Pour une Europe souveraine, plus juste et plus démocratique


Thème : Europe


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Alors que certains évoquent déjà l’idée d’une liste unique de la gauche pour les élections européennes de 2024 - ce qui n’a aucun intérêt politique dans le cadre d’un scrutin proportionnel -, l’urgence n’est pas aux alliances et à la tactique, mais bien au contenu programmatique et à la question idéologique : quel projet des socialistes et sociaux-démocrates pour l’Europe et les citoyens européens ? Ce n’est qu’une fois que cette question essentielle aura été débattue et tranchée entre nous que le sujet des alliances pourra être mis sur la table, pas avant. En gardant toujours à l’esprit que le présent et l’avenir du Parti socialiste se situe d’abord et avant tout au sein de la famille socialiste et sociale-démocrate, au sein du Parti socialiste européen qui vient d’adopter une résolution pour le changement en Europe dans le cadre de son Congrès de Berlin.

Dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Europe, l'UE s'est lancée dans une vaste consultation de ses citoyens. La remise de ses conclusions en mai 2022 doit désormais être suivie d’effets et marquer le début d'un processus de transformation qui aboutisse à des réformes significatives.

Nous souhaitons en premier lieu renforcer la souveraineté de l’UE afin qu’elle maîtrise son destin. Cela passe notamment par la constitution de forces armées communes, destinées à défendre le territoire de l’UE et à fournir une assistance en temps de crise (y compris en cas de catastrophe naturelle), par une évaluation des relations UE/OTAN dans le cadre d’un débat global sur l’autonomie stratégique et par le renforcement des capacités européennes de recherche dans certains domaines stratégiques comme l’alimentation, la défense, l’énergie, l’environnement, l’industrie, le numérique, la santé, les services financiers, la cybersécurité et le spatial.

Nous souhaitons aussi une Europe mieux respectée, qui garantisse le respect de ses valeurs et de l’État de droit. Parmi ses États membres et les pays candidats à l’adhésion d’abord : ainsi, nous faisons du respect des valeurs et principes consacrés dans les traités de l’Union et dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne des conditions non négociables et irréversibles au statut de membre et à l’adhésion. Dans ses relations avec les pays et organisations tiers ensuite : L’UE doit renforcer sa capacité à sanctionner les États, gouvernements, entités, groupes, organisations et personnes qui ne respectent pas ses principes, accords et lois fondamentaux, et veiller à ce que les sanctions qui existent soient mises en œuvre et appliquées.

Alors que les migrations liées aux conflits ou aux catastrophes climatiques explosent, l’UE doit être capable d’améliorer l’asile, la gestion et l’intégration des migrants. Cela passe d’abord par un renforcement du rôle de l’UE dans la prévention des migrations : afin de s’attaquer aux causes profondes (y compris le changement climatique), il est nécessaire de soutenir, au moyen d’accords de partenariat justes et équitables, le développement économique et social des pays situés en dehors de l’UE et à partir desquels il existe un afflux important de migrants. Il est aussi essentiel de renforcer les responsabilités, le rôle et la transparence de Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières disposant aujourd’hui d’un budget conséquent (460 M€) pour une efficacité relative et une action marquée par des abus au détriment des populations en détresse. Cela passe aussi par une réforme du régime d’asile européen sur la base des principes de solidarité et de partage équitable des responsabilités : il s’agit d’adopter des règles communes sur les procédures d’examen des demandes de protection dans les États membres, appliquées de manière uniforme à tous les demandeurs d’asile, de réviser le « système de Dublin » pour garantir la solidarité et le partage équitable des coûts et responsabilités (y compris la répartition des frais liés à l’asile) et de proposer la création d’une Agence Européenne de l’Asile disposant d’antennes dans chaque État membre qui examineront les demandes et garantiront aux demandeurs une application identique du droit d’asile quel que soit le territoire. Enfin, il convient d’améliorer les politiques d’intégration dans les États membres, en veillant notamment à ce que tous les demandeurs d’asile et réfugiés participent à des cours et activités de langue et d’intégration, ainsi qu’à des formations professionnelles, durant le temps d’examen de leur demande de résidence.

Nous voulons aussi une Europe plus juste, qui assure l’accès de tous les Européens aux mêmes droits et aux mêmes règles sur son territoire. Elle doit garantir un espace inclusif européen de l’éducation, avec l’adoption d’une norme minimale certifiée d’enseignement dans les matières essentielles dès l’école primaire, le soutien à l’enseignement obligatoire de la biodiversité dans les établissements scolaires, la validation et la reconnaissance mutuelle, dans tous les États membres, des diplômes et formations professionnels. Afin de parvenir à la réalisation de l’action coordonnée et à long terme nécessaire en matière sanitaire, nous proposons d’inclure la santé et les soins de santé parmi les compétences partagées entre l’Union et ses États membres (ce qui nécessite une modification préalable du Traité). Dans le but d’harmoniser et de coordonner les politiques fiscales au sein de l’Union, il convient aussi que les décisions en matière fiscale soient prises à la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’UE.

La mise en place de ces réformes ne sera pas possible sans une amélioration des processus décisionnels de l’UE et un renforcement de la démocratie européenne. La capacité d’action de l’UE est soumise à l’évolution préalable des règles de la prise de décision : nous proposons ainsi le vote à la majorité qualifiée pour toutes les décisions (sauf pour l’admission de nouveaux membres et la modification des droits fondamentaux inscrits dans le traité et la charte) et le développement des coopérations renforcées et des clauses de non-participation. Elle est aussi soumise à une vraie évolution démocratique pour l’Europe, qui passe par l’harmonisation des modalités des élections européennes (listes paneuropéennes ou transnationales), le renforcement des pouvoirs du Parlement européen (droit d’initiative législative et vote du budget) et la possibilité de convoquer, à l’initiative du Parlement européen, un référendum dans toute l’Union.

Ces propositions pour une Europe souveraine, plus juste et plus démocratique ne sont qu’une première étape. Il est aussi fondamental, pour le Parti socialiste et les sociaux-démocrates, de proposer aux Européens une orientation politique claire pour l’Europe : le débat sur l’évolution vers une Europe fédérale, capable de garantir les mêmes droits à tous les citoyens d’Europe, d’exercer une souveraineté politique de défense et de faire réellement entendre sa voix dans le concert des Nations, devra nécessairement être posé au sein du Parti socialiste, puis du Parti socialiste européen (PSE) et de la gauche européenne.


Signataires :

Sylvain Thialon, Secrétaire fédéral Europe et international, Conseiller fédéral, Secrétaire de section (78)


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