POUR UNE AUTRE CROISSANCE ÉCONOMIQUE : LE BIEN-ÊTRE SOCIAL

Liste des signataires à retrouver en fin de contribution

CONTRIBUTION THÉMATIQUE (SECTION DE SAINT-POURÇAIN SUR SIOULE / ALLIER)

Nous avons l'habitude de mesurer le caractère florissant d'une économie en fonction de son taux de croissance. Mais quelle croissance ?

Il ne s'agit pas ici de prôner une forme de décroissance mais d'interroger les étalons de mesure de la croissanceen fonction des objectifs que poursuit la collectivité.
L'efficacité doit-elle se mesurer selon le profit retiré par la gestion du capital financier investi ? En somme, pour paraphraser une formule célèbre, ce qui est bon pour General Motors serait-il bon pour les citoyens ?

Les travaux d'isolation des bâtiments produisent-ils moins de croissance que la construction de passoires thermiques ? L'agriculture biologique contribue-t-elle moins à la croissance que l'agriculture conventionnelle chimiquement assistée ? La production d'énergie solaire est-elle moins source de croissance que l'usage de pétrole "raffiné" ?

Nous pensons que la croissance doit se mesurer en fonction de l'amélioration du bien-être procuré aux habitants dela planète.

Prenons pour définition du bien-êtrela situation qui permet de satisfaire les besoins de l'existence et qui procure un sentiment de bonne santé physiologique et psychologique.
Les principales composantes en seront
la santé, certes, mais aussi la qualité du logement, de l'alimentation, l'éducation, la sécurité...

Dès lors les questions qui se posent sont les suivantes :

  • à quel niveauces critères peuvent-ils être considérés comme satisfaits ?

  • les critères s'apprécient-ils pour chaque individu ou au niveau de la collectivité ? Quid des aspirations individuelles par rapport à l'intérêt général ?

  • le niveau satisfaisant vaut-il pour tous? Quid des discriminations et des inégalités ?

  • à quel prix​ veut-on atteindre ce niveau ? C'est la question des normes sociales et environnementales, du long-terme vs le court-terme, de la durabilité du développement.

En démocratieseuls le débat public et politique ainsi que la négociation sociale peuvent permettre d'aboutir à des consensus sur ces points.

C'est sur la base de ces définitions et de ces critères que des objectifsseront périodiquement évalués et fixés par leParlementsur proposition de l'exécutif, par exemple tous les cinq ans. Les objectifs ainsi retenus seront pris en considération par les instances de planification et par les administrations dans l'exercice de leurs mission. La participation citoyenneau travail de ces instances sera organisée dans la transparence (conventions citoyennes, débats publics...)

Des conférences tripartites (État, entreprises, syndicats de salariés) régulières seront à la fois le cadre d'appropriation des travaux réalisés par les instances de planification et le lieu de négociation des conditions concrètes de leur mise en œuvre.

Ceci amènera nécessairement à poser et à traiter la question du pouvoir dans l'entreprise et de la participation des salariés aux prises de décision notamment stratégiques.

Le libéralisme économiquea certes fait la démonstration de sa capacité à créer des richesses et de son efficacité pour organiser le fonctionnement des nombreux acteurs de l'économie. Mais il a l'inconvénient de privilégier la rentabilité immédiate du capital par rapport à l'intérêt collectif à long terme. Il faut donc le réguler, lui donner un cadre et des contraintes.

Le culte du court-termismeignore l'effet différé, notamment sur la santé, des atteintes à l'environnement et reporte au lendemain les mesures nécessaires (interdiction de certains pesticides et des perturbateurs endocriniens, comme autrefois l'interdiction de l'amiante...). Il conduit à l'épuisement des ressources naturelles.

Il revient à la puissance publique d'édicter des normes encadrant le jeu du marché libéral de façon à éliminer ces travers.

Non seulement il s'agira d'éviter que la mondialisation commerciale ne conduise à consacrer de l'énergie, notamment productrice de GES, à échanger à bas coût des produits sans utilité.
Mais plus généralement les règles du commerce international seront fondées sur le "
juste échange". Les produits et services importés dans un État devront avoir respecté les normes sociales et environnementalesen vigueur dans cet État et donc, a fortiori, les accords internationaux correspondants, comme par exemple l'accord de Paris sur le climat.

Des règles internationales restent à édicter pour préserver véritablement la biodiversité.

En outre un mouvement de relocalisation d'une partie de la production agricole et industrielle, impulsé par la puissance publique, devrait permettre de rapatrier en Europe un certain nombre d'activités sensibles en temps de crise : production de médicaments, de protections sanitaires, d'énergies, de composants électriques et électroniques, de protéines...

Enfin une taxe sur les transactions financières (TTF) digne de ce nom alimentera, par exemple, l'aide au développement dans le respect des normes sociales et environnementales.

Que ce soit pour financer les efforts de la puissance publique au service de l'intérêt général, pour impacter le comportement des acteurs économiques, ou pour opérer une redistribution afin de corriger les inégalités sociales, le système fiscalsera rendu cohérent, juste et rigoureux.

Dans ce domaine le maître mot est la progressivité des impôts sur le revenu. Elle s'accompagnera d'un accroissement du poids relatif de ces impôts dans l'ensemble des ressources des pouvoirs publics. Le prélèvement à la source étant entré en application de façon neutre, la réforme pourra se faire par rapprochement puis fusion de l'impôt sur lerevenu et de la CSG, complétée par l'instauration d'une tranche à 50 % au moins.

Il est logique que les communesperçoivent une taxe d'habitation, éventuellement modifiée : on paie pour le service public communal là où l'on habite.
De même les
régionspercevront des ressources calées sur l'activité économique, en cohérence avec leurs compétences : part de TVA, part de CVAE...

Et pourquoi ne pas laisser au départementles impôts fonciers au sens large ?

La justice et l'efficience fiscales passent également par l'augmentation du niveau de taxation des revenus qui ne sont pas issus du travail. Il faudra rétablir au moins l'égalité de tauxde prélèvement fiscal entre les revenus du travail etceux du capital.

Outre qu'elle représente le principal moyen pour la puissance publique pour financer les services publics et les investissements d'intérêt général, la fiscalité est un outil qui doit servir à orienter la vie économique dans le sens justement de l'intérêt général. Ce sera l'objet, par exemple, de taux deTVA écologiquement incitatifs.

Naturellement - mais il faut le rappeler - la lutte contre l'évasion fiscale, coordonnée au niveau européen et mondial, sera une priorité. Les moyens qui y seront consacrés seront rapidement et largement compensés par les recouvrements supplémentaires obtenus.

Le prélèvement à la source de l'IR et son rapprochement avec la CSG prépareront le terrain pour instaurer de façon simple un dispositif de revenu universel devenu indispensable en temps normal comme en période de crise.

Quant à la fiscalité du patrimoine c'est clair, il faut rétablir un véritable impôt de solidarité sur la fortunerapportant au moins 5 Mds € par an afin de contribuer à l'investissement public,et rétablir des droits de successiondignes de ce nom, en particulier sur les gros patrimoines.

Les ressources qui en seront tirées serviront en quelque sorte d'apport personnel de la puissance publique qui pourra ainsi lancer périodiquement des "grands empruntsnationaux et européens" pour financer les investissements publics liés à la lutte contre le réchauffement climatique, la recherche scientifique etc.

L'organisation territoriale française sera revue progressivement en se fondant sur les bassins de vie pour sortir de découpages artificiels et tenir compte de la réalité des conditions de vie des habitants. À partir de là les mises en cohérence et simplifications de compétences entre l'Etat, les régions, les départements, les métropoles, les EPCI et les communes apparaîtront assez clairement.

L'Etat et les collectivités piloteront des programmes de grande ampleur pour rénover les bâtiments quelle que soit leur destination, et les isoler thermiquement.
L'aménagement urbain sera revu pour mettre un terme à l'artificialisation des terres et
raccourcirles distances "domicile-travail-consommation".

Le recours à des constructions bois et à des matériaux bio-sourcés sera privilégié.

La construction et la gestion de foyers-logementspermettra de réduire les situations d'isolement des personnes âgées et facilitera leur prise en charge dans les périodes difficiles. Dans chaque ville des structures d'hébergement provisoire auront été identifiées (et éventuellement pré-aménagées) pour l'accueil de personnes dans l'urgence et la difficulté : SDF, malades en quarantaine, réfugiés climatiques...

Au niveau de l'Union européenne, il semble que l'Allemagne et les pays du nord commencent à comprendre que la solidarité à l'égard des pays du sud n'est pas une forme d'aumône voire de gaspillage, mais correspond à leur intérêt bien compris. La consommation des uns rentabilise les investissements des autres et la cohésion de l'ensemble renforce chacun dans la concurrence mondiale. Imaginons le ballet des dévaluations compétitives entre monnaies européennes auquel on assisterait, en 2020, sans la monnaie unique.

À plus long terme la solidité de l'Union européenne et son acceptation populaire passeront par des avancées vers une Europesociale(SMIC européen, droit du travail), fiscale (harmonisation et lutte contre le dumping), et politique(rôle et pouvoirs du Parlement, accords de juste échange, politique étrangère commune). Tout en relançant les coopérations économiquesqui ont fait la force de l'Europe, avec des relocalisations coordonnées et des actions communes dans le domaine de la recherche, des transports, de l'énergie, des réseaux, de la santé.

Le moment est venu d'une sorte de "programme du CNR" européen, pour donner un contenu aux convergences nécessaires et sortir par le haut des crises récentes.

Enfin la réussite et le progrès dans le sens décrit ci-dessus passent nécessairement par une prise d'appui sur les mouvements sociaux etorganisations syndicales detravailleurs dans le monde, en les aidant à s'organiser et à se coordonner, sans porter atteinte à leur indépendance et selon des modalités adaptées à chaque pays. Leurs revendications seront un soutien précieux dans nos démarches pour donner un contenu concret aux grandes déclarations et conventions internationales qui, toutes, affichent la volonté d'aller vers davantage d'égalité, davantage de libertés, et davantage de solidarité.

La contribution en PDF

Signataire :

Jean MALLOT

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