin que toutes les femmes, qu’elles vivent en métropole ou dans les territoires ultramarins, puissent exercer ce droit fondamental sans entrave. Ce plan devra non seulement identifier et soutenir les structures capables de réaliser des IVG tardives, mais aussi fixer des objectifs clairs pour former davantage de professionnels de santé. Il devra s’appuyer sur des indicateurs de suivi fiables et transparents, mesurant les délais de prise en charge, les distances parcourues pour accéder aux soins, les refus liés à la clause de conscience, ainsi que l’évolution des fermetures de maternités. Ces indicateurs devront également évaluer les inégalités sociales d’accès à l’IVG, les femmes les plus précaires étant disproportionnellement touchées par l’absence de législation proactive en matière d’avortement. Ce plan devra enfin renforcer l’éducation sexuelle et affective, à la fois à l’école et dans l’ensemble de la société, en prévoyant des campagnes d’information régulières sur les droits liés à la santé reproductive.

Cinquante ans après la loi Veil, le droit à l’avortement n’est toujours pas un acquis, même après son entrée dans la Constitution. Il nous faut travailler activement à son effectivité pour toutes les femmes, sur l’ensemble du territoire.

Députées et députés : Marie-José ALLEMAND, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Fabrice BARUSSEAU, Marie-Noëlle BATTISTEL, Laurent BAUMEL, Béatrice BELLAY, Karim BENBRAHIM, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Colette CAPDEVIELLE, Paul CHRISTOPHLE, Pierrick COURBON, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Dieynaba DIOP, Fanny DOMBRE COSTE, Peio DUFAU, Inaki ECHANIZ, Romain ESKENAZI, Olivier FAURE, Denis FÉGNÉ, Guillaume GAROT, Océane GODARD, Julien GOKEL, Pascale GOT, Emmanuel GRÉGOIRE, Jérôme GUEDJ, Stéphane HABLOT, Ayda HADIZADEH, Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Céline HERVIEU, François HOLLANDE, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, Gérard LESEUL, Laurent LHARDIT, Estelle MERCIER, Philippe NAILLET, Jacques OBERTI, Sophie PANTEL, Marc PENA, Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, Pierre PRIBETICH, Christophe PROENÇA, Marie RÉCALDE, Valérie ROSSI, Claudia ROUAUX, Aurélien ROUSSEAU, Fabrice ROUSSEL, Sandrine RUNEL, Sébastien SAINT-PASTEUR, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Arnaud SIMION, Thierry SOTHER, Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mélanie THOMIN, Boris VALLAUD, Roger VICOT, Jiovanny WILLIAM

Sénatrices et sénateurs : Viviane ARTIGALAS, Audrey BELIM, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, Isabelle BRIQUET, Colombe BROSSEL, Marion CANALÈS, Rémi CARDON, Christophe CHAILLOU, Yan CHANTREL, Thierry COZIC, Karine DANIEL, Jérôme DARRAS, Marie-Pierre DE LA GONTRIE, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent EBLÉ, Sébastien FAGNES, Rémi FERAUD, Corinne FERET, Jean-Luc FICHET, Hervé GILLÉ, Laurence HARRIBEY, Eric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Gisèle JOURDA, Patrick KANNER, Eric KERROUCHE, Annie LE HOUEROU, Audrey LINKENHELD, Jean-Jacques LOZACH, Monique LUBIN, Didier MARIE, Serge MERILLOU, Jean-Jacques MICHAU, Marie-Pierre MONIER, Corinne NARASSIGUIN, Alexandre OUIZILLE, Sébastien PLA, Emilienne POUMIROL, Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Sylvie ROBERT, Pierre-Alain ROIRON, David ROS, Laurence ROSSIGNOL, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Simon UZENAT, Mickaël VALLET, Michaël WEBER

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