Thème : Urbanisme
Pour une juste répartition de l’espace public : inverser la hiérarchie des mobilités.
En France, les infrastructures dédiées aux véhicules motorisés occupent en moyenne 60 % de l’espace public urbain [INRETS]. Ce déséquilibre structurel dans l’espace public génère des inégalités majeures entre les différents modes de déplacement et leurs usagers. Héritée d’un modèle urbain centré sur la voiture individuelle, cette organisation spatiale contribue à la fragilisation de la cohésion sociale et à la dégradation de la santé publique
L’espace public reste ainsi largement façonné par et pour les véhicules motorisés, au détriment des mobilités légères et de l’adaptation au changement climatique. Cette approche restreint le développement d’aménagements sécurisés pour les autres mobilités, tout en limitant la place dédiée aux espaces végétalisés, pourtant essentiels. Elle altère également la qualité paysagère et l’esthétique urbaine, en dissimulant ou banalisant une partie du patrimoine culturel, architectural et historique de nos villes.
L’usage prédominant des véhicules motorisés, en particulier thermiques, a également des effets préoccupants sur la santé publique. Leurs émissions de gaz à effet de serre et de particules fines contribuent significativement au changement climatique et à la pollution de l’air, provoquant des troubles respiratoires et cardiovasculaires, responsables de près de 40 000 décès prématurés chaque année [Santé publique France]. À ces effets s’ajoutent les pollutions sonores, génératrices de stress, ainsi que la réduction de l’activité physique, impactant le bien-être mental et la santé générale de la population.
Face à ces enjeux, nous proposons d’inverser la hiérarchie des modes de déplacement dans la planification urbaine et les politiques de mobilités, en plaçant l’usager et la sobriété au cœur des priorités. Cette transition nécessite un plan national d’investissements massifs et ciblés dans des infrastructures durables, un accompagnement des populations et des collectivités territoriales, en mobilisant les leviers réglementaires, fiscaux et éducatifs.
1.Mettre le piéton au cœur d’un espace public inclusif :
- systématiser aménagement des trottoirs traversants et surélevés avec rampes, pour une sécurité et un confort plus grand, en particulier pour les personnes à mobilité réduite ;
- généraliser et étendre les aires piétonnes aux centres-villes, aux quartiers commerçants et aux abords des lieux de cultures et des établissements d’enseignement pour réaffirmer la vocation collective et sociale de l’espace public.
2.Réaffirmer le droit à la mobilité légère
- former les élèves à la sécurité routière et à l’usage du vélo dès l'école primaire et leur offrir un moyen de déplacement autonome, tel que le vélo, accompagné d’un kit de sécurité pour favoriser l’autonomie ;
- promouvoir l’usage des mobilités légères et aider le financement du premier achat de vélo, électrique ou mécanique, de 12,5 % à 75 % du prix d’achat en fonction des revenus ;
- planifier l'extension des réseaux cyclables sécurisées pour mailler le territoire national, en interconnectant les centres urbains d’une part et les nœud du réseau ferré d’autre part.
3.Structurer un système cohérent de transports collectifs
- instaurer un droit à la mobilité avec un ticket à 1€ par trajet et un abonnement à 30€ par mois pour les réseaux de transports public ;
- rendre obligatoire le forfait mobilités durables dans le secteur privé comme public ;
- développer l’intermodalité gratuite avec des wagons dédiés aux vélos, une signalisation en gare et un accès aux quais facilité, des supports vélos à l’arrière des bus et une prise en compte des itinéraires mixtes dans les logiciels de navigation ;
- planifier l’extension des réseaux ferrés et de bus pour désenclaver et assurer un maillage fin du territoire national, en interconnectant les centres urbains.
4.Accompagner la mutation de l’usage des véhicules motorisés
- systématiser l’accès gratuit au parking des gares en journée pour encourager le transfert modal ;
- développer les aires de covoiturage aux abords des centres-villes, des lieux de commerce, de culture et des gares, et les intégrer aux plateformes de mobilités.
Rééquilibrer l’espace public n’est pas un simple ajustement technique. C’est une réponse politique aux inégalités territoriales, sociales et environnementales. C’est une manière de réconcilier urbanité, solidarité et soutenabilité, en faisant de la mobilité un droit et non un privilège. Nous affirmons que l’espace public est un bien commun. Le refaçonner autour des mobilités piétonnes, légères et collectives, c’est réhabiliter le contrat social républicain, renforcer les services publics locaux et participer à un modèle de développement plus juste et plus sobre.
Contributeurs : Théo Roussel