Thème : Immigration
La crise dite des réfugiés que traverse la France, l’Union européenne et le monde fracture nos sociétés. Alors que des milliers d’êtres humains fuyant les conflits et les répressions se noient à nos frontières ou s’entassent derrière des barbelés, l’aide qu’on leur apporte – ou pas – interpelle nos valeurs et définit dans quel type de société nous souhaitons vivre. Les murs que nous construisons à nos frontières nous enferment dans nos peurs et la négation de l’Autre. Pourtant, une politique d’accueil, conforme au droit international et respectueuse de la dignité humaine, est possible sans pour autant laisser libre cours au laxisme et à la submersion que d’aucuns prédisent. Il s’agit d’organiser, de contrôler, de coordonner l’accueil des réfugiés au sein de l’Union européenne. Il convient par ailleurs de distinguer les réfugiés qui dépendent des conventions de Genève et pour lesquels l’asile est une obligation pour la France, reconnue par le droit international, européen et national, des migrants économiques dont la présence ne peut être examinée qu’en fonction de la situation individuelle des personnes concernées et du contexte économique, social et politique du pays hôte. Il importe alors de leur donner une réponse rapide en mettant en œuvre des solutions de retour adaptées en coopération avec les pays d’origine si nécessaire. Un troisième groupe concerne des étrangers depuis longtemps sur notre sol, notamment des familles, qui ont fait la preuve de leur volonté d’intégration et qui, ne pouvant être renvoyés, doivent bénéficier d’une régularisation de leur situation gage d’une véritable insertion.
« Quiconque a le malheur d’immigrer une fois - une seule ! - restera toujours métèque toute sa vie, et étranger partout, même dans son pays d’origine. C’est notre malédiction à nous, immigrants » Pan Bouyoucas
DONNER À L’AFFLUX DE MIGRANTS DES RÉPONSES INSTITUTIONNELLES AU NIVEAU INTERNATIONAL
Les migrations représentent le défi de demain. Au-delà des guerres et conflits, notamment en Ukraine ou au Moyen-Orient, s’annoncent des flux migratoires très importants, notamment en provenance de l’Afrique et dont les prémices s’observent en mer Méditerranée sans que l’Europe en ait pris la mesure. Réfugiés éligibles au droit d’asile (Érythréens, Soudanais, Éthiopiens) mais aussi réfugiés économiques et, de plus en plus, réfugiés environnementaux.
Ainsi, l’ONU et l’Union européenne vont devoir prendre des mesures à l’échelle mondiale pour enrayer une tragédie prévisible. Il convient de passer du chaos de la situation d’urgence à un cadre structuré de réponses institutionnelles :
∙ Faire de la question des migrations une priorité de l’ONU sous l’autorité d’Antonio Guterres, ancien Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés
∙ Actualiser les conventions de Genève et le droit d’asile pour, au-delà des persécutions politiques, tenir compte des conflits, des risques dus aux "entrepreneurs de violence", des États faillis... ∙ Reconnaître dans les conventions internationales le statut de réfugié environnemental en s’appuyant sur l’ONU pour proposer un protocole additionnel
∙ Proposer une gouvernance mondiale tripartite des migrations avec les États, les organisations internationales et des représentants des acteurs associatifs
∙ Mettre en œuvre un co-développement équilibré avec les pays du Sud (financement de microentreprises, de coopératives villageoises, révision des accords commerciaux inéquitables) ∙ Combattre les inégalités entre pays et à l’intérieur de ceux-ci (les 1 % dans le monde entier) alors
que la « globalisation » du monde facilite les formes de vie nomade, celle des migrants mais aussi des entreprises et du business inéquitable
∙ Coordonner un effort financier international qui soit à la mesure des besoins exprimés par le HCR pour ses actions d’urgence et d’appui aux pays d’accueil, tout en permettant une gestion des flux ordonnée et légitime
∙ Établir une politique coordonnée en matière de lutte contre les filières criminelles de migration à l’encontre des passeurs qui entretiennent un véritable trafic d’esclaves
DONNER L’ÉLAN À UNE GESTION EUROPÉENNE DES MIGRATIONS
L’urgence humanitaire demeure cruciale. Certes, on a compté 250 000 migrants de moins en 2020 qu’en 2021 mais plus d’un million d’entre eux ont frappé aux portes de l’Union européenne, sans compter les 5 000 décédés en Méditerranée. La guerre en Ukraine va probablement faire exploser ces chiffres en 2022. Par contre, Le programme de relocalisation dans les pays de l’Union de 160 000 réfugiés, toujours en attente en Italie et en Grèce, programme pourtant bien modeste comparé aux 500 millions d’Européens, ne parvient qu’à en répartir qu’un peu plus de 5000 par an. Comment s’étonner dans ces conditions que le fascisme fasse son retour en Italie avec un profond ressentiment d’abandon des italiens par les autres états européens…
Au rythme actuel de prise en charge des réfugiés par l’Europe, il faudrait dix-huit ans pour accueillir notre tout petit quota des réfugiés qui frappent à nos portes.
Pourtant, selon l’ONU, les dix pays du monde qui perdront le plus de population d’ici 2050 sont tous situés en Europe. Sans immigration, la population européenne diminuera de plus de cent millions de personnes d’ici 2080.
L’OCDE insiste sur l’aspect positif pour la croissance, constaté en Allemagne, des migrants qui, pour la plupart sont qualifiés, et « contribuent davantage en impôts et prestations sociales qu’ils ne reçoivent de prestations ».
∙ Mettre en œuvre une politique étrangère commune par la promotion active d’initiatives visant à changer la donne au Moyen-Orient et saisir l’occasion pour faire de l’Union européenne un pôle de puissance à la hauteur de la conjoncture internationale actuelle
∙ Respecter les conventions de Genève et le droit d’asile comme une obligation juridique et pas seulement morale
∙ Appliquer le pacte d’immigration et d’asile au lieu de renvoyer aux frontières extérieures nos problèmes et surtout des centaines de milliers d’êtres humains, hommes, femmes et enfants ∙ Dénoncer l’accord entre la Turquie et l’Union européenne qui prend en otage des dizaines de milliers de réfugiés au mépris des conventions de Genève
∙ Refuser tout accord de ce type avec des dictatures comme le Soudan, l’Érythrée, l’Éthiopie ou des pays en guerre comme la Libye afin de « juguler l’arrivée des migrants ». La proposition discutée lors du sommet de Malte du 3 février 2017 concernant la Libye, pays qui n’a même pas d’État constitué ni de statut de « pays tiers sûr » et où les migrants subissent les pires exactions et trafics d’êtres humains, doit être vivement combattue. De même, le bénéfice du Fonds fiduciaire/Facilité
(248 millions d’euros pour alimenter dix projets ciblant les régions d’origine des migrants) ne peut être octroyé qu’en fonction du respect du droit humanitaire
∙ Dénoncer des politiques policières et répressives et des conditions d’accueil inhumaines et indignes dans certains camps de réfugiés et de transit
∙ Réviser l’architecture institutionnelle européenne en intégrant la dimension régionale de voisinage avec les pays d’Afrique et du Moyen-Orient et en ciblant les pays destinataires de l’aide en fonction du nombre de migrants dits « irréguliers » qu’ils émettent, et non en fonction de leurs besoins et de leur potentiel supposé à juguler les migrations vers l’Europe
∙ Harmoniser les règles et critères du droit d’asile dans les pays membres de l’Union européenne et définir en commun une liste de pays dits « sûrs » sur la base des Conventions de Genève ∙ Aménager des filières légales d’accueil proportionnées aux besoins avec un effort partagé, juste et équitable, entre les pays de l’UE, en supprimant en particulier le règlement dit de Dublin. Délivrer dans les consulats et ambassades de l’UE installées dans les pays de départ et de transit des visas humanitaires. Sécuriser les voies d’exil et d’émigration
∙ Supprimer les visas pour les personnes en provenance de pays en guerre
∙ Faciliter de façon proactive le regroupement familial, y compris pour les membres de familles élargies bénéficiant déjà d’une forme de protection en Europe
Premier signataire :
Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique