Quel Parti Socialiste face à l'extrême-droite en ruralité ?


Thème : Lutte contre l'extrême-droite en ruralité


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Avec un poids de la population rurale très supérieur à la moyenne nationale, l’Aisne est le département le plus rural de la région Hauts de France avec 58 % de sa population vivant dans des villages, et près du quart loin des centres urbains. C’est là que massivement le vote « Extrêmes droites » s’est exprimé lors des élections de 2022. L’éloignement des services publics et privés, l’obligation de faire des déplacements souvent très longs pour se soigner, pour accéder à une formation, à un travail, etc. ont renforcé le sentiment d’abandon. Indéniablement, la crise liée au Covid-19 avec ses confinements successifs n’a fait qu’aggraver l’isolement et le sentiment d’être écarté des centres décisionnels (« tout se décide ailleurs ! »).

Nous partageons cette particularité avec beaucoup d’autres territoires. D’un point de vue politique et électoral, nous constatons que cela n’a fait que favoriser la bascule d’une partie de notre ruralité vers l’extrême-droite et le vote pour le Rassemblement National.

Dans ces territoires où la Gauche et le Parti Socialiste avaient toute leur place, nous ne pouvons malheureusement que constater que cette bascule est allée de pair avec une diminution voire une disparition de l’engagement socialiste (moins d’adhérents, moins d’élus, moins de militants, moins de renouvellement, moins de lisibilité des positions du PS, avec la guerre des chefs, moins d’actions, etc.), et un transfert des voix des sympathisants de gauche soit vers les deux candidatures de Mélenchon en 2017 et 2022, soit vers les candidatures de Macron (lorsque ce n’est pas, pour le pire, un report vers le Rassemblement National) sur fond de départ de nombre de militants et cadres vers d’autres « cieux » ou au mieux en position de retrait ou d’attentisme.

Puisque notre affaire est « d’aller à l’idéal en passant par le réel », le Parti Socialiste, auquel nous croyons et que nous souhaitons régénérer, doit prendre en compte cette particularité, l’intégrer, et la transformer en actions utiles, positives et porteuses pour les militants, les sympathisants et toutes les personnes et les causes que le Parti Socialiste a, historiquement - et avec fierté - défendues. C’est l’objet de cette contribution : alerter sur cette réalité et proposer de la dépasser.

Pour y arriver, nous proposons de concentrer nos efforts et d’insister sur cinq points :

  • Le nécessaire renouvellement de notre méthode militante : « renouvellement » pris en ses deux sens, aussi bien comme répétition que comme renouveau Soulignons : avec une présence qui ne se limite pas à l’internet, mais bien physique, sur le terrain, multi-supports ;

  • La proximité comme fer de lance de notre action : choisir, lorsque c’est utile et pertinent, la méthode de la différenciation pour aborder les problèmes et les résoudre sous un angle pratique pertinent (les solutions aux problèmes rencontrés par la ruralité ne peuvent pas être les mêmes que celles pour les problèmes des grandes villes) ; être au plus près des préoccupations des territoires et des habitants pour leur proposer des solutions clés en mains en respectant une méthode de co-construction ; être au plus près de tous nos élus locaux dans le suivi des politiques mises en place ; mobiliser méthodiquement nos militants dans la population, etc.

  • L’unité du parti au-dessus de tous les clivages internes : des clivages peuvent être sains mais à condition de les relativiser et de refuser qu’ils mettent en péril la maison socialiste ou l’engagement socialiste de Dès lors, mettons plutôt en avant ce qui nous rassemble et faisons de nos différences des sources de partages, d’échanges, de renforcement et de consolidation plutôt que de divisions ;

  • Faire que la « NUPES », certes imparfaite, permette de travailler sur tous les territoires sur des objectifs précis, définis ensemble pour contrer le développement des idées nauséabondes de racisme, de xénophobies et d’exclusions. Autrement dit, inscrire notre action au service et au sein de l’union de la Gauche, tant attendue ;

  • Enfin, sur la base de ces quatre précédents points, ou alors peut-être antérieurement : bâtir un cadre théorique nouveau pour faire du Parti Socialiste le Parti du troisième millénaire, en le faisant correspondre aux besoins réels de la population et aux attentes nées de la modernité. Il est entendu que cette démarche d’actualisation du contenu et de la substance de l’engagement socialiste devra être réalisée en prenant en compte, sans polémiques mais avec lucidité, les limites du Parti sur certains sujets qui se sont révélées lors de l’exercice du pouvoir, notamment sur les questions de sécurité et d’insécurité. Notons que cette modernisation ne signifie pas la ringardisation de nos bases théoriques historiques fondamentales : ainsi proposons-nous de rappeler Jaurès pour penser les nouveaux enjeux de sécurité en appelant « à une police nouvelle ».

 

Ces moyens sont aussi des objectifs. Et, pour les réaliser, nous proposons d’ores et déjà :

  • De faire de la célèbre phrase d’Alexandre Dumas, homme illustre du département, un slogan du quotidien : un pour tous, tous pour un : une section pour toutes les sections, toutes les sections pour une section - un socialiste pour tous les socialistes, tous les socialistes pour un socialiste ;
  • De fixer un calendrier inclusif et dynamique d’engagement d’ici aux prochaines échéances électorales, environnementales et sociales, pour en faire des moments fondateurs ;
  • Enfin, de définir précisément et concrètement la reprise de toutes les circonscriptions qui ont basculé vers le Rassemblement National comme impératif catégorique et, en vue de la réalisation de cet impératif, de définir une stratégie claire d’implantation et d’alliance afin de reprendre un par un ces territoires. Notons que le Parti a déjà été capable de mener une telle stratégie par le passé, puisque par un travail rigoureux d’une part de suivi de l’action des élus RN et d’autre part d’alliances intelligentes et républicaines, nous avons pu reconquérir lors des élections départementales en 2021 des bastions perdus en 2015 : dans l’Aisne, département passé de 4 à 0 cantons RN. Cela doit nous donner confiance et courage pour passer de 3 à 0 circos RN aux prochaines législatives

Nous pensons que c’est sur cette voie, et avec beaucoup de travail, d’écoute et de volonté de partager, que nous pourrons retrouver un Parti Socialiste plus fort, sur lequel tout le monde pourra compter. Un Parti Socialiste gagnant, solidaire, qui saura faire reculer l’extrême-droite, gagner les prochaines batailles électorales et rapprocher la politique au sens noble du terme de chaque habitant dans nos territoires abandonnés. C’est le sens de notre engagement.


Signataires :

La section de Château-Thierry

Amine Abdelmadjid, Sylvain Logerot, Olivier Sueur, Marie-Claude Carlier, Laurent Bureau, Yannick Balende, Steven Botbol.


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    commented on Quel Parti Socialiste face à l'extrême-droite en ruralité ? 2023-12-21 17:17:26 +0100
    Bonjour,
    Je suis tout a fait d’accord avec vous.
    Voici la lettre que je souhaite envoyer au National.

    Mes chers camarades,
    Nous voyons depuis plusieurs années une augmentation du vote de l’extrême droite dans notre pays et depuis longtemps dans nos villages.
    Alors pourquoi ?
    Tout d’abord, je vous explique les raisons pour lesquelles j’en suis venu à mener cette réflexion.
    Je suis né dans un petit village d’environ 500 habitants dans le sud du département de l’Eure.
    Dans les années 80 mon village comptait comme population des artisans, des agriculteurs, des ouvriers, très peu de fonctionnaires, deux bars-épicerie, une petite caserne de pompiers volontaires, une fédération de chasse et un club de pêche. Une école maternelle qui fait partie d’un regroupement scolaire.
    Les bars épicerie, étaient des lieux de convivialités. En effet, nos anciens, allaient souvent à pied ou à vélo faire leurs achats (pâtes, jambon, légumes, pains…) achetaient leur journal, tabac et buvaient un verre de blanc. Les jeunes venaient jouer au billard, flipper ou babyfoot.
    Il y avait également dans nos campagnes, des marchands ambulants (boulanger, boucher, poissonniers).
    Aujourd’hui, il y a, quelques artisans travaillant souvent seul, de moins en moins d’agriculteurs, des ouvriers, très peu de fonctionnaires, les bars-épiceries ont disparus, les pompiers volontaires ont construit eux même leur caserne (j’en faisais partie) pour éviter qu’elle ne ferme et c’est devenu une annexe de la caserne du canton. Il y a toujours la fédération de chasse avec beaucoup moins de chasseurs et le club de pêche. Il reste encore l’école sur le même fonctionnement. Les marchands ambulants ont disparu.
    Cela a pour conséquence que les personnes qui ne conduisent pas ou plus, doivent se débrouiller avec leur famille ou voisins pour faire les courses.
    Les jeunes n’ont plus de lieux de rendez-vous et se regroupent donc sur les places de village par exemple. Cela peut occasionner des nuisances sonores pour les riverains.
    Concernant le transport public, il est inexistant dans nos campagnes.
    Pas du bus ou seulement celui du transport scolaire, pas de trains alors que les lignes existent, mais ne sont plus entretenues. Ce qui est dommage car la SNCF a mis au point un concept de train léger. Ils sont aussi gros que des cars et fonctionnent sur batterie.
    Pas de médecins, même dans les chefs-lieux de cantons où ils disparaissent. Je ne parle même pas des spécialistes. Toujours dans les chefs-lieux de cantons, la Poste ferme ses bureaux, souvent la Mairie reprend cette compétence. Quand ces villages ont une gare, elle est murée et les trains ne passent plus.
    Les habitants de ces villages vivent un véritable abandon. Le Parti Socialiste ne s’est jamais vraiment intéressé à eux et elle s’est concentrée vers une population plutôt urbaine. Le PS a laissé le monde agricole à la Droite et les ouvriers se sont sentient trahis. La droite est affaiblie, ce qui a pour conséquence que les agriculteurs se tournent vers le RN et les ouvriers sont déçus et par conséquent, ils se tournent eux aussi vers le RN ou vers l’abstentionnisme. Les commerces et les services ferment les uns derrière les autres.
    Les gouvernements successifs ont fait des plans banlieues, à quand les plans villages ?
    Comment nous Socialistes, pouvons reprendre en main cette électorat ?
    Ne devrions-nous pas faire un groupe de travail au niveau National pour présenter un plan villages ?
    Je reste à votre écoute.

    Amitié
    Nicolas Le Carff
    1er Adjoint au Maire
    27690 Lery