Contribution fédérale des Hauts-de-Seine : Pour une taxe d'habitation solidaire et progressive


Thème : Fiscalité


Introduite en 1974, la taxe d’habitation a longtemps été un outil majeur du financement des collectivités territoriales. En 2019, elle a rapporté 23,9 milliards aux collectivités locales (1). Sa suppression était une promesse de campagne du président Emmanuel Macron, et sera pleinement effective en 2023 (après avoir été supprimée pour les 80% de foyers les plus modestes, elle est en cours de suppression pour les 20% les plus aisés). Le manque à gagner des communes a été compensé par des dotations financières de la part de l'État.

 

Cette suppression de la taxe d’habitation pose toutefois problème sur le plan démocratique comme sur le plan redistributif.

En effet, les communes sont dorénavant dépendantes de la loi sur les finances publiques votée chaque année par le parlement, et n’ont pas la main sur les évolutions futures de ces dotations. Cela crée un problème de visibilité des collectivités sur leurs recettes futures. Dès lors, comment investir en toute sérénité dans la création d’un équipement sportif, la réfection d’une cantine, ou dans tout projet qui nécessite des engagements financiers pluriannuels ?

Plus grave encore, en diminuant la marge de manœuvre financière des collectivités, cette mesure réduit les leviers d’actions que le/la Maire peut utiliser pour adapter la politique de sa ville. Pas de possibilité d’augmenter la taxe d’habitation pour mettre en place un jardin éco-responsable ou financer une modification de la voirie sans taxe d’habitation… Cette mesure crée un vrai risque pour la démocratie locale alors que la confiance dans nos politiques est au plus bas, et que l’échelon municipal est encore celui dont nos concitoyens se sentent le plus proche.

Cette mesure risque aussi d’accroître la conflictualité politique entre les collectivités locales et l’échelon national. En effet, en cas de large victoire de la gauche aux prochaines municipales, un gouvernement de droite aurait-il intérêt d’accroître ses dotations financières aux communes pour permettre à la gauche la réalisation de leur programme municipal ou au contraire celui de restreindre leurs mannes financières pour pouvoir faire campagne au coup d’après sur les promesses non tenues, faute de moyens ? Dans la période actuelle, il semble inutile d’ajouter un nouveau niveau d’antagonisme politique. L'exemple de la séquence #balancetonmaire initiée par un gouvernement soucieux de discréditer les élus locaux de ses oppositions nationales il y a quelques années en est la meilleure preuve.

Enfin, on a du mal à voir comment un tel modèle de financement perdurera dans le temps. Au fil des années, nos communes évoluent, certaines grandissent, d’autres voient leur population diminuer. Il sera donc nécessaire de faire évoluer des dotations financières qui sont aujourd’hui indexées sur la situation passée des recettes locales. S'il est vrai que le mode de calcul retenu est dynamique, rien ne garantit à ce jour une évolution correspondant réellement à celle des communes : incontestablement, un nouvel effet de ciseau financier verra le jour à court ou moyen terme au détriment des collectivités. Or, une fois encore, c’est au niveau national que ces décisions seront prises. La tentation sera alors grande de favoriser les localités en fonction de leur orientation politique, ou de conditionner ces dotations à la mise en place de politiques décidées au niveau national, limitant le pouvoir de décision des maires.

 

Au-delà de cette régression pour la démocratie locale, la suppression de la taxe d’habitation a aussi eu un effet anti-redistributif.

En effet, les ménages aux revenus les plus faibles étaient exemptés de taxe sur l’habitation, créant de fait une solidarité au niveau communal. Ces derniers n’ont donc pas bénéficié de sa suppression.

Pire encore, pour compenser les communes du manque à gagner, l’état a pioché dans les recettes de la TVA. Plus exactement, l'État a alloué aux communes la part départementale de la taxe foncière sur les logements bâtis, avec un mécanisme de compensation (imparfait) entre les communes, et a alloué aux départements une part de la TVA pour compenser le transfert de la taxe foncière (2). Au-delà du manque de lisibilité pour les citoyens et du manque de visibilité sur l’évolution future d'un tel mécanisme pour les communes, il faut noter que la TVA est l’un des impôts qui pèse le plus sur les ménages les moins riches.

En effet, le niveau d’épargne des ménages augmente avec leur revenu : il est plus facile de faire des économies avec un salaire important que quand on connaît des fins de mois difficiles. La proportion du salaire consommé est donc plus importante pour les ménages modestes que pour les ménages aisés. La TVA étant un pourcentage sur le prix de vente des biens ou des services aux consommateurs, elle représente une part plus importante du revenu des ménages modestes que des ménages aisés. La mesure a donc consisté à remplacer une taxe d’habitation progressive (c’est-à-dire avec un taux plus important pour les plus hauts revenus) par un impôt dégressif (c’est-à-dire qui pèse plus sur les ménages les plus populaires en proportion de leur revenus).

Si en termes de communication, le président de la République a réussi à faire passer la suppression de la taxe d’habitation pour une mesure de défense du pouvoir d’achat, il s’agit en réalité d’un cadeau fiscal aux classes aisées, financé par les plus pauvres (3).

 

La précédente version de la taxe d’habitation n’est pourtant pas exempte de critiques.

Acquittée par toute personne occupant un logement au 1er janvier, qu’elle soit propriétaire, locataire ou même occupant à titre gratuit, le montant de la taxe résultait de la multiplication de la valeur locative du bien par le taux d'imposition fixé par les collectivités locales.

Une critique récurrente portait sur la valeur locative cadastrale, qui est un indicateur construit à partir du marché locatif en 1971. S’il a été actualisé régulièrement, il n’a pas été révisé depuis les années 80, et n’est pas représentatif des trajectoires différentes prises par les communes et leurs quartiers sur les cinquante dernières années. L'Institut des politiques publiques montre dans son étude de 2020 sur la révision des valeurs locatives sur les locaux d’habitation que cela conduit à sous-évaluer les logements les plus spacieux (4). De la même façon, des inégalités territoriales se sont développées avec l'évolution des prix de l'immobilier : des habitants de zones rurales payaient ainsi davantage de taxe d'habitation que certains habitants de Paris ou de la petite couronne… Une revalorisation des valeurs cadastrales est toutefois prévue pour 2026, avec une révision annuelle.

Toutefois, même avec des valeurs locatives cadastrales révisées, l’indexation d’une taxe sur la valeur du logement principal a deux défauts.

Premièrement, elle conduit à des prélèvements plus importants pour les classes moyennes populaires et moyennes supérieures proportionnellement à leur revenu que pour les classes aisées. En effet, la part de revenu consacrée au logement se réduit avec la richesse des ménages. La taxe d’habitation n’était qu’imparfaitement progressive.

Deuxièmement, elle permet aux communes les plus riches d’être mieux financées que les communes les plus populaires (pour un même taux et un même nombre d’habitant), les loyers dans ces communes étant plus élevés que ceux des communes populaires.

Ces effets existaient déjà dans la précédente version de la taxe d’habitation. Dans son rapport sur le financement des collectivités territoriales, la Cour des comptes dénombre ainsi 49 dispositifs pour atténuer les effets anti-redistributifs de la taxe d’habitation (5).

Il est pourtant possible de mettre en place une version de la taxe d’habitation juste et solidaire, par exemple en l’indexant sur l’impôt sur le revenu.

Comme précédemment, elle serait établie dans la commune du lieu d’occupation de la résidence principale du contribuable au 1er janvier de l’année. Le montant de la taxe d’habitation serait un pourcentage de l’impôt sur le revenu (avant les réductions fiscales), le taux étant choisi par chaque commune.

Un mécanisme de péréquation pourrait permettre d’assurer une solidarité entre les territoires à fort potentiel fiscal et ceux qui en sont dépourvus, par exemple en mutualisant une part de la taxe d’habitation et en la redistribuant entre les communes en fonction du nombre d’habitants.

Les communes récupéreraient ainsi un outil de politique budgétaire nécessaire à la démocratie locale et au lien de confiance entre les citoyens et le politique, en regagnant un pouvoir de taux et donc un pouvoir budgétaire décisionnel qui leur fait aujourd'hui cruellement défaut pour faire face aux crises qui frappent nos territoires et nos populations. Cette nouvelle version de la taxe d’habitation serait plus redistributive que la version actuelle.

Nous proposons donc que le parti socialiste soutienne le principe d’un retour à une taxe d’habitation réformée dans un souci de justice fiscale et de solidarité des territoires.

[1] Revenus de la taxe d'habitation France 2019 | Statista

[2] Maquette-Fiche thématique CL-test.pdf (collectivites-locales.gouv.fr)

[3] Suppression de la taxe d'habitation et réallocation de la fiscalité locale (ipp.eu)

[4] Révision des valeurs locatives sur les locaux d'habitation : une évaluation sur grandes agglomérations (ipp.eu)

[5] Le financement des collectivités territoriales, communication à la commission des finances du Sénat (ccomptes.fr), page 45.


Contribution fédérale déposée par la Fédération des Hauts-de-Seine.

Signataires :

  • Thomas Fagart, Secrétaire fédéral au laboratoire des idées - PS 92
  • Brice Gaillard, Premier secrétaire Fédéral - PS 92
  • Jean-Michel Tisseyre, Secrétaire fédéral à la vie des sections - PS 92
  • Michèle Canet, Membre de la CNCF, conseillère municipale à Châtenay-Malabry
  • Brigitte Sassou-Messan, Membre du BFA 92 - PS 92
  • Patrice Fabiano, Secrétaire de section du Plessis-Robinson
  • Pauline Le Fur, Conseillère municipale à Fontenay-aux-Roses
  • Claude Charlot, Secrétaire de la section de Meudon
  • Joaquim Timoteo, Conseiller départempental du 92
  • Marie Brannens, Trésorière fédérale – PS 92
  • Cécile Soubelet, Secrétaire de section d’Issy-les-Moulineaux et secrétaire fédérale à a communication - PS 92
  • André Urban, Militant PS de Courbevoie
  • Françoise Guyot, Conseillère municipale de Garches
  • Valentin Narbonnais, Maire adjoint de Colombes et Membre du CN
  • Catherine Chevallier, Militante PS de Malakoff
  • Véronique Gignoux-Ezratty, Militante PS de Fontenay-aux-Roses
  • Dimitri Delpech, Militant PS d’Asnières-sur-Seine
  • Michel Canet, Membre du CN, du CF, du BF et secrétaire fédéral aux élections - PS 92
  • Benjamin Micat, Secrétaire fédéral aux événements - PS 92
  • Isabelle Dahan, Première secrétaire fédéral adjointe à la coordination et secrétaire national adjointe au développement du parti
  • Jean-Louis Michniak, Militant PS de Colombes
  • Chantal Barthélémy-Ruiz, Adjointe au maire de Colombes, conseillère départementale et secrétaire de section de Colombes
  • Sylvie Jansolin, Militante PS de Meudon

 

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