Pour une écologie des peuples


Thème : Écologie


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Nous socialistes, devons lier la question environnementale à la question sociale. Il ne peut y avoir d’opposition entre ces deux enjeux d’avenir sous peine de voir l’anxiété et la défiance écologique grandir. Pour mener de front ces sujets structurants de notre société en mouvement nous pensons qu’il faut rétablir un nouveau contrat d’interaction entre nature et culture. Par cette contribution nous proposons d’être collectivement acteurs des transitions écologiques, économiques et sociales. C’est une écologie par les peuples et pour les peuples que nous devons construire.

 

Notre environnement comme viatique

L’heure du constat est passée ! 

En 2022, les désordres climatiques montrent plus que jamais l’urgence d’une action pour le climat. Les dix dernières années ont été ponctuées d’évènements extrêmes qui ont inquiété nos concitoyens : sécheresses, épisodes caniculaires, inondations, tempêtes. La traditionnelle torpeur de l’été n’était qu’une illusion.  Nous avons assisté avec un sentiment de grande impuissance, au sinistre spectacle des mégafeux qui ont ravagé la forêt des Landes. Pour la première fois tout le territoire français a été peu ou prou impacté. Ce scénario catastrophe deviendra désormais la norme.

Même si les feux de forêts ont été particulièrement spectaculaires cette année, il n’en demeure pas moins que c’est tous les jours que la situation de la biodiversité se dégrade. En effet, la physionomie de nos forêts change, soit un tiers du territoire métropolitain. Les feuillus dépérissent par manque d’eau, les résineux subissent des attaques parasitaires répétées. De leur côté, les espaces agricoles sont eux aussi impactés. La modification du climat semble altérer le cycle de l’eau. A ces longues périodes de sécheresses succèdent des épisodes de fortes pluies. Difficile dans ces conditions de garantir la ressource en eau. L’agriculture intensive détruit la biodiversité des sols et la culture fourragère ne supporte plus les grandes périodes de sécheresse. Forestiers et agriculteurs sont pointés du doigt. Ils sont accusés tant pour les pratiques passées que pour les solutions imaginées aujourd’hui pour y faire face.

L’eau vient à manquer cruellement, ainsi pour la première fois en 2022, plusieurs milliers de communes ont vu leur alimentation en eau coupée. Cependant le manque de ressources ne doit pas cacher le véritable problème, la mauvaise qualité d’une grande partie de notre gisement d’eau potable ; cette eau de plus en plus convoitée par tant d’autres activités comme l’agriculture, l’industrie, l’énergie nucléaire et hydro-électrique. Nous en oublierions presque nos écosystèmes dépendants de la ressource en eau.

En somme, nos biens communs, sont aujourd’hui menacés. Monétarisés depuis quelques années, ils deviennent aujourd’hui un enjeu autant environnemental qu’économique avec le risque d’une spéculation liée à leur raréfaction, source d’anxiété pour nos concitoyens.

L’organisation de nos territoires, quant à elle aussi fait l’objet de nombreuses critiques. Depuis 40 ans nos villes se sont développées un peu sans cohérence. Les centres villes se sont dépeuplés, la ghettoïsation s’est accrue et les lieux de consommation se sont cantonnés dans les périphéries comme un lien entre la ville et la campagne. Aujourd’hui toutes les politiques de la ville visent à recréer du lien, à gérer les mobilités tant par des transports publics que par l’utilisation du vélo, et à lutter contre les îlots de chaleur.

Mais parallèlement la ruralité elle aussi souffre. Oubliée par la gauche, elle choisit pour porte-voix le Rassemblement National, qui a su capitaliser sur un indicible sentiment d’abandon. Territoire réclamant une égalité de services, demandant la prise en compte de sa spécificité, où les habitants ont un sentiment de déclassement, de disparition de services publics (écoles, santé, culture, mobilité) se sentant même paradoxalement stigmatisés par les enjeux du changement climatique.

La ruralité : territoire d’agriculture, de familles dépendantes de la voiture, sans accès ni aux services, ni aux transports publics, trop peu à la culture, devant trop se déplacer pour travailler près des villes, obligées de se chauffer à grands coûts. La ruralité craint que les réponses aux enjeux environnementaux se fassent à son détriment sans qu’elle n’en tire aucun bénéfice.

 

Un nouveau projet de société

Et si le défi environnemental et climatique devenait une opportunité pour rétablir une forme d’unité du pays autour d’un projet collectif accessible à l’ensemble de nos concitoyens ?

La jeunesse a perdu confiance en la politique. Portée par l’angoisse d’un avenir miné par les crises climatiques et écologiques, elle est aujourd’hui tentée par des actions radicales lui permettant de dénoncer l’inaction environnementale. Les SUV, les symboles de la dégradation du climat, sont attaqués, et cet été les golfs ont été saccagés par le mouvement dit des « sangliers radicalisés ».

Chaque annonce du GIEC ou de l’IPBES sur la situation de la planète est source d’anxiété. Mais après un concert de contritions, les décisions politiques peinent à prendre corps et aucune action n’est à la hauteur de l’enjeu. La question environnementale est devenue sujet de divisions dans les familles et de fracture générationnelle. Les parents et grands parents ne se voient pas changer leurs pratiques, les enfants et petits-enfants les tiennent pour responsables de la situation et s’interrogent sur les changements radicaux qu’ils pourraient apporter dans leur quotidien.

La tâche est immense, et le temps presse, tant notre société est fracturée.

Nos gouvernants, pensent faire de leur mieux. Mais les tergiversations sont nombreuses. La loi « Climat résilience » n’est accompagnée d’aucun moyen qui lui assure sa réussite. Les territoires ruraux se sentent une fois de plus punis sachant pertinemment que les exigences du « Zéro artificialisation nette » ne pourront être respectées par les métropoles qui voient déjà dans les territoires ruraux la solution… Pauvres petits villages !

Les détracteurs, souvent opposants politiques, libéraux ou capitalistes, mettent eux en exergue le caractère international de la crise climatique. La France produit 1% des gaz à effets de serre, faisant dire à certains que nos changements de pratiques seraient inutiles à l’échelle planétaire. C’est oublier aussi que nous nous donnons bonne conscience en délocalisant la production de gaz à effets de serre pour satisfaire nos propres besoins de consommation.

Avec assurance et conviction sachons porter notre projet politique ancré dans la transition. L’affirmer auprès des Français et dans le monde, c’est dire qu’un pays qui pollue moins est un pays où l’on vit mieux. C’est une vie plus saine et une promesse de retrouver à nouveau, une cause commune dans laquelle la société peut trouver un nouveau ciment. Comme à l’époque des Lumières, nous progressistes, portons avec détermination ce défi.

Nous devons casser le sentiment de déclassement de nos concitoyens. Pour eux, ces enjeux climatiques vont de pair avec une alimentation de qualité, des carburants, du chauffage et d’une eau hors de prix. C’est aussi être condamné à vivre dans des passoires énergétiques n’ayant pas les moyens de rénover le bâti, c’est se dire que la voiture c’est pour les riches et les transports publics pour les pauvres, c’est renoncer à voyager. Une transition énergétique qui ne serait pas portée par la volonté d’équité sociale risque de déclasser encore davantage une grande partie de la population.

Ne soyons pas naïfs, le capitalisme saura très bien s’accommoder de cette crise énergétique. Les grandes entreprises ont déjà commencé à le comprendre. Elles engagent une mutation silencieuse se rendant propriétaires de la production de tous types d’énergies, aussi bien gazières que pétrolières ou éoliennes. Elles s’accaparent même de plus en plus de terres agricoles et de forêts afin de valoriser la biomasse. Les mêmes proposent de prétendues solutions jusqu’à utiliser la ressource en bois qu’ils sauront monétiser au maximum. Dans la concurrence mondiale tous ces groupes vont à la chasse aux énergies et aux ressources partout dans le monde aux prix les plus bas.

Dans cet immense défi, la sociale démocratie peut trouver un nouveau projet collectif. Elle doit exiger une intervention de l’Etat dans l’économie pour corriger les dérives et excès du capitalisme. Elle doit protéger nos concitoyens de l’appât des gains d’une transition énergétique mal encadrée. Elle doit protéger notre eau, nos sols, nos forêts, nos rivières, nos prairies qui sont les biens communs de la nation. Alors la question environnementale sera une immense opportunité pour elle !

 

Pour un nouvel humanisme de la nature

La première révolution est culturelle et philosophique. Nous devons quitter notre culture de domination de la nature par l’Humain. Cette vision du monde où il y’a la nature d’un côté et l’Homme de l’autre. Ce rapport à la nature qui a plongé le monde dans l’anthropocène. Ne nous y trompons pas, ce n’est ni la planète, ni la nature qui est menacée. La vie s’accommodera bien des changements que nous lui imposons. C’est bien sur l’humain que ces menaces pèsent.  Nous sommes un élément de la nature, notre destin est intimement lié à elle. Nous sommes la biodiversité. Retrouvons notre âme d’enfant, qui avec sincérité, s’émerveille devant l’expression quotidienne de la nature. Par l’éducation de nos enfants, dans notre quotidien, sachons développer des politiques publiques montrant concrètement les alliances possibles entre la Nature et l’Humanité. Mettons aussi en lumière nos plus belles réussites. Alors même que la nature ordinaire fait face à un déclin massif et inquiétant, la nature dite « extraordinaire » est plutôt dans un bon état de conservation, grâce à nos actions de préservation.

 

En 50 ans d’actions, les gestionnaires d’aires protégées ont montré qu’il était encore possible de lutter contre l’érosion de la biodiversité dans les territoires dont ils ont la gestion. Il manque à l’État un projet ambitieux, un projet qui respecte la nature partout, qui connecte les territoires protégés.

Une ingénierie de territoire accompagnée de financements adéquats dans le cadre d’une territorialisation pilotée des régions permettra une mise en œuvre plus efficace.

De surcroît, le temps est venu de reconcevoir notre rapport à l’impôt. Ces dernières années, les gouvernements successifs ont voulu réduire l’impôt, vidé de son sens, déconnecté de sa finalité. Réhabilitons l’impôt, avec pour objet la protection de nos biens communs. Cette fiscalité à réinventer doit viser en priorité ceux qui altèrent nos biens communs pour mieux accompagner nos concitoyens les plus fragiles.

La nature est sous pression, elle est menacée. Ces pressions exercées par l’activité humaine (agriculture, industrie) se concentrent désormais essentiellement sur les espaces ouverts et sur les milieux aquatiques.

Cessons la stigmatisation du monde agricole. L’agriculteur aime son métier, il n’est pas par essence un destructeur de l’environnement, il contemple la nature chaque jour et il a conscience qu’elle est son gagne-pain, il est fier de nourrir la planète. Mais le modèle industriel et intensif est destructeur de biodiversité et d’environnement. Il faut redonner du sens à la production agricole, nous devons revaloriser l’engagement paysan et développer l’agroécologie qui doit redevenir le modèle pour nourrir sainement et préserver la planète.

Exigeons une agriculture de territoire, demandons clairement une réforme de la PAC qui lutte contre l’accroissement des fermes et l’accaparement des terres.

 

Biens de tous et pour tous

La raréfaction de l’eau, les coûts exponentiels des énergies, les pressions sur les matières premières angoissent nos peuples.

L’eau, l’énergie doivent être accessibles à tous, tout en menant parallèlement une politique de sobriété et de chasse au gaspillage. La puissance publique ne peut faire confiance au capitalisme ni pour réguler les prix ni pour en garantir l’accès équitablement à tous.

 

Un nouveau vivre ensemble

La reconquête de la gauche, passe par une lutte sans fin contre la fragmentation territoriale à laquelle nous faisons face. Notre discours ne peut s’adresser qu’à une frange de la population. Nous avons le sentiment aujourd’hui que la gauche a renoncé à une partie du peuple français. Elle a choisi les villes au détriment de la ruralité.

Notre pays affectionne la politique des « grands travaux », engager pleinement notre pays dans une écologie sociale et solidaire ; voilà une opportunité incroyable de la relancer :

  • Avec les Régions, nous relançons une grande politique d’investissement dans la mobilité des biens et des personnes. Nous en ferons un axe phare de la politique européenne. La solidarité nationale ne peut laisser les régions seules face à ce défi immense ;
  • Les métropoles devront créer des synergies pour étendre une politique de transport et de mobilité à l’attention des territoires ruraux voisins, sous forme ambitieuse et non homéopathique, l’extrême ruralité ne pourra être abandonnée, la cohérence et la mise en place à l’échelle locale de transports pour tous devra s’opérer sur tout le territoire ;
  • L’État français privilégiera le financement de la rénovation du bâti sur tout le territoire français. Aujourd’hui 3 millions de logements sont vacants à l’échelle du pays, soit 10 millions d’habitants à qui l’on pourrait proposer une solution d’hébergement. C’est sans compter les fermes à aménager, le patrimoine de l’Etat sous utilisé, les friches militaires à valoriser… Nous devrons intensifier l’encadrement de la destination des biens immobiliers (habitats, tourismes).

 

Le contrat plutôt que la contrainte

Le dernier volet de cette politique transversale et ambitieuse, doit être la confiance accordée aux populations locales, en France certes, mais aussi comme un message à l’International. Les espaces protégés les plus riches au monde, que l’Homme occidental à parfois mis sous cloche le sont grâce aux femmes et aux hommes qui ont contribué à leur richesse environnementale.

En Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, pour se racheter un droit à détruire, le capitalisme a créé des espaces où les autochtones ont été dépossédés de la terre qu’ils chérissaient. Si l’on veut que nos sociétés acceptent les changements qui vont s’imposer à elles, elles doivent en devenir les premiers relais. Toutes les opérations qui visent à associer les populations pour compter les espèces comme les travaux communs de rénovation d’espaces naturels sont d’immenses succès. En définissant un contrat d’objectifs partagés avec les populations locales, bien entendu sous contrôle et évaluation, on obtient des résultats tangibles.

 

La gauche c’est aussi la confiance dans le peuple, la confiance à l’intelligence collective et à la prise des consciences des enjeux.


Signataires :

Michaël Weber (CN titulaire), 1 er Secrétaire Fédéral de Moselle, Maire, Conseiller régional, Président de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France

Dominique Potier, député (54) – Cécile Untermaier, députée (71) – Florence Blatrix Contat, sénatrice,
première secrétaire fédérale de l’Ain (01) - Marie-José Amah, première secrétaire fédérale de
Meurthe et Moselle, conseillère départementale (54) – Nathalie Ambrosin, conseillère
départementale (57) - Maria Aprilante-Beaujon (57) - Naïma Badri (54) - Anne Cardinal, maire de
Langres (52) - Alain Cédelle, conseiller régional (52) – Delphine Chambonneau, première secrétaire
fédérale de l’Indre (36) – André Chapaveire, premier secrétaire fédéral de la Haute Loire (43) -
Marie-Claire Donnen, adjointe au maire, conseillère régionale (54) – Nicolas Dziezuk, responsable JS
(57) - Laurent Frottier (54) – Christine Fromaigeat, conseillère municipale (88) – Olivier Guckert,
premier secrétaire fédéral de Meuse, conseiller municipal de Commercy - Yoan Hadadi, président des
instances (57) – Marie-Michèle Hafner, conseillère municipale de Corny-sur-Moselle (57) - Marylène
Hofer, secrétaire de section Florange – Clément Hurlin (57) – Pascal Kieffer, trésorier section de
Florange (57) - Philippe Klein trésorier section de Marly (57) - Linda Ibiem, conseillère régionale (67)
- Jean-Louis Joseph, membre du Conseil Economique Social Environnemental, ancien élu (84) –
Nathalie Lanzi, première fédérale des Deux Sèvres, conseillère régionale (79) - Laurent Laroche,
maire de Belâbre (36) - Alexandre Laurent, conseiller municipal Montigny lès Metz (57) – Antoine
Lenhard, secrétaire de section Sarreguemines Bitche (57) - Damien Lerouge, premier secrétaire
fédéral des Ardennes (08) - Dominique Lévêque maire d’Aÿ-Champagne (51) – Laurent Maizières,
adjoint au maire de Doncourt les Conflans (54) - Sylvain Mathieu, premier secrétaire fédéral de la
Nièvre, conseiller régional (58) – Gilbert Maurer, ancien député (57) – Maurice Mamone (57) – Peggy
Mazzero, conseillère régionale (57) - Henri Octave, maire de Gandrange (57) - Michel Pardieu (54) -
Thibaud Pikorki, premier secrétaire fédéral de l’Isère (38) - Hervé Pritrsky, trésorier fédération de
Moselle (57) – Jean-Bernard Premont, (57) - Eric Quénard, premier secrétaire fédéral de la Marne,
conseiller régional (51) – Fernand Rénier, secrétaire fédéral (57) - Nicole Samour, première secrétaire
fédérale de la Haute Marne (52) - Marcello Rotolo, maire de Soultz, conseiller régional (68) – Patricia
Sallusti , secrétaire fédérale (57) - Thierry Sieffert maire de Ranrupt (67) – François Thime, premier
secrétaire fédéral de Haute Savoie (74) - Alain Steiner, section de Fameck (57) - Hervé Tillard, maire
de Chavigny, conseiller régional (54) – Stéphane Val, secrétaire de section Sarrebourg (57) – Elisabeth
Vieux, section de Metz (57) - Pierre Weick, adjoint au maire, secrétaire de section (38) - Pierrick
White, trésorier fédération de la Haute Marne (52).


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