POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE JUSTE


Thème : Transition écologique


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MANIFESTE POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE JUSTE

Saisir l’urgence de l’essentiel

Face aux défis écologique et énergétique de notre époque, les données scientifiques révèlent l'évidence : nous vivons un moment charnière où l'humanité doit opérer une transformation profonde de son rapport au monde. Comme le souligne Edgar Morin, « à force de sacrifier l'essentiel pour l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel ». Par cette pensée qui procède d'une longue observation des sociétés humaines, Edgar Morin interroge la dialectique entre l'urgence et l'essentiel, du point de vue de l’humain et de son rapport au monde.

Au plan individuel, pour de très nombreux enfants, leurs parents quand ils sont encore là, pour de plus en plus de personnes âgées, l'urgence se vit au quotidien, dans l'accès à la nourriture et au logement d’abord.

Au plan collectif, les problématiques liées au climat, à lenvironnement et à la biodiversité affectent on le sait scientifiquement les conditions de « vivabilité » sur terre. Les modèles économiques et culturels sont ou doivent être questionnés en conséquence.

Des politiques publiques adaptées à ces enjeux collectifs doivent en résulter. Ces politiques doivent être interrogées et plus encore évaluées au regard des réponses quelles apportent et des progrès quelles permettent dans les trajectoires des vies concernées. La planification écologique et énergétique doit permettre leur mise en œuvre de manière efficiente. Elle doit bénéficier à l'ensemble des citoyennes et des citoyens de la Nation française.

Notre conviction est claire : il n'y aura pas de transition écologique réussie sans justice sociale. L'enjeu n'est pas seulement environnemental, il est civilisationnel. Cette transition doit engager une grande transformationde notre pacte social, modèle économique et rapport au vivant.

Ceci d’autant que la mobilisation citoyenne en faveur de l'écologie n'a jamais été aussi intense. De la lutte contre le dérèglement climatique à la défense de la biodiversité, l'engagement populaire témoigne d'une prise de conscience croissante. Cependant, un paradoxe persiste : plus cette conscience écologique s'affirme, plus le sentiment d'impuissance face à l'ampleur des défis s'intensifie.

Cette apparente contradiction révèle une profonde crise de confiance envers les institutions censées porter ces transformations. Désillusionnés, de nombreux citoyens privilégient désormais l'action locale et les initiatives collectives autonomes plutôt que l'engagement dans les structures traditionnelles.

À crise globale, réponse coordonnée

Nous faisons face à une crise aux dimensions multiples :

  • Écologique : épuisement des ressources naturelles, effondrement de la biodiversité, dérèglement climatique ;
  • Sociale : précarisation croissante, inégalités systémiques, exclusion ;
  • Démocratique : défiance envers les institutions, abstention électorale, fragmentation sociale.

Ces crises ne sont pas indépendantes les unes des autres mais s'alimentent mutuellement dans un engrenage que seule une approche systémique peut briser.

Dépasser la confusion entre écologie et développement durable

Une clarification conceptuelle s'impose. L'écologie est une science rigoureuse qui étudie les interactions entre les populations et leur milieu. L'écologisme représente les doctrines politiques inspirées par cette science. Le développement durable, quant à lui, constitue un projet économique, social et politique visant à transformer nos systèmes productifs sous contrainte des impératifs écologiques.

Après la révolution du néolithique il y a 12 000 ans et la révolution industrielle il y a 200 ans, nous sommes entrés dans l'ère de l'anthropocène qui nous engage dans la révolution de la durabilité. Cette nouvelle ère exige un changement profond de référentiel, loin des ajustements cosmétiques prônés par certains.

Des obstacles structurels à surmonter ;

La transition écologique se heurte à cinq obstacles majeurs qui entravent sa réalisation :

  1. L'injustice sociale - Les ménages modestes, contraints à des choix économiques immédiats, n'ont pas les moyens d'investir dans un avenir durable. Près d'un tiers des foyers éligibles aux aides à la rénovation énergétique ne les sollicitent pas.
  2. La complexité administrative - Les dispositifs d'aide demeurent souvent dispersés, complexes et méconnus, créant une forme d'exclusion administrative.
  3. Les fractures territoriales - Les zones rurales et périurbaines souffrent d'un déficit criant d'infrastructures adaptées (transports en commun, bornes de recharge, services de proximité).
  4. La précarité de la mobilité - Près de 40% des habitants des territoires périphériques ont déjà dû renoncer à un emploi ou une formation faute de moyens de transport adapté Cette contrainte se répercute également sur leur qualité de vie et leur empreinte environnementale : sans alternative à la voiture individuelle, ces populations sont condamnées à subir la hausse des prix des carburants tout en contribuant malgré elles au dérèglement climatique.
  5. L'incohérence des politiques publiques - La transition repose sur une articulation fluide entre les échelons local, national et européen qui fait aujourd'hui défaut, créant des incohérences et des inefficacités. Comme le souligne Pierre Calame, la transition écologique requiert une responsabilité partagée « du local au mondial ». Or, aujourd'hui, les politiques publiques souffrent d'un manque de cohérence entre les échelons communal, départemental, régional, national et europé

 Notre vision : une transition librement consentie

Face aux défis conjugués de l'urgence climatique et de la justice sociale, deux visions s'affrontent. D'un côté, une approche coercitive et technocratique, déconnectée des réalités sociales. De l'autre, le modèle que nous défendons : une transition choisie, inclusive et porteuse d'émancipation.

Cette transition doit être fondée sur une éthique de la responsabilité, comme le souligne Pierre Calame, pour qui « la responsabilité doit s'imposer comme la colonne vertébrale de l'éthique du 21 siècle ». Elle implique l'élaboration d'un nouveau contrat social entre les différentes composantes de la société.

Notre vision repose sur trois piliers essentiels :

  1. La participation citoyenne active - Renouveler la démocratie par l'implication directe des citoyens dans la définition, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques de transition.
  2. La justice sociale intégrée - Faire de l'équité et de la solidarité le cœur battant de la transition, en veillant à ce que les efforts soient équitablement répartis et que les plus vulnérables soient soutenus.
  3. La diversité des solutions adaptées aux territoires - Reconnaître les spécificités locales et encourager les initiatives territoriales dans un cadre national cohé

Comme l'explique Pierre Caye, la transformation du système productif est essentielle pour construire la durée et assurer un développement véritablement durable. Cela implique de :

  • Mettre le capital et le patrimoine au service de la durée plutôt que de l'exploitation court-termiste ;
  • Repenser la notion de travail dans une perspective d'épanouissement et de durabilité ;
  • Orienter la technique, l'urbanisme et l'architecture vers la construction d'un monde durable.

La République, en tant que dispositif d'accumulation du patrimoine matériel et symbolique, doit retrouver sa mission première : transformer les richesses matérielles et financières en biens juridiques, sociaux, culturels et symboliques accessibles à tous.

Nos engagements concrets

         Un bouclier écologique et social

Pour garantir à chacun un accès digne aux biens communs essentiels, nous proposons :

  • Une tarification progressive de l'énergie et de l'eau, assurant la gratuité des premiers niveaux de consommation ;
  • Un accompagnement personnalisé pour la rénovation thermique prioritaire des logements des ménages modestes ;
  • Un droit à la mobilité durable, avec des solutions adaptées aux territoires ruraux et périurbains ;
  • Une sécurité sociale de l'alimentation, permettant l'accès à une nourriture de qualité et respectueuse de l’environnement.

         Une planification écologique démocratique

L'urgence climatique impose une action cohérente et coordonnée. Une planification écologique, loin d'être un carcan bureaucratique, constitue un levier démocratique fondamental permettant de :

  • Fixer des objectifs sectoriels précis et mesurables définis collectivement ;
  • Assurer une répartition équitable des efforts et des bénéfices ;
  • Garantir la cohérence des politiques publiques à toutes les échelles de gouvernance ;
  • Évaluer rigoureusement l'impact des mesures mises en œuvre.

         Un financement ambitieux et équitable

Le financement de la transition doit être à la hauteur des enjeux et socialement juste :

  • Création d'un Fonds pour la Transition Juste doté de 10 milliards d'euros annuels, financé par une fiscalité progressive sur les hauts patrimoines et les super-profits ;
  • Une fiscalité écologique équitable et transparente, dont l'impact social est systématiquement évalué ;
  • L'interdiction progressive du financement public des énergies fossiles ;
  • La mise en place d'un pôle public bancaire dédié à la transition écologique.

 

Pour un nouveau pacte social et écologique

Une transformation institutionnelle nécessaire

La transition écologique exige de repenser nos institutions pour garantir leur capacité à porter un projet de transformation de long terme :

  • Établir une planification écologique démocratique avec des mécanismes de participation citoyenne effectifs ;
  • Intégrer systématiquement l'évaluation des politiques publiques, comme le préconise le Conseil d’État ;
  • Définir des indicateurs de bien-être et de soutenabilité allant au-delà du PIB ;
  • Reconnaître une responsabilité écologique à tous les niveaux décisionnels.

Une éthique de la responsabilité partagée

À l'échelle mondiale, nous devons promouvoir une « Déclaration universelle des responsabilités humaines » qui compléterait la Déclaration universelle des droits de l'homme et fonderait un véritable droit commun mondial.

Au niveau national, il est impératif de construire un nouveau pacte politique, social et écologique qui nous engage tous et redonne sens à la République. Ce pacte doit conjuguer l'urgence du quotidien et l'essentiel pour notre avenir collectif.

Un humanisme du 21 siècle

Les socialistes, avec bien d'autres, doivent être porteurs d'un nouvel humanisme adapté aux défis de notre siècle, dans la lignée de leurs aînés qui ont su créer les conditions politiques d'un partage plus équitable de la croissance au 20 siècle.

Vers une société écologiquement viable et socialement juste :

L'heure est venue de dépasser l'opposition artificielle entre écologie et progrès social. Notre transformation écologique doit être le fondement d'un nouveau pacte politique redéfinissant notre modèle de développement.

Comme l'affirme avec force le mouvement du « Pouvoir de vivre », nous devons :

  • Donner à chacun le pouvoir de vivre dans un cadre commun permettant de protéger notre avenir ;
  • Remettre l'exigence de justice sociale au cœur de l’économie ;
  • Préparer notre avenir en cessant de faire du court-terme l'alpha et l'oméga de nos politiques publiques ;
  • Partager le pouvoir pour que chacun puisse prendre sa part dans la transformation de nos vies.

 

L'avenir de notre société dépend de notre capacité à réconcilier justice sociale et préservation de la planète. Donnons aux citoyens les moyens concrets d'agir et faisons de cette transition un projet collectif, ambitieux et fédérateur. La durabilité n'est pas une option ; c'est notre seul horizon possible. Avançons ensemble, avec détermination et audace, vers une société écologiquement viable et socialement juste.

 


Contributeur.ices :
Franck Montaugé - Sénateur du Gers

Viviane Artigalas - Sénatrice des Hautes-Pyrénées, Denis Bouad - Sénateur du Gard, Rémi Cardon -Sénateur de la Somme, Serge Mérillou - Sénateur de Dordogne, Jean-jacques Michau - Sénateur de l'Ariège, Sébasten Pla - Sénateur de l'Aude, Christian Redon-Sarrazy - Sénateur de la Haute-Vienne, Lucien Stanzione - Sénateur de Vaucluse, Jean-Claude Tissot - Sénateur de la Loire


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