Pour une stratégie de l'Union européenne en faveur de logements de qualité, abordables et respectueux du climat


Thème : Europe


Plus de 80 millions de personnes sont confrontées au sein de l’Union européenne à une pénurie de logements de qualité et économes en énergie. Les multiples crises induites par la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine viennent alimenter une crise économique et sociale alors même que le changement climatique s’accélère. Nous, militantes et militants socialistes français et européens rappelons que le logement social abordable constitue un besoin humain essentiel et un droit de l’homme élémentaire à protéger. Il est également un enjeu fondamental de la transition écologique et sociale réclamé par les sociaux-démocrates en Europe.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 17,1% des Européen.ne.s vivent dans des logements surpeuplés et 10,3% des citoyen.ne.s consacrent plus de 40% de leurs revenus au paiement du loyer. Le déficit d’investissement dans le logement est estimé à au moins 57 milliards d’euros par an. En outre, 47% des jeunes Européen.ne.s âgé.e.s de 18 à 34 ans sont contraint.e.s de continuer à vivre chez leurs parents. Des milliers d’étudiant.e.s et de jeunes sont inscrit.e.s sur les listes d’attente des bailleurs sociaux. Chaque nuit, au sein de l’UE, au moins 700 000 personnes sans domicile dorment à l'extérieur ou dans des logements d’urgence.

L’impact des épaves thermiques sur le climat est évident. Le logement est responsable de 36% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union et de 40% de sa consommation énergétique.

Dans le même temps, la proportion globale de logements publics et sociaux recule. C’est inacceptable !

Il faut donc réagir et agir ici et maintenant. Nous, militantes et militants socialistes français et européens, considérons que l’UE doit prendre des mesures décisives pour concrétiser le droit au logement opposable pour tous. Nous rappelons le rôle indispensable que jouent les collectivités locales et régionales pour mettre en œuvre les stratégies européennes et nationales et les adapter aux réalités du terrain, en partenariat avec les bailleurs de logements sociaux et avec les propriétaires privés responsables. En effet, il n’existe pas de réponse universelle à la question du logement en Europe : la subsidiarité est capitale pour assurer une transition vers un habitat abordable, durable et social au sein d’une société qui a dépassé l’ère du carbone.

Comme le soutient la campagne menée par le Groupe PSE du Comité européen des Régions, nous pensons que « Le logement est la solution », « Housing is the key ».

Nous n’acceptons pas que les salaires et le fruit d’une vie de travail soient dévorés par la spéculation immobilière qui traite le logement comme une marchandise soumise à la loi du marché. Alors que les pouvoirs publics actuels se concentrent trop souvent sur les incitations aux promoteurs privés et que les objectifs fixés en matière de construction de logements sociaux ne sont jamais atteints, nous devons rappeler qu'investir dans le logement signifie investir dans la création d’emplois. Le secteur de la construction, qui représente 9% du PIB européen, pourrait créer 4 millions de nouveaux emplois pour des investissements correspondant à 300 milliards d’euros. La question du logement abordable a donc une dimension européenne ne serait-ce qu'en termes de volume macroéconomique et de politique d'investissement.

Mais ce n'est pas tout. Le Commissaire européen socialiste en charge des questions sociales, Nicolas Schmit, a mis sur pied, en 2021, une plateforme européenne de lutte contre le sans-abrisme. L'Europe a aussi un impact important sur le logement non seulement avec la législation européenne sur l'efficacité énergétique dans les bâtiments, les règles en matière d'aides d'Etat ou les règles comptables européennes qui freinent l'investissement public, mais aussi avec les effets collatéraux de la régulation européenne des plateformes électroniques sur le logement.

Sur ce dernier point, le déficit de régulation européenne jusqu'à présent est criant. Nous attendons donc avec impatience la proposition de la Commission, en novembre 2022, qui devrait réguler le marché des locations de court-terme. Elle devrait permettre de mettre un terme à la jurisprudence de la Cour de Justice de l'UE qui considérait jusqu'à présent AirBnB comme un simple service électronique et non comme un acteur clef du secteur du logement (arrêt du 19 décembre 2019). Nous, militantes et militants socialistes français et européens, devons maintenant veiller à ce que le gouvernement français ne tente pas, comme il le fait avec la législation européenne sur les travailleurs des plateformes, de brider les ambitions de l'Union dans ce domaine.

Enfin, l'ambition du Green Deal, couplé au plan de relance et au budget de la politique de cohésion, initié par le Vice-Président socialiste de la Commission européenne, Frans Timmermans, et le fait que le logement soit devenu, avec la crise énergétique, dans la plupart des pays européens, un des principaux enjeux sociaux mais aussi économiques et climatiques, imposent à l'Union européenne de changer de braquet et de faire du logement une vraie priorité. Le motif de l'absence de compétence explicite de l'Union européenne en matière de logement dans les traités européens ne doit pas être un frein à l'ambition européenne en matière de logement.

Nous, militantes et militants socialistes français et européens, proposons donc de mettre en œuvre des changements profonds pour rendre réel et tangible l'accès à un logement décent et abordable pour toutes et tous. Les douze recommandations suivantes doivent être intégrées dans le Manifesto du Parti socialiste européen en vue des élections européennes de mai 2024 :

1. intensifier les investissements publics en faveur du logement en incluant, dans le Semestre européen et les programmes nationaux de réforme, un objectif quantitatif d’investissement public national en faveur du logement social et abordable dans tous les États membres de l’UE, et en prévoyant des sanctions financières si ce chiffre n’est pas atteint;

2. inciter les États membres et les régions, lorsqu’ils allouent les Fonds structurels et d’investissement européens (y compris le Fonds pour une transition juste) et qu’ils élaborent les plans de relance nationaux, à permettre l'accessibilité matérielle et financière au foncier indispensable à la construction de nouveaux logements, à donner la priorité à la lutte contre la précarité de l’habitat, au développement du logement destiné aux jeunes ménages et aux étudiants, et à l’investissement dans de nouveaux logements sociaux et abordables;

3. reconnaître le logement social et abordable comme un service d’intérêt économique général (SIEG) global et pas uniquement destiné aux citoyens défavorisés, afin de le soustraire à la concurrence spéculative et d’abolir la définition étroite des bénéficiaires des SIEG qui conditionne l’accès au logement social;

4. faciliter l’accès au financement en intégrant le logement social et abordable dans une nouvelle taxonomie sociale de l’Union et en fournissant des informations sur les investissements privés dont peut bénéficier le secteur;

5. mettre en œuvre le principe 19 du Socle européen des droits sociaux en faisant respecter le droit qu’ont toutes les citoyennes et tous les citoyens européens d’accéder à un logement social et abordable ou à une aide au logement de qualité;

6. établir un cadre européen pour réguler l’effet des plateformes numériques sur le marché du logement;

7. définir, avec les villes et les régions européennes, un cadre commun pour les systèmes locaux destinés à encadrer les loyers et à les stabiliser;

8. lutter au niveau de l’UE contre la spéculation et le blanchiment d’argent qui ont cours sur le marché du logement, en instaurant un registre de la transparence immobilière à l’échelle européenne, qui indique notamment le bénéficiaire effectif d’un bien donné, car tout locataire devrait savoir à qui appartient son logement;

9. supprimer progressivement les systèmes de chauffage à combustible fossile dans les logements d’ici à 2050 et créer des programmes pour aider financièrement les Européennes et les Européens les plus vulnérables à atteindre cet objectif, tout en imposant des obligations de performance fixes au secteur du logement afin de réduire ses émissions;

10. exploiter les recettes du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE) et utiliser le Fonds social pour le climat afin de financer des subventions pour aider les citoyennes et citoyens de l’Union les plus vulnérables à rénover leur logement, en prévoyant une gestion conjointe de ce dispositif avec les régions, et mettre en place une politique globale en matière de précarité énergétique pour garantir que la vague de rénovations améliore la question de l’accessibilité financière des logements dans l’ensemble de l’Union;

11. encourager de nouvelles exigences d’esthétique et de confort pour le logement en général et pour le logement social en particulier, en s’appuyant sur l’initiative Bauhaus ou l’initiative européenne pour un habitat responsable, afin de rendre la densification des villes plus acceptable et de limiter l’étalement urbain;

12. améliorer l’accès des jeunes au logement et promouvoir des logements sociaux, abordables, coopératifs, intergénérationnels et à but non lucratif, dans le cadre de projets cofinancés par l’UE et en vue de renforcer la cohésion en Europe.


Signataire :

Christophe Rouillon (FR), Maire de Coulaines et président du groupe PSE au Comité européen des régions


 

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