Thème : Logement
La politique du logement a été la grande oubliée de l’élection présidentielle et des élections législatives. A un moment où le pouvoir d’achat est la première préoccupation de nos concitoyens, le logement constitue la première dépense d’un foyer (28,5% des dépenses de consommation finale en 2021).
Si nous rajoutons la croissance des charges liées à l’énergie, le logement doit être une politique prioritaire pour tout gouvernement afin de contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat de nos concitoyens et les assurer de vivre dans des conditions dignes.
Encore faudrait-il que ces derniers puissent trouver un logement. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre alerte une fois de plus sur l’accroissement de la crise du logement en France ? 14,6 millions de personnes sont en situation de fragilité face au logement, soit 2,5 millions de personnes supplémentaires par rapport à 2021. C’est désormais un quart des français qui connaissent une situation de mal logement.
Alors que le budget de l’état n’a jamais aussi été élevé, plus de 17 milliards d’euros pour la politique du logement et de la ville, la situation n’a fait qu’empirer.
Le nombre de logements construits s’élève à environ 350 000 par an alors qu’il en faudrait 500000 par an pour répondre à la demande des familles en rupture, des familles monoparentales et des jeunes qui souhaitent décohabiter.
Le nombre d’agréments de logements sociaux peine à dépasser les 100000 logements par an alors qu’en 2016 plus de 150000 logements avaient reçu un agrément. De plus, le financement des aides à la pierre devra été précisé pour 2024 suite au désengagent progressif de l’état.
Quant à l’hébergement d’urgence, le nombre de nuitées d’hôtel a augmenté de 66% en comparant 2017 à 2022 soit 75000 nuitées.
La recherche constante d’économies sur les APL a été également un des marqueurs du quinquennat précédent avec une baisse de 2,5 milliards entre 2017 et 2022.
Enfin, l’évolution de la réglementation s’est traduite par un surcoût estimé à 30000 euros par logement selon la profession.
Enfin, le secteur du logement a toujours été un secteur de dynamisme des entreprises et pourvoyeur d’emplois locaux mais aussi un secteur qui doit être contrôlé pour faire respecter la réglementation du travail.
Nous le voyons, la politique du logement doit d’abord être un engagement fort de l’état, politique qui doit se différencier de ces cinq dernières années. Une vision à long terme doit permettre de fixer le cap pour tous les acteurs de la profession et mettre fin à une gestion par à coup symbolisées par une succession de réformettes.
Pour plus de logements en construction
Le parcours résidentiel pour nos concitoyens est aujourd’hui difficile voire impossible. Il manque des logements sociaux, des logements intermédiaires, des logements en accession, des résidences pour les plus démunis, pour les personnes âgées, pour les étudiants et ne parlons pas des migrants logés dans les hôtels.
IL est nécessaire de revoir les aides en supprimant la niche fiscale Pinel en la remplaçant par une baisse de la TVA. Le budget du Pinel s’élève à environ 2 milliards d’euros par an. Qui en bénéficie ? 11% des 38 millions de foyer dont le revenu fiscal est supérieur à 50 000 euros. ET surtout plus de la moitié se trouve dans le 10ème décile.
Quant à la TVA sur les logements, différents taux sont appliqués 5%, 10%, 20%. Le logement doit être considéré comme un bien de première nécessité et donc un taux de TVA faible ce qui permettra d’élargir le nombre d’acheteurs ou bien de diminuer le prix des loyers pour certains logements.
Pour plus de logements sociaux sur tout le territoire
La loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) du 13 décembre 2000 qui a été allégée sur le mandat du président Macron doit être pérennisée et négociée durement avec les maires ou les intercommunalités qui ne respectent pas la loi et refusent d’atteindre les 25% de logements sociaux. Ce sont la construction de 600000 logements sociaux que permettrait le respect de la loi SRU
Pour plus de logements sociaux accessibles
La relance de la construction de logements sociaux relève de l’urgence. Ce sont 2 ,2 millions de personnes en attente d’un logement social.
Une dynamique positive doit être enclenchée en permettant d’accéder à des terrains appartenant à l’État ou à des entreprises publiques dans les zones tendues par l’intermédiaire de foncières publiques afin de baisser le coût du foncier, augmenter les aides pour la transformation de friches tertiaires en logements sociaux, favoriser la maitrise d’ouvrage par les bailleurs sociaux.
La priorité du financement doit être de construire des logements sociaux dont les loyers sont les moins élevés et surtout construire des pensions de famille pour les plus démunis dans chacune des zones d’aménagement.
Pour un encadrement des prix des loyers
De nombreuses catégories sociales comme les employés, les ouvriers, les retraités, les personnes en recherche d’emploi, les jeunes actifs et même les classes moyennes ne peuvent plus se loger dans les métropoles et les centres urbains faute d’un loyer trop élevé compte tenu de la crise du logement. L’encadrement des prix des loyers qui permet d’avoir un loyer de référence majoré à ne pas dépasser doit être généralisé dans toutes les zones tendues en allégeant la procédure administrative.
Pour un grand plan de rénovation thermique des logements
12 millions de personnes vivent aujourd’hui dans la précarité énergétique. Le dispositif «MaPrimeRenov’» dont le budget est estimé à 2 milliards d’euros, est considérablement détourné en raison d’un mauvais fléchage des attributions. Ce budget est insuffisant pour répondre à l’urgence énergétique. Ce sont 10 milliards par an qui devraient être consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments pour réduire rapidement l’augmentation des charges énergétiques et en même temps limiter l’impact carbone. Mais cette rénovation ne doit pas se faire au détriment des locataires en leur demandant comme font certains bailleurs de partager les coûts en mettant une 3ème ligne de quittance. Ce plan de rénovation énergétique doit être tout aussi social qu’écologique.
Pour une politique du peuplement par les revenus
La France s’archipelise pour reprendre les termes de Jérôme Fourquet. Mais plus grave, les villes s’archipelisent avec des quartiers de plus en plus riches par phénomène de gentrification et les quartiers politiques de la ville ou les villes rurales se paupérisent signe d’un déclassement.
En effet, dans ces quartiers, les ménages arrivants ont bien souvent un revenu inférieur aux ménages sortants. Ainsi, progressivement, les écoles, les collèges, les lycées ne connaissent plus de mixité sociale nécessaire à l’ascenseur républicain.
Si la loi SRU permet d’envisager une mixité sociale par l’aménagement il lui faut également associer une politique d’attribution des logements par les revenus. C’est aussi vrai pour des villes où le nombre de logements sociaux est bien supérieur aux 25%. Une loi devrait, en fonction des critères d’un quartier ou d’une ville, revoir les conditions de réservation des logements sociaux pour favoriser la mixité sociale.
Pour limiter le nombre de normes
Chaque année, le législateur explique qu’il faut diminuer le nombre de normes tout en créant de nouvelles normes. Le logement ne fait pas exception (réglementation thermique, acoustique, accessibilité, règles de construction...). Ces normes sont nécessaire mais leur multiplication ne permet pas d’aborder les surcoûts qui se reportent sur les propriétaires ou les locataires. Toutefois, ces règles ne prennent que partiellement la vie au sein du logement comme l’exposition des bâtiments, les appartements traversants, la taille minimum des pièces, les balcons à vivre...
Une simplification des règles de construction et des normes est urgente pour diminuer les coûts et relancer la construction de logements tout en répondant aux aspirations des locataires et des propriétaires.
En conclusion, le logement n’est pas seulement un toit à vivre c’est aussi un toit pour vivre pour tous, un parcours résidentiel est nécessaire et possible, la mixité sociale favorisant un bien-être social et culturel.
Signataires :
Jean-Paul Jeandon, Maire de Cergy, Président de la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise Président du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) Membre titulaire du Conseil national