POURQUOI NOUS NOUS (RÉ)ENGAGEONS AU PARTI SOCIALISTE

Thème : Lutte contre l'extrême-droite


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POURQUOI NOUS NOUS (RÉ)ENGAGEONS AU PARTI SOCIALISTE

Cette contribution est portée par des militantes et militants qui, après s’être éloignés du Parti socialiste, ont choisi de s’y investir à nouveau. Ce retour procède d’une prise de conscience collective face à un mouvement réactionnaire qui s’installe de plus en plus solidement dans nos démocraties.

L’Histoire s’accélère. Les démocraties libérales subissent partout la progression des partis d’extrême droite. Le risque est immense de voir la France bientôt basculer dans la réaction, dont l’agenda menace les fondements de notre société : réduction des libertés publiques, remise en cause de l’État de droit, abandon de toute idée de justice sociale et renoncement écologique. Nous refusons avec force que ce péril dessine notre horizon et celui des générations qui nous suivront.

Dans ce contexte, la gauche ne peut se résoudre à n’être qu’une expression de la colère, incapable de rassembler et condamnée à l’impuissance. Elle doit redevenir une force de conquête, tendue vers l’exercice du pouvoir et la transformation sociale. Nous pensons que le Parti socialiste doit retrouver son rôle central dans la définition d’une proposition politique rassembleuse. Il peut pour cela s’appuyer sur un héritage riche, une culture de gouvernement assumée et un ancrage territorial fort, au plus près de nos concitoyens. Il est temps de brandir à nouveau l’étendard du progrès et de l’émancipation.

Cet espoir s’accompagne d’exigences fortes. Le Parti socialiste doit se repenser profondément. Ses valeurs, sa production intellectuelle, son projet et son fonctionnement doivent être placés au cœur des débats de ce Congrès. C’est la condition sine qua non pour redevenir ce cadre commun dans lequel se reconnaissent celles et ceux qui aspirent à un changement concret, crédible et désirable.

Notre contribution est un appel au sursaut. Avant toute réflexion sur l’avenir, il est essentiel de comprendre et nommer avec lucidité le mouvement réactionnaire auquel nous sommes confrontés. Ce socle d’analyse posé, nous appelons à rassembler toutes celles et tous ceux – souvent issus des réseaux militants progressistes, syndicaux ou associatifs – qui tournent à nouveau leur regard vers le Parti socialiste pour organiser la riposte.

 

I. LES CONTOURS DE LA DYNAMIQUE REACTIONNAIRE

À la suite de l’effondrement de l’espace soviétique, beaucoup ont cru voir dans les démocraties libérales occidentales une forme acquise, stable et aboutie d’organisation politique. Ce modèle démocratique est attaqué par un mouvement réactionnaire puissant,qu’il faut comprendre pour le combattre efficacement.

a. Les fondements politiques du mouvement réactionnaire

Le mouvement réactionnaire s’inscrit d’abord dans une dynamique électorale mondiale,

déjà victorieuse dans plusieurs pays : Bolsonaro au Brésil, Meloni en Italie, Milei en Argentine, Trump aux États-Unis ou encore Wilders aux Pays-Bas. Parallèlement, on assiste à la dérive autoritaire de dirigeants en place, comme Erdogan, Orban ou Netanyahu, qui renforcent leur emprise sur les institutions. Certes, des sursauts démocratiques récents – en Pologne ou au Brésil – montrent que l’Histoire n’est jamais irréversible. Mais ces signaux d’espoir pèsent peu face à la volonté implacable des autocrates de confisquer durablement le pouvoir, quitte à entraîner leur pays dans des logiques de guerre ou de répression.

Le mouvement réactionnaire, c’est ensuite une coalition d’intérêts. Cette dynamique politique peut s’appuyer sur l’alliance d’un capitalisme de prédation et d’un nationalisme autoritaire qui partagent une même obsession de la mise au pas des contre-pouvoirs, du maintien de l’ordre par la force, de la désignation de boucs-émissaires et de la fermeture des frontières nationales. Leur force de frappe est confortée par un phénomène de concentration particulièrement puissant du pouvoir politique et informationnel entre les mains de quelques-uns, renforçant l’opacité et la mainmise sur les financements de campagnes électorales.

Le mouvement réactionnaire, c’est enfin un agenda politique. Si le pouvoir nationaliste réactionnaire varie selon les contextes, partout, il conduit aux mêmes reculs. L’Etat de droit, les contre-pouvoirs, les libertés publiques et les droits des minorités sont ses premières cibles. De la remise en cause des décisions de la Cour suprême en Israël aux lois anti-LGBT en Hongrie, du démantèlement des administrations publiques en Argentine à l’émergence d’un révisionnisme scientifique aux États-Unis, en passant par la criminalisation de l’avortement en Pologne : la liste des atteintes aux droits et aux libertés fondamentales s’allonge tous les jours.

b. La France n’est pas épargnée

La France n’a pas encore basculé dans l’autoritarisme. Cependant, de nombreux verrous ont sauté au cours des dix dernières années.

Concernant les libertés publiques d’abord. Les mesures d’exception adoptées il y a dix ans, dans le contexte des attentats, se sont peu à peu banalisées jusqu’à s’inscrire dans le droit commun. Porté par un agenda sécuritaire toujours plus étendu, ce glissement a conduit à la remise en cause de certaines libertés fondamentales. La loi SILT sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la loi dite “séparatisme” ou encore l’instauration du Contrat d’Engagement Républicain (CER) en sont des exemples frappants.

 

S’agissant de la pratique du pouvoir ensuite. Les deux mandats successifs d’Emmanuel Macron ont accentué la présidentialisation de nos institutions, la marginalisation du rôle du Parlement et des corps intermédiaires. Le refus d’accorder au Nouveau Front Populaire le droit d’engager les discussions pour former un gouvernement montre à quel point le Président a choisi de mobiliser toutes ses forces pour éviter la remise en cause, même partielle, d’une politique devenue minoritaire. Certes, l’agenda politique d’Emmanuel Macron n’est pas celui du mouvement réactionnaire. Il reste que sa pratique du pouvoir servira de précédent pour tous ceux dont l’objectif est de battre en brèche les fondements de notre démocratie.

Par la large diffusion d’un discours autoritaire, nationaliste et xénophobe, enfin. Il s’agit tant de la place occupée par les thématiques de l’extrême droite, que de leur traitement par certains médias acquis à leur cause. En particulier, la prise de contrôle de certains titres de presse ou chaînes de radio et télévision par V. Bolloré, a saturé l’espace médiatique des obsessions racistes, déclinistes et autoritaires de leur propriétaire. Le discours, comme instrument de pouvoir, est au cœur de la bataille culturelle en cours.

Le projet politique de la vague réactionnaire n’est rien d’autre que l’instauration d’un ordre social fondé sur la force et la puissance de l’argent, sur le privilège de la naissance et l’exclusion. Qu’un seul groupe se trouve discriminé par l’administration ou par la justice en raison de son origine, de son genre, de sa religion, de son orientation sexuelle ou de ses opinions et c’est tout l’édifice républicain, toute la société, qui s’effondre.

C’est cet ennemi-là que nous devons combattre en priorité. L’heure est au sursaut.

II. REPARTIR AU COMBAT

Il faut en prendre la mesure : les réponses tactiques ou électoralistes ne suffiront pas à être au rendez-vous de l’Histoire. Nous n’avons plus le luxe de l’entre-soi, des postures ou des jeux d’appareil.

a. Replacer le Parti socialiste aux avant-postes de la bataille pour les droits et libertés

Dénoncer les assauts de l’extrême droite ne suffira pas à préserver les acquis du modèle républicain. Nous devons collectivement passer à l’offensive. Dans cet optique, notre contribution met en lumière trois axes de travail cruciaux :

•La restauration pleine et entière de l’État de droit et des libertés publiques. Nous devons nous engager dans la défense sans compromis de l’Etat de droit. La priorité est à la rupture avec le tout sécuritaire, à la réaffirmation de l’indépendance de la justiceet à la protection des contre-pouvoirs. Notre horizon doit être de garantir à chaque personne présente sur notre sol que ses droits fondamentaux seront respectés. Il nous faut aussi investir pleinement le terrain de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, lesexisme et toute forme de discriminations, au-delà de la nécessaire, mais insuffisante, réaction aux outrances et provocations.

• La défense des services publics, piliers de l’égalité républicaine et de la justice sociale. Les services publics sont aujourd’hui à l’os, victimes d’années de politiques d’austérité et de privatisations. La vague réactionnaire porte en elle l’objectif de démantèlement de ce patrimoine collectif parce qu’il constitue un obstacle à la logique de marché et d’accumulation. Restaurer leur efficacité, leur accessibilité et leur qualité est une urgence démocratique et sociale. Nous devons redonner confiance dans la capacité de la puissance publique à servir l’intérêt général, quand le repli sur les intérêts privés isole et fragilise. Cela implique de consacrer des moyens massifs et durables pour l’école, la santé, la justice, les transports, la sécurité sociale et l’ensemble des services de proximité et de démontrer avec force le résultat de ces investissements dans l’avenir, d’apporter la preuve concrète d’une qualité de service retrouvée.

 

• L’engagement pour l’indépendance du quatrième pouvoir. Sans pluralisme médiatique, pas de démocratie. Face à la captation de l’espace médiatique par quelques oligarques, nous devons opposer une régulation ambitieuse, un renforcement du service public de l’audiovisuel, ainsi qu’un soutien massif à la presse indépendante et pluraliste.

Ces priorités n’écartent évidemment en rien les considérations économiques, sociales et écologiques qui doivent demeurer le cœur du projet socialiste. Elles se veulent néanmoins l’écho de combats parfois négligés qui, abandonnés au mouvement réactionnaire, lui permettent d’infuser et de progresser.

Ce Congrès doit lancer le processus d’élaboration d’une base programmatique commune qui devra pleinement intégrer ces combats. Il s’agira ensuite d’en concrétiser les principes avancés par un travail approfondi, afin de ne pas en rester aux déclarations sans suite. Il est nécessaire de fournir une boîte à outils législative, réglementaire et pratique aux élus de terrains et à toutes les personnes engagées au quotidien.

b. Refaire du Parti socialiste une force politique motrice du sursaut

Pour briser le mouvement réactionnaire qui gagne en puissance, et à l’approche de l’élection présidentielle de 2027, nous faisons le choix, avec d’autres, de réinvestir le Parti socialiste. Certains y reviennent, d’autres y adhèrent pour la première fois, tous animés par une même conviction : c’est là que peut se jouer une part décisive de la gauche. Comme nous, nombreux sont celles et ceux qui ont espéré l’émergence d’une offre politique nouvelle. Mais aujourd’hui, le constat s’impose : aucune autre organisation de gauche ne semble en mesure de répondre à l’urgence politique par la construction d’une dynamique politique à vocation majoritaire.

Nous pensons que le Parti socialiste peut – et doit – être cette force, à condition de s’en donner les moyens. Par son histoire, son ancrage territorial et sa vocation à rassembler et à gouverner avec l’ensemble des forces de gauche, le Parti socialiste est légitime pour incarner ce combat. C’est non seulement son héritage, mais aussi son rôle dans l’Histoire politique et la condition même de sa survie.

Deux voies s’offrent à nous à l’occasion de ce congrès. La première consiste à s’enfermer dans une nouvelle séquence d’introspection et de jeux d’appareils, ce serait une faute politique. La seconde, que nous appelons de nos vœux, est celle du sursaut : ouvrir un débat exigeant sur les priorités politiques à porter et les stratégies à adopter pour affirmer clairement que le Parti socialiste veut redevenir la force centrale de transformation du réel.

 

Nous proposons trois axes d’actions prioritaires pour élargir le travail engagé, en lien avec nos expériences et nos parcours :

1. Redevenir un lieu vivant d’initiatives, de confrontation d’idées et de création intellectuelle. La gauche ne manque ni d’idées, ni d’engagements : ce sont les liens entre ces forces qu’il faut retisser. Il est temps de mettre en mouvement, collectivement, les ressources intellectuelles et militantes qui l’entourent. Militants, élus, syndicalistes, associatifs, chercheurs, artistes, citoyens : nous avons besoin d’un lieu commun où se croisent les parcours, se partagent les savoirs, se construisent les perspectives. Le PS peut redevenir cet espace de formation, de transmission et d’engagement, à condition d’accueillir de nouveaux profils, de valoriser les trajectoires plurielles, et de s’ouvrir aux mouvements populaires.

2. Réinvestir le débat public. Le Parti socialiste doit se réengager dans la bataille culturelle. Cela implique la création de nouveaux supports capables de diffuser notre discours de progrès et de servir de repères aux citoyens. Cela passe bien sûr par un investissement plus fort dans les réseaux communicationnels, mais aussi par un ancrage local renforcé : des campagnes de terrain, en s’appuyant sur des lieux identifiés (écoles, associations, clubs sportifs...) et sur des personnes-relais dans les cercles de sociabilité existants. Cette bataille de l’information est cruciale : elle doit permettre de reconstruire une conscience collective, de redonner du sens à l’action politique et de créer les conditions d’un nouveau rapport de force culturel et électoral.

3. Occuper le terrain. La gauche puise sa légitimité de sa présence sur le terrain et de sa capacité à écouter et faire entendre la voix des citoyens. Nous proposons d’engager une large campagne sur les services publics et leur financement. Elle devra être déclinée au niveau communal, en partant d’un état des lieux précis et d’outils de mobilisation pour ne plus voir ce patrimoine commun se déliter en silence.

Cette contribution dresse un constat sévère et souligne l’immensité de notre responsabilité. Nous savons que notre démarche n’est pas isolée. Beaucoup s’engagent aujourd’hui. L’objectif est de construire ensemble un Parti socialiste à la hauteur des enjeux et capable de rassembler largement. Ce n’est qu’en étant conscients des efforts à fournir que nous retrouverons le chemin de la victoire.

 


Contributeur.ices :

Mila Jeudy (93), Adrien Peschanski (FFE), Claire Rabès (93), Emmanuel Zemmour (93)

Anthony Aly (75), Pierre Auriel (93), Aurélien Bernicchia (93), Willy Bourgeois (39), Catherine Darbo-Peschanski (75), Arthur Delaporte (14), Marie-Annick Deniel (77), Joël Deumier (75), Marion Fournier (75), Timothée Germain (75), Habib Gniengue (93), Kevin Goldberg (93), Félix Henou (45), Théo Jousseaume (FFE), Mathieu Landau (93), Rémi Lataste (40), Jean-Marc Le Grand (77), Ivica Mamedy (75), Ismaïl Mansouri (75), Halima Mette (FFE), Yoann Moisan (FFE), Jean-Christophe Paris (FFE), Camille Perez (75), Adeline Rochet (FFE), Céline Squaratti (FFE), Isabelle Susset (93)


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