POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES : PARTIE 1 : TRANSPARENCE & DEMOCRATIE

Contribution rédigée par Elisabeth Markovic et Emmanuel Fruchard, section de Paris 15e
.
Autres signataires : Jean-Claude Fiaud, François Véron, Laurent Perrin et Isabelle Roy (conseillère d’arrondissement, Paris 15e).

Cette contribution est scindée en deux parties :
1. Les enjeux de transparence et de démocratie
2. Le partage du pouvoir et les assemblées générales des actionnaires

En préambule, il convient de définir la « Gouvernance des Entreprises » pour ensuite dresser un état des lieux et apporter des propositions pour améliorer la représentativité des salariés dans les entreprises ainsi que leur participation à la prise de décisions.


• Le gouvernance définit l'ensemble des règles qui régissent le fonctionnement de l’entreprise, son mode d’administration et de gestion ainsi que la gouvernance au sens large par les dirigeants qui sont principalement nommés par les actionnaires, ou les instances extérieurs qui les gouvernent tels les syndicats d’employeurs ou de salariés dans les institutions de prévoyances, mutuelles ou groupes de protections sociale, ou les adhérents dans les associations régies par les dispositions de la loi 1901, ou encore les associations souscriptrices dont l’objet consiste à souscrire pour le compte de leurs adhérents des contrats d’assurance ou d’épargne retraite,
• La gouvernance implique de poser les règles de répartition des droits et des obligations des différentes instances qui gouvernent l’entreprise, ainsi que les procédures de prise de décision des différents organes de direction. Il s’agit des :
o Conseils d’administrations, Comités de Direction,
o Cadres dirigeants et salariés au sein de l'entreprise,
o Actionnaires, mais aussi les sociétaires, par exemple dans les Sociétés
d’Assurance Mutuelle (SAM), associés dans toutes formes de structures
juridiques, adhérents, représentants syndicaux (comme les Groupes de Protection
Sociale (GPS), IP Mutuelles), Etat actionnaire.
• la gouvernance pourrait intégrer les syndicats et les organes représentatifs du personnel, tels le comité social et économique (CSE) et les représentants du personnel dans les entreprises de petite taille.
• Cependant, développée à partir des années 1990 pour introduire une plus grande démocratie dans l'entreprise et contrer l'exercice solitaire du pouvoir par les dirigeants, son premier objectif consistait à améliorer la performance et la rentabilité des transactions en prenant des décisions de manière concertée, transparente et contrôlée par différents organes de la société.
• Les règles de gouvernance ne sont pas contenues dans des textes législatifs ou règlementaires, mais seulement dans des codes élaborés par les organes représentatifs des entreprises, le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) et l’association française des entreprises privées (AFEP).
• En outre, le fait de se référer à un code de gouvernance n’est à ce jour qu’une faculté, mentionnée à l'article L225-37 du Code de Commerce, pour les sociétés dont les titres financiers sont cotés. Cependant les sociétés ne s'y référant pas ont l'obligation d'expliquer pourquoi elles ne le font pas. Quand elles choisissent de se référer à un code, elles ont l'obligation d'expliquer pourquoi elles n'appliquent pas certaines recommandations. Il s'agit là de l'adaptation en droit français du principe anglo-saxon "comply or explain" (appliquer ou expliquer).
• Deux codes de gouvernance existent en France, rédigés par des organisations représentatives des entreprises :
o Le code « AFEP-MEDEF », élaboré par l’AFEP et par le MEDEF, majoritairement utilisé par les sociétés du CAC 40 ;
o Le code « Middlenext », élaboré par l’association du même nom. Ce dernier s'adresse plutôt aux entreprises cotées moyennes et petites et entend être adapté à leur taille, leur structure de capital et leur histoire.
• Le code « AFEP-MEDEF » a fait l'objet d'une révision publiée en juin 2013 et de nouvelles dispositions y ont été insérées : l'introduction d'une procédure de consultation sur la rémunération individuelle des dirigeants mandataires sociaux ("say on pay"), l'encadrement renforcé des éléments de la rémunération, la réduction du nombre de mandats pouvant être détenus par les dirigeants mandataires sociaux, ou enfin l'amélioration du contrôle de l'application du code.
• Le constat est clair, en dehors des sociétés coopératives de production (SCOP), les salariés quelle que soit la taille de l’entreprise, n’ont qu’une faible part dans la prise de décision et leur représentativité se trouve amoindrie par les récentes réformes.
• Ce constat est identique, qu’elle que soit la forme juridique de l’entreprise, que ce soit une société commerciale, une société civile (SAM, SCI, etc...), mais aussi une institution de prévoyance, une mutuelle ou une association loi 1901.

 

Etat des lieux : opacité et inégalité excessive du pouvoir en entreprise

Militant.e.s actif/ve.s de Paris, nous observons dans notre vie professionnelle des comportements et des prises de décision qui nous paraissent bien loin de l’idéal de responsabilité et d’efficacité présenté par les entreprises. Ils sont également en décalage avec les intérêts de l’entreprise et de ses salariés.
Au contraire, on assiste à une captation de fait du pouvoir par un nombre réduit de personnes et un entre soi des dirigeants des entreprises, trop souvent ignorants des intérêts de long terme de l’entreprise et de ses salariés. Cette contribution en deux parties co-rédigées présente un regard global sur la question et ébauche des propositions. 

 

Rémunérations des Mandataires Sociaux, des Dirigeants, et des Cadres Dirigeants

« Say on pay » : comment sont rémunérés les mandataires sociaux des sociétés cotées

Le mécanisme du « say on pay » a été introduit en droit français par la loi dite Sapin 2 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. Il s’agit d’une procédure de consultation des actionnaires sur la rémunération individuelle des dirigeants mandataires sociaux des sociétés cotées. La loi dite Pacte du 22 mai 2019 a habilité le gouvernement à créer par ordonnance « un dispositif unifié et contraignant encadrant la rémunération des dirigeants des sociétés cotées ». Ainsi, le gouvernement a réformé la procédure d’encadrement des rémunérations des dirigeants, par l’ordonnance du 27 novembre 2019 complétée par un décret du même jour,
En France, la rémunération des dirigeants et mandataires sociaux des sociétés anonymes cotées est encadrée par le régime juridique du « say on pay ».

Quelles sont les composantes des rémunérations concernées ?

Le régime juridique du « Say on Pay » concerne « les composantes fixes et variables de la rémunération » des dirigeants. Aucun élément de rémunération, de quelque nature que ce soit, ne pourra être déterminé, attribué ou versé par la société, ni aucun engagement
correspondant à des éléments de rémunération, indemnités ou avantages dus s’ils ne correspondent pas à la politique qui aura été votée par les actionnaires.

A qui s’applique la procédure de « say on pay » ?

Inscrit à l’article L. 22-10-8 du Code de commerce, la « politique de rémunération des mandataires sociaux », ce texte identifie la catégorie des dirigeants auxquels s’applique le régime du « say on pay » ;
Ce à l’ensemble des dirigeants des sociétés cotées :
• pour les sociétés anonymes (SA), sont concernés : le président, les membres du conseil d’administration ou de surveillance, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués, le président et autres membres du directoire et le directeur
général unique ;
• pour les sociétés en commandite par actions (SCA), sont concernés : les gérants, le président ainsi que les autres membres du conseil de surveillance. La procédure du « say on pay » est uniquement validée par les actionnaires en excluant tout organe représentatif des salariés.
Il en résulte que ce dispositif s’applique uniquement à une catégorie de dirigeants et seulement de sociétés à forme commerciale et cotée, en excluant tous les autres cadres dirigeants et cadres opérationnels percevant des rémunérations dépassant par exemple
un certain seuil (le seuil de 100 k€), et toute sociétés ou entreprises n’ayant pas la forme de SA ou de SCA et qui ne seraient pas cotées.
Autrement dit, ce dispositif n’apporte de la transparence que dans les plus grandes entreprises, et pas toutes.

 

Propositions

Transparence de tous les salaires (fixe + variable) au-dessus de « n » fois le SMIC

Proposition n°1 : élargir la procédure du « say on pay » à toutes les structures juridiques

Elargissement de la procédure du « say on pay » à l’ensemble des structures juridiques de toutes formes, quelle que soit la taille de l’entreprise.
• Extension du dispositif à l’ensemble des filiales, et participations si celles-ci dépassent 51% de détention en capital.
• Extension de la procédure du say on pay à l’ensemble des structures juridiques, de forme commerciale, civile, groupements de toutes natures, associations, institutions, mutuelles, GPS, et toutes entreprises quel que soit la forme (privée, publique, mixte, paritaire) quel que soit le nombre de salariés employés et leur statut, du moment que l’entreprise emploie de salariés.
• Extensions à toutes les formes de sociétés commerciales : SNC, SAS, SARL, GIE, etc...
• Extension à toutes les formes de sociétés civiles, par exemple SAM (sociétés d’assurance mutuelle), SGAM, SGAPS et SGA (holdings juridiques opérant dans le secteur assurantiel) et associations.
• Institutions de prévoyances, mutuelles, Groupes de Protection Sociale,
• Et à l’ensemble du secteur institutionnel.

Proposition n°2 : application de la transparence à tous les hauts revenus

Extension de la transparence à l’ensemble des salariés tels tous les directeurs, tradeurs, secrétaire général, mais aussi les prestataires externes ou manageurs de transition, qui perçoivent une rémunération supérieure à un seuil défini soit par la loi, soit par des accords collectifs ou d’entreprise. Par exemple, 10 fois le SMIC.
• Rendre obligatoire l’inscription de l’ensemble des hautes rémunérations dans un rapport annuel remis lors de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes et préalablement aux instances représentatives du personnel, CSE et
délégués du personnel.
• Appliquer cette transparence des hautes rémunérations à toutes les structures juridiques, comme ci-dessus pour le « say on pay ».

Proposition n°3 : fixer un plafond de rémunération

Fixer un plafond de rémunérations par accords collectifs ou d’entreprise négocié avec les instances syndicales au niveau de la branche ou les instances représentatives du personnel.

Rétablir la transparence des comptes de l’entreprise
Avec la loi Rebsamen, chaque année, il était prévu un examen annuel des comptes de l’Entreprise par le CSE ou l’organe représentatif des salariés. Toutefois, il ne s’agissait que d’une simple information, sans avis. Depuis 2015, l’examen annuel des comptes est
devenu une consultation avec un avis motivé du CSE.
Depuis les réformes Macron et l’abrogation du dispositif antérieur par Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise est désormais prévue à l’article L. 2323-12 du Code du travail.
Proposition : Rétablir le régime antérieur « consultation avec avis motive du CSE » ou des instances représentatives du personnel lorsque l’entreprise n’est pas dotée d’un CSE.


Transparence des dépenses de séminaires et autres évènements
Une dépense peut être légale mais son montant non justifié. Par exemple : Des honoraires des prestataires externes, dont le montant est légal mais dont le montant n’est pas obligatoirement justifié.


Proposition : rendre obligatoire la présentation au CSE ou à l’IRP d’un état des dépenses annuelles et fixer un plafond annuel à ne pas dépasser sauf justification motivée ;

• Pour cela, il convient dans l’intérêt de l’entreprise, et des salariés, de prévoir pour chaque exercice comptable un seuil des dépenses extraordinaires à ne pas dépasser ( ex : la mise en place de limites sur le nombre de voyages et les montants des séminaires organisés vers des destinations éloignées, le montant des repas et de tous frais).
• A cet effet, il convient de prévoir un plafond annuel des dépenses en accord avec les IRP dans l’objectif de ne pas léser le budget de l’entreprise.
• Prévoir chaque année à l’ordre du jour du CSE ou de toute réunion réunissant les IRP préalable à l’AG d’approbation des comptes de l’entreprise, un point sur les dépenses annuelles, hors frais de fonctionnement normal de l’entreprise.
• En cas de dépassement des seuils des dépenses, revoir les plafonds des dépenses avec le CSE ou les IRP, ou délégués du personnel, ou les limiter sur l’exercice comptable suivant, avec l’engagement de la/du DG et de toute instance habilitée à ne pas dépasser le seuil ; en cas de dépassements réitérés sur 2 exercices des dépenses non justifiées ou jugées excessives, le CSE pourrait engager une
procédure pour faute des Dirigeants si le budget de l’entreprise est lésé et porte atteinte aux salariés.

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