Thème : République
POUR UNE REPUBLIQUE DES TERRITOIRES
Par Christophe RAMOND
Les collectivités territoriales sont les piliers du service public de proximité. Chaque jour, elles répondent aux urgences sociales, économiques et environnementales. Région, Département, et le bloc communal : elles assurent la solidarité, le développement économique et la transition écologique. La décentralisation n’est pas une contrainte, c’est une nécessité pour agir efficacement.
Mais aujourd’hui, une recentralisation insidieuse affaiblit leur capacité d’action. Moins de marges de manœuvre, des financements sous contrôle de Bercy, des compétences transférées sans moyens : c’est l’étranglement organisé des territoires. Et quand l’État se retire, ce sont les citoyens qui en paient le prix. Cette situation nourrit frustrations et désillusions, et laisse le champ libre aux extrêmes, notamment au Rassemblement National.
UN GOUFFRE SE CREUSE ENTRE PARIS ET LES TERRITOIRES
Le sentiment de déclassement augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne d’un centre urbain.
Le vote en faveur du RN suit la même trajectoire.
La France des villes moyennes, des bourgs et des campagnes lutte pour maintenir son attractivité et ses services essentiels. Tous les citoyens paient les mêmes impôts, mais tous n’ont pas accès aux mêmes services. La santé, les transports, la culture : autant de secteurs où l’État se désengage progressivement des zones rurales et périurbaines.
La logique actuelle pousse à la métropolisation, comme si l’avenir ne pouvait se jouer qu’en ville. Mais nous ne pouvons pas tous aller vivre dans les grandes agglomérations.
La ruralité demeure une richesse, une force pour notre nation et un mode de vie auquel des millions de Français sont attachés. Mais pour qu’elle vive, elle a besoin d’infrastructures, d’emplois, de services publics. L’Etat ne répond plus présent et le fossé se creuse entre la ville et les champs. Les collectivités locales sont le dernier rempart pour redonner un espoir à nos concitoyens et lutter contre les extrêmes.
Il est urgent de renforcer la décentralisation et de faire confiance aux élus locaux afin de proposer des solutions concrètes à nos concitoyens et de les réconcilier avec l’action publique. ll faut une politique d’aménagement du territoire équilibrée, qui prenne en compte les besoins des territoires ruraux et intermédiaires.
DES COLLECTIVITES QUI AGISSENT LA OU L’ETAT SE DESENGAGE
Malgré une dette publique dépassant les 3 000 milliards d’euros, l’Etat persiste à vouloir tout contrôler, en multipliant les plans, les dispositifs et les normes, sans jamais apporter de solutions durables.
La réalité est là : l’État est à bout de souffle. Surendetté, incapable de se réformer, enfermé dans une bureaucratie toujours plus lourde et coûteuse, il s’épuise à empiler des décisions prises loin des réalités du terrain. Trop de centralisme, trop de lourdeurs administratives. Pendant ce temps, les problèmes concrets restent sans réponse.
Face à cet immobilisme, ce sont les collectivités qui agissent, innovent et trouvent des solutions adaptées aux besoins des citoyens. Mais elles doivent le faire avec des marges de manœuvre toujours plus réduites.
Il est temps d’inverser la logique.
Plutôt que de vouloir tout piloter depuis Paris, faisons preuve de bon sens : recentrons l’État sur ses missions régaliennes et donnons aux collectivités les moyens de mener les politiques locales !
Elles ont prouvé qu’elles étaient plus efficaces, plus réactives, plus proches des citoyens. Loin de la gabegie budgétaire de l’État, elles savent équilibrer leurs comptes, investir intelligemment et répondre aux attentes des habitants.
Qu’il s’agisse de solidarité, d’accès aux soins, de développement économique et durable, d’agriculture, de logement ou encore de jeunesse et de culture, les Régions, Départements et Communes sont en première ligne. Elles font plus que pallier les carences de l’État : elles façonnent l’avenir des territoires, avec pragmatisme et efficacité.
Partout en France, des politiques locales audacieuses et volontaristes portent leurs fruits. Ce sont elles qui assurent le service public de proximité, qui améliorent le quotidien et qui répondent aux attentes concrètes de nos concitoyens.
Pour renforcer les solidarités
Malgré des ressources contraintes, un désengagement financier de l’Etat toujours plus prononcé, le Département représente le meilleur échelon pour faire vivre la solidarité et trouver des solutions adaptées à chacun. Il faudra veiller à la juste compensation de ses compétences pour :
- L’accompagnement des personnes âgées et en situation de handicap (APA, PCH), malgré un reste à charge de plus en plus lourd, le Département trouve la meilleure solution en fonction des besoins des personnes pour le maintien à domicile, le développement de l’habitat partagé ou inclusif, le soutien aux aidants, la modernisation des Ehpad...
- La protection de l’enfance, avec des dispositifs d’accueil et de soutien pour les mineurs en danger.
- L’insertion et l’emploi, malgré un RSA dont la compensation par l’État est insuffisante.
Pour lutter contre les déserts médicaux
Là où l’État abandonne, les collectivités innovent. Elles mettent les moyens où ils sont nécessaires pour garantir un accès égal aux soins à tous nos concitoyens :
- En Occitanie, le GIP Ma Santé Ma Région, lancé en partenariat avec des Départements, et des communes, démontre qu’une coopération locale forte permet d’apporter des solutions concrètes : maisons de santé, soutien aux médecins généralistes, téléconsultation.
- Financement de bourses pour les étudiants en médecine en échange d’un engagement à exercer sur le territoire.
Pour assurer l’égalité des chances
Les collectivités territoriales sont en première ligne pour :
- faire vivre la mixité sociale en dessinant les cartes scolaires
- moderniser et entretenir tous les établissements scolaires
- mettre des moyens adaptés aux évolutions de la technologie
- proposer des repas de qualité à tous avec des repas à partir de 1€ pour les plus modestes et une tarification progressive en fonction des revenus des familles
- assurer la gratuité des manuels scolaires et la mise à disposition d’un ordinateur portable inspiré du Pass Jeune en Occitanie
- permettre la généralisation d’un chéquier collégien inspiré de celui du Tarn
Pour faire rimer développement économique et transition écologique
Parce que toute la population ne peut pas aller vivre dans les métropoles, les collectivités investissent pour améliorer le cadre de vie et l’attractivité de leurs territoires. Par des investissements ciblés, en évitant de creuser le déficit de notre pays, elles dynamisent l’activité économique et l’emploi, et permettent par de multiples actions la bifurcation écologique.
Pour lutter contre la fracture numérique
Les collectivités sont les mieux à même de lutter contre la fracture numérique et de permettre le raccordement de tous les habitants.
Pour une agriculture de qualité
Nos agriculteurs méritent plus que des selfies au Salon de l’Agriculture, ils ont besoin d’un soutien concret tout au long de l’année. Les collectivités sont en première ligne pour :
- renforcer les filières de qualité
- développer les circuits courts et assurer la juste rémunération des agriculteurs
- agir en urgence face aux aléas sanitaires et climatiques
Ces actions dans le cadre de la décentralisation démontre la nécessité de s’appuyer sur les collectivités locales pour réformer l’action publique. Nous allons donc rétablir les conditions de la confiance entre l’Etat dépositaire des valeurs de la République et les collectivités locales, acteurs indispensables aujourd’hui de la vitalité des territoires et du lien social.
POUR TRANSFERER DE NOUVELLES COMPETENCES
La question n’est plus de savoir si l’État doit lâcher prise, mais quand et comment il le fera. Parce que les territoires, eux, n’attendent plus !
Transférer de nouvelles compétences aux collectivité avec les moyens financiers pour plus d’efficacité
L’échelon national n’a plus de légitimité sur certains sujets. L’État centralisé est devenu un frein à l’action publique efficace. Trop souvent, il ralentit plutôt qu’il n’accompagne. Pourquoi maintenir un échelon national inefficace là où les territoires sont plus compétents et plus réactifs ?
Proposons de nouveaux transferts du national vers le local : en matière d’enseignement supérieur aux Régions, et de renforcement des compétences des collectivités dans les domaines du développement durable, de l’économie et de la santé avec la suppression des Agences régionales de santé (ARS).
Un exemple concret avec la politique du logement : le logement demeure le premier poste de dépense de nos concitoyens. En 2025, le ministère du Logement dispose de 23 milliards d’euros. Transférons cette ressource à l’échelon local. Cela représenterait à titre d’exemple 230 millions d’euros par Département pour créer de l’habitat social, rénover nos bourgs centres, et lutter efficacement contre les passoires thermiques.
POUR UNE AUTONOMIE FINANCIERE ET FISCALE DES COLLECTIVITES
L’État se défausse sur les collectivités sans leur donner les moyens d’assumer les compétences qu’il leur transfère. Il impose des charges toujours plus lourdes tout en réduisant les compensations. Les collectivités doivent faire toujours plus avec toujours moins, alors que les besoins ne cessent d’augmenter.
Nous proposons de refonder une fiscalité locale et retrouver ainsi une cohérence entre le projet de développement porté par les collectivités et la ressource qu’elles en retirent, tout en tenant compte au travers de dispositifs de péréquation de l’inégale répartition des assiettes fiscales. Il s’agit aussi de redonner du sens à la démocratie locale et à la responsabilisation des exécutifs locaux.
Nous proposons 4 solutions simples :
- La reconnaissance d’une autonomie fiscale pour chaque échelon de collectivités territoriales en proposant le vote d’un taux. Une contribution résidentielle s ’adressant à tous les contribuables résidant sur un même territoire et destinée à participer au financement des services locaux pourrait être envisagé. Il ne s’agirait pas pour autant de créer une charge fiscale supplémentaire. Cette Contribution Résidentielle serait neutre pour les finances de l’Etat. Pour le contribuable, elle reposerait sur une assiette mixte : les valeurs locatives pour leur ancrage territorial et l’impôt sur le revenu pour tenir compte de leur capacité contributive. Pour assurer la neutralité des prélèvements sur le contribuable, la nouvelle Contribution Résidentielle serait déductible de leur impôt sur le revenu (IRPP) et nulle pour les ménages non imposables. Pour le budget de l’État, la perte de l’IRPP serait compensée par la baisse des dotations de compensation qu’il verse aux collectivités locales. La seconde année un pouvoir de taux serait donnée aux collectivités locales.
- Une réforme des dotations de l’Etat afin de renforcer la péréquation, c’est-à-dire mieux tenir compte des disparités de richesse entre les collectivités et les territoires. La Cour des comptes estime que la DGF dotation globale de fonctionnement qui comprend 18 composantes ne peut pas faire disparaitre les inégalités entre collectivités. Nous proposerons donc un systéme plus simple plus juste et plus prévisible. A titre d’exemple, les Départements devraient bénéficier d’une fraction de la CSG afin d’assurer leur mission de solidarité (1 point de CSG représente 12 milliards d’euros)
- Aucun transfert de nouvelles compétences sans moyens financiers. La compensation des transferts de compétences devra être intégrale. Les charges financières qui en résulteront, continuant à progresser inexorablement, devront être également compensées par l'État. Ce n’est pas le cas actuellement : par exemple les Départements subissent une augmentation inexorable du nombre de bénéficiaires de l’APA (allocation personne âgée) sans qu’aucune compensation ne soit prévue.
- L’indexation des dotations de l’Etat sur l’inflation
Conclusion : redonner du pouvoir aux territoires, c’est redonner de l’espoir aux citoyens
Ce n’est pas à Paris de décider comment on vit dans nos Régions, nos Départements et nos communes.
Depuis les lois Deferre de 1982, les collectivités ont montré qu’elles étaient capables d’innover. Il faut leur faire confiance et les laisser agir en renforçant leur action ! Elles ont besoin pour cela d’un cadre rénové, d’une autonomie réelle et de moyens financiers garantis.
Contributeur.ices :
Christophe RAMOND
Laurent VANDENDRIESSCH, Vice-président du Conseil départemental du Tarn et président du groupe de la majorité ; Elisabeth CLAVERIE, Vice- présidente du Conseil départemental du Tarn ; Eva GERAUD, Vice-présidente du Conseil départemental du Tarn ; Guy MALATERRE, Vice-président du Conseil départemental du Tarn ; Florence BELOU, Vice-présidente du Conseil départemental du Tarn ; Etienne MOULIN, Conseillers départemental du Tarn ; Margot LAPEYRE, Conseillère départementale du Tarn ; André FABRE, Conseiller départemental du Tarn ; Claire FITA, députée européenne ; André VEGA ; Rolande AZAM ; Fabrice CABRAL, maire d’Aussillon ; Stéphane POUGET, conseil municipal de Cadalen ; Jean-Pierre VERDIER, Conseiller municipal de Monestiés ; Alexandre MEYER ; Christine GORGUES-ROIG, Conseillère municipale de Sainte-Croix ; Daniel ROIG ; Jacques NAVAS ; Christine RACOUR ; Alain MAURETTE ; Jean Luc SUAREZ ; Maryse BERTRAND ; Jean Marc PASTOR, sénateur honoraire ; Paulette DURIGNON ; Rémi MASSIE, Conseiller régional d’Occitanie ; Bernard CAMBON ; Philippe MERCIER ; Max CHAIZE ; Arnaud CABROL ; Céline CAMMAS ; Jean-Marc BALARAN, maire de Sainte-Croix ; Nathanaël SUAUD ;