Quel Parti socialiste demain ?


Thème : Fonctionnement du Parti socialiste


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Contribution thématique déposée par Refondations

Un parti qui se projette en se recentrant sur ses fonctions historiques

1. L’engagement partisan est en crise : le nombre des adhérents est faible, pas simplement au PS (même si la baisse de nos adhérents est particulièrement prononcée), mais dans l’ensemble des partis politiques. Pourtant, l’engagement politique est là et bien vivant : dans les marches pour le climat, dans les luttes féministes ou sociales...

Il existe aussi dans des formations politiques, souvent qualifiées de ‘gazeuses’ pour leur absence de structuration et de démocratie interne, mais qui pourtant peuvent avoir une vitalité plus forte, sur le plan doctrinal, sur le renouveau des modes de campagne, sur l’éducation populaire. L’exemple de la France insoumise est de ce point de vue éclairant.

De notre côté, le Parti socialiste s’est rétréci à sa seule fonction électorale (avec un succès relatif), négligeant le travail idéologique, dans une moindre mesure également le travail programmatique, et abandonnant définitivement tout travail de formation de ses militants. Ce que nous devons porter dans ce congrès, c’est une double exigence : une exigence de démocratie et une exigence de travail.


2. Au terme de chaque cycle électoral, le Parti socialiste s’interroge sur sa structure et ordonne des travaux de rénovation.
Reste que, ainsi que le souligne Rémi Lefebvre, « rhétorique de défaite mobilisée à la fois par les dirigeants en place et ceux qui les contestent, (la rénovation) est une figure imposée, même si elle n’aboutit que marginalement à une réforme substantielle des règles et pratiques partisanes. Autour de la « rénovation » s’institutionnalise au fil des cycles de défaites électorales une routine de domestication de ces échecs »

La déroute de 2017 n’a pas fait exception, l’ensemble des textes soumis au vote des militants au Congrès d’Aubervilliers appelaient à l’organisation d’un grand Congrès statutaire censé remettre à plat toute notre organisation et l’adapter à la donne politique d’alors et à la forme mouvementiste. 5 ans et quelques modifications statutaires mineures plus tard, nous voilà de nouveau amenés à nous confronter à la question de la forme et de l’utilité de notre parti.

De fait, à l’aune d’une nouvelle défaite, après 5 années d’opposition, plus que jamais confrontés à la domination à gauche d’un mouvement populiste, vertical et autoritaire, et dans un contexte d’affaissement des corps intermédiaires et donc d’effacement des interlocuteurs historiques de la social-démocratie, un nouvel exercice d’introspection est nécessaire et préalable au rebond.


3. Sauf qu’il ne s’agira pas d’aller chercher à révolutionner le fonctionnement d’un parti ou à disrupter, mais au contraire de redonner au parti l’efficacité et la dynamique autour de fonctions de base des partis ouvriers :

  • Débattre et produire des idées : le débat est la condition de notre unité dans la diversité et les crises que nous traversons sont celles d’un parti qui ne sait plus (ou ne veut plus ?) gérer ses différends en interne. Comment un parti qui a su faire cohabiter Rocard et Chevènement et gagner avec eux n’est-il plus capable d’organiser le débat en son sein entre des composantes qui sont d’accord sur l’essentiel ? La condition de l’unité du Parti, c’est sa capacité à organiser un débat à tous ses étages, et les divisions récentes sont la conséquence d’une organisation défaillante du débat interne.

    • Au-delà, le débat permet la production d’idées, leur confrontation et garantit la présence du Parti dans le débat politique dès lors qu’il est capable de trancher en son sein les grandes questions du moment pour défendre à l’extérieur une ligne politique claire et cohérente, ce qui a globalement fait défaut ces dernières années. La grande promesse du congrès d’Aubervilliers – les chantiers de la Renaissance – n’a débouché sur presque rien (une convention nationale sur l’Europe en 2018 et plus rien).

    • Dans notre histoire récente, les moments où le Parti a le plus travaillé sont la période 1995/1997 avec Lionel Jospin et 2008/2012 avec Martine Aubry. Dans les deux cas, le travail a payé puisque nous avons remporté de belles victoires électorales. Le travail paye, et l’absence de travail est payé aussi.

    • Au moment où nous lancions les chantiers de la renaissance en 2018, nos voisins belges lançaient le chantier des idées. Les mots sont proches mais les réalités non : dans un cas, rien n’en est sorti, de l’autre, un nouveau manifeste socialiste avec 140 idées fortes pour un futur idéal, et surtout une vision claire du monde et des combats à mener. Aujourd’hui, nos électeurs ne savent plus ce que sont nos valeurs et nos combats. Alors que tout bouillonne en dehors (pêle mêle : Nuit debout, les gilets jaunes, Me too, les marches climat pour ne parler que de politique intérieure), rien (ou si peu) n’a bougé à l’intérieur.

  • Former les militants et préparer les futurs responsables pour mener ces combats et exercer des responsabilités : un parti de masse cherche « d’abord à faire l’éducation politique de la classe ouvrière, à dégager parmi elle une élite capable de prendre en main le gouvernement et l’administration du pays : les adhérents sont donc la matière même du parti, la substance de son action. Sans adhérents, le parti ressemblerait à un professeur sans élèves », Maurice DUVERGER.

    • La ressource et la richesse principales d’un parti sont ses militants, à la condition qu’ils soient formés, préparés et participent de la richesse du débat politique interne, prennent part au foisonnement de la production des idées et, surtout soient les acteurs centraux des victoires électorales puis de l’exercice du pouvoir.

  • Retrouver une organisation démocratique plaçant les militants au cœur du processus de décision et garantissant un lien structurel entre le parti et son environnement (associations, syndicats, mouvements d’éducation populaire, amicales de locataires, etc.).

    • Depuis 2018, la démocratie n’a pas progressé dans notre parti et elle s’est uniquement structurée autour de votes organisés en Conseil nationaux pour les choix cruciaux : alliance avec Place publique aux Européennes ; accord électoral de la NUPES. Plus récemment, le choix de participer à la Marche du 16 octobre aux côtés de la France Insoumise n’a été débattu dans aucune instance du Parti, alors même qu’elle prend à rebours la tradition sociale démocrate et la dichotomie partis/syndicats issue de la Charte d’Amiens. Quant au projet, il n’a fait l’objet que d’une validation globale a posteriori par les militants sans grandes conventions et concertations.

    • La crise sanitaire n’a certes pas aidé, mais nous n’avons pas su appréhender suffisamment le grand tournant numérique qui l’a accompagnée dans nos processus de décision internes.


4. C’est donc en se recentrant, avec sérieux et exigence, sur ces fonctions historiquement dévolues aux partis de masse issus du mouvement ouvrier que le Parti socialiste s’est relevé de ses défaites les plus cuisantes, souvent plus vite que prévu.

C’est en ce sens, que nous formulons plusieurs propositions au service d’un parti de débat, de combat et d’action :

Nos propositions :

  • Approfondir la démocratie interne et en moderniser les outils : en créant un référendum d’initiative militante garantissant la possibilité aux militants de trancher les grandes questions stratégiques en dehors des périodes de Congrès ; en créant une instance consultative composée au tirage au sort et consultée obligatoirement sur les questions liées à l’organisation du parti et à l’occasion des États généraux de la gauche ; en ouvrant la possibilité d’organiser des scrutins électroniques pour tous les scrutins hors Congrès et désignations ;

  • Lancer les États généraux de la gauche, suites de conventions thématiques, qui mobilisent l’ensemble des strates du Parti et ses partenaires et au terme desquelles sont adoptés des textes identifiants et qui permettent de trancher les grandes questions ;

  • Créer un Laboratoire des idées, qui permet de dialoguer avec les milieux intellectuels, universitaires, chercheurs, essayistes et offre au Parti une structure en capacité d’aller chercher les idées d’avant-garde ; le Laboratoire des idées accueillera également en son sein un espace de dialogue avec ces personnalités de la société civile qui se retrouvent dans notre projet ; il s’appuiera enfin sur un Laboratoire des territoires, qui permettra de valoriser et structurer les innovations sociales portées par nos élus, en lien avec la FNESR.

  • Lancer une École de formation dans chaque fédération mais sur la base d’un cadrage national, qui transmet aux militants un corpus politique et idéologique et un ensemble de savoirs pratiques, dans la lignée de la tradition d’éducation populaire dévolue aux partis ouvriers ; c’est notamment l’École de formation qui organiserait la journée nationale des secrétaires de section, qui serait réactivée après plusieurs années d’absence ;

  • Moderniser le format des Conseils nationaux : en institutionnalisant la possibilité pour les Textes d’orientations de déposer des contributions à chaque Conseil national ou au niveau fédéral à chaque Conseil fédéral, qui sont envoyées à tous les militants et qui offrent un positionnement politique sur les sujets de l’actualité nationale ; en profitant de la possibilité d’organiser des CN hybrides présentiel/distanciel, pour les décentraliser en régions une fois sur deux et en ouvrir les débats aux militants des fédérations en question ; tirage au sort de militants pour assister / participer aux CN.

  • Mettre l’organisation nationale du parti au service des fédérations : en mettant à disposition des fédérations (et notamment des plus petites) un ensemble d’outils leur facilitant l’organisation de débats, de formations, notamment en mobilisant au mieux les secrétaires nationaux thématiques ; en permettant aux fédérations de personnaliser les tracts et affiches des campagnes nationales ; créer un cadre de mutualisation des moyens, notamment au service des petites fédérations rurales ;

  • Le Parti socialiste doit encourager et promouvoir l’engagement de ses militants et de ses élus dans la cité, que ce soit au sein d’associations ou de syndicats, dans des collectifs et dans des luttes, au service de nos valeurs communes : la justice sociale, le climat, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre toutes les discriminations. Dans le respect du rôle et de la place de chacune de ces organisations, et notamment dans le respect de l’indépendance syndicale, le Parti socialiste doit être visible et identifié sur tous les terrains.

  • Réactiver une publication mensuelle à destination des militants, par exemple en lien avec l’OURS, sous format PDF, contenant un édito politique, des fiches de lectures, une interview d’un SN ou d’un partenaire, etc.

  • Rendre les jeunes socialistes véritablement autonomes, au moyen d’un Congrès de l’autonomie à l’occasion duquel ils adopteraient leurs propres statuts et modalités d’organisation ;

  • Adapter l’organisation de notre parti aux exigences de la vie familiale (et non l’inverse) : en veillant à une bonne alternance des jours et horaires de réunions, en proposant par principe la visioconférence et en lançant une réflexion sur les systèmes de mode de garde à mettre afin de permettre aux camarades d’assister aux réunions et événements tout en amenant leurs enfants


Signataires :

Contribution du laboratoire des idées de Refondations


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