Quelle Europe voulons-nous demain ?


Thème : Europe


La construction de l’Europe avait généré la paix, presque partout sur notre continent, après les hécatombes guerrières et barbares du 20e siècle. La chute du mur de Berlin en 1989, l’ouverture des frontières, le progrès économique ont suscité une euphorie des gouvernements et des peuples qui s’est transformée en scepticisme voire en angoisses, l’Europe subissant la récession mondiale de 2008, dont certains effets se font encore sentir, la crise de l’Euro, le Brexit, ainsi que la crise migratoire et la pandémie de la COVID qui perdurent, et maintenant l’Ukraine. L’Europe est aussi confrontée à l’urgence climatique, à la nécessité de protéger la biodiversité et les ressources naturelles, dont l’eau en premier chef. L’Europe ne fait plus rêver.

Nombre de nos concitoyens perçoivent, souvent, l’Union européenne comme un ensemble en devenir, doté certes d’une monnaie unique et de la libre circulation des personnes, des marchandises et des biens, mais aussi d’institutions au fonctionnement opaque, souffrant d’un déficit démocratique. L’économie, le marché unique et les règles de concurrence, le profit, priment au détriment du social. Le chômage, la pauvreté et les inégalités s’accroissent. Le progrès social, le bien-être, l’accès à l’éducation et à la culture, l’humain en quelque sorte ne semble pas prioritaire au sein de l’Union. Il ne faut pas s’étonner que se fasse jour une angoisse du futur, un euroscepticisme, la tentation du repli sur soi, une montée des populismes et des égoïsmes nationaux, de l’intolérance et du racisme. L’Europe ne protège plus.

L’Europe est maintenant confrontée à l’invasion de la Russie et à la guerre en Ukraine. Les Etats-Unis d’Amérique se sont fortement investis dans la défense de l’Ukraine. L’OTAN s’en trouve obligatoirement confortée. Il ne faudrait cependant pas oublier l’indifférence des Etats-Unis d’Amérique envers l’Europe avant cette guerre. L’Asie et la confrontation avec la Chine primait et reste d’actualité. Face à cette situation, à l’hostilité destructrice de la Russie, à la volonté d’assujétissement de la Chine, au fait que les valeurs européennes ne sont plus considérées comme universelles par nombres de pays dans le monde, l’Europe compte trop peu.

Il n’est que temps de « Faire rentrer l’Europe dans son histoire et sa géographie. », ainsi que le proclamait déjà François Mitterrand. Socialistes, tenant compte de nos valeurs, il nous appartient d’affirmer ce que nous voulons pour l’Europe.

L’Europe que nous voulons doit être, garante de l’Etat de droit et des libertés fondamentales, démocratique dans son fonctionnement, forte et respectée dans le monde, assurant la prospérité de tous ses citoyens, donc protectrice et solidaire, accueillante, ouverte au monde et garante de la paix. 

 

Une Europe garante de l’Etat de droit, des droits humains et des libertés fondamentales

L’Etat de droit, les droits et libertés fondamentales sont garantis par les traités de l’Union européenne. Le traité de Maastricht pose, en 1992, les principes généraux de l’Etat de droit. La Charte des droits humains et les libertés fondamentales, proclamée à Nice en 2000, est devenue juridiquement contraignante pour les Etas en vertu du traité de Lisbonne. Celui-ci prévoit aussi la ratification par l’Union de la Convention européenne des droits de l’Homme, émanant du Conseil de l’Europe, et qui s’applique à l’ensemble des pays européens, donc bien au-delà de l’Union. La Cour de justice de l’Union et la Cour européenne des droits de l’Homme, siégeant à Strasbourg, garantissent, par leur contrôle et leur jurisprudence, l’application par les Etats de leurs obligations en la matière.

Il faut néanmoins constater de plus en plus des manquements et des atteintes à l’Etat de droit et aux libertés publiques, dus à l’inertie, à l’évolution politique des Etats, au terrorisme, à la crise migratoire et récemment à la pandémie de la COVID et à la guerre que subi l’Ukraine. 

La Russie s’est retirée du Conseil de l’Europe et s’affranchi de l’application de la Convention européenne des droits de l’Homme. Après le Brexit, la tentation est grande au Royaume-Uni, au nom de l’indépendance juridictionnelle du pays, de dénoncer le contrôle exercé par la Cour de Strasbourg. Au sein de l’Union, la situation en Hongrie et en Pologne est connue. L’équilibre des pouvoirs, l’indépendance de la justice, le pluralisme et l’indépendance de la justice, les droits des femmes, ceux des personnes LGBT+, les mécanismes de lutte contre la corruption, ne sont pas assurés partout au sein de l’Union. En France se posent notamment, le problème de l’indépendance du Parquet, l’excessive durée des procédures judiciaires, la gestion des prisons et des populations carcérales.

L’Union est appelée à s’élargir dans les Balkans ou à ses confins orientaux. Il est donc nécessaire de garantir encore davantage les droits et libertés fondamentales des citoyens européens et de rendre plus contraignants leur application par les pays membres.

Plusieurs actions doivent être entreprises :

  • Conformément au traité de Lisbonne, l’Union européenne doit ratifier la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ;
  • Considérer l’accès à la culture comme un droit fondamental, au même titre que l’éducation ;
  • Accroître les compétences et les moyens de l’Agence pour les droits fondamentaux de l’Union européenne, en lui accordant un pouvoir de saisine des institutions de l’Union en cas de manquement de la part d’un Etat membre ;
  • Elargir les compétences du Parquet européen, ajoutant au domaine budgétaire, le financier et la lutte contre la corruption ;
  • L’initiative de mise en accusation d’un Etat pour atteinte à l’Etat de droit ou des libertés individuelles devrait être donnée tant au Conseil, à la Commission qu’au Parlement européen. Il appartiendra alors à la Cour de justice d’instruire et de prononcer les sanctions éventuelles ;
  • Il faut renforcer la procédure et faciliter l’application des sanctions ;
  • La simplification des mécanismes de conditionnalité qui lient l’octroi des aides européennes au respect de l’Etat de droit est une nécessité.

Afin de faciliter la protection des citoyens européens, le contenu de la Charte, de la Convention européenne et de ses seize protocoles, la jurisprudence en la matière de la Cour de justice et de celle de Strasbourg, devraient être un enseignement de base, obligatoire pour tous dans les universités et les écoles de magistrats et d’avocats de l’Union.

 

Une Europe plus démocratique.

 

Davantage de démocratie implique de renforcer les moyens et le pouvoir d’initiative du Parlement européen. Il doit mieux contrôler les décisions et les actions du Conseil et de la Commission.

S’agissant de son siège, il convient de rappeler que celui-ci est fixé par les traités à Strasbourg. L’Union est multipolaire, d’autres villes accueillent des institutions.

L’initiative des directives, règlements et programmes européens appartient à la fois au Parlement, à la Commission et au Conseil européen. Mais il appartient à la Commission, sous le contrôle du Parlement, de les mettre en œuvre, qu’ils résultent ou non d’une compétence dévolue par les Etats membres.

Réformer le processus décisionnaire et en finir avec la règle de l’unanimité s’impose. Cela doit valoir pour l’ensemble des politiques et des règlementations européennes, y compris la révision des traités ou l’élaborations de nouveaux. L’Union n’est pas à l’abri de blocages, et elle pourrait l’être davantage à la suite des élargissements qui se préparent.

Le Comité des régions et le Comité économique et social, les différentes agences participent pleinement à la vie démocratique et à l’unification européenne. Il importe que soit mieux tenu compte de leurs avis et recommandations.

 

Une Europe forte et respectée, donc souveraine.

L’Europe est soumise à de nombreux crises ou conflits qui la contraignent. Ses valeurs sont contestées par des régimes autoritaires, d’autres où prévalent l’intolérance religieuse, parfois au sein de l’Organisation des Nations-Unies.

Le positionnement des Etats-Unis, l’hostilité de la Russie et ses menées, désinformation et tentatives d’intervention dans les processus électoraux, volonté d’hégémonisme de la Chine, rivalité sino-américaine, chantage de la Turquie en matière d’immigration, conflit au Proche Orient où l‘Union est réduite à financer les dommages de guerre, compliquent les relations internationales, sont une menace pour l’Europe et pour la paix. Le poids politique de l’Union reste trop modeste et trop faible.

 

L’Europe doit donc se donner les moyens d’assurer sa souveraineté et sa sécurité. Cela implique :

  • l’élaboration d’une véritable politique extérieure commune, faisant fi des égoïsmes nationaux et des règles de l’unanimité, promouvant, la paix et la liberté dans le monde. Il conviendra d’accroître ses moyens diplomatiques et financiers. Une telle politique comprendra un volet de coopération et de développement économique et social ambitieux, doté de moyens importants, en faveur des pays les plus pauvres ou les plus endettés. luttant contre les inégalités, la corruption et l’accaparement des richesses par des minorités, et la préservation de la planète.
  • sans se retirer des alliances militaires existantes, la création d’une force de sécurité européenne, véritable armée européenne, Il conviendra, d’accroître les dépenses militaires, d’harmoniser et de mutualiser les moyens de défense, en particulier aériens ou navals, de se doter d’unités communes, de sécurité ou d’assistance pour parer aux crises humanitaires ou aux catastrophes naturelles.
  • la défense de sa souveraineté et de ses valeurs. Face à la compétence universelle de certaines lois américaines, l’Europe devra se défendre et engager un processus identique vis-à-vis des Etats-Unis ou des états tiers.
  • un budget commun conséquent, alimenté par les Etats mais aussi par des moyens propres et une fiscalité européenne. Le plan de relance et un début de mutualisation des dettes des Etats de l’Union est une mesure politique importante. Il conviendra de poursuivre et d’amplifier cette politique.

 

Une Europe assurant la prospérité de tous ses citoyens

L’humain prime. La politique européenne, dans tous ses aspects, doit être pensée en fonction des besoins réels des Européens. Elle doit tenir compte les territoires et y appliquer des politiques spécifiques et différenciées. Les régions à faible densité de population, les régions insulaires ou montagneuses ou les autres régions rurales, les métropoles n’ont pas à subir une politique uniformisée.

Il est nécessaire de mettre en place une économie durable et innovante, favorisant le progrès social, la lutte contre les inégalités et la pauvreté. Une harmonisation sociale et fiscale entre les Etats membres est absolument nécessaire. De même doit s’envisager la création d’un revenu minimal européen indexé sur l’inflation des Etats.

Enfin, il convient engager des actions vigoureuses permettant une véritable égalité, notamment salariale, entre les femmes et les hommes.

Une révision des critères de définition du PIB, excluant les dépenses d’investissement du calcul des déficits des Etats doit être envisagée. La mutualisation de leurs dettes nouvelles, notamment celles relatives à la transition écologique s’impose.

La Commission européenne a lancé une politique environnementale qui se veut ambitieuse. Il n’est que temps de se saisir des problèmes relatifs à l’amenuisement de la biodiversité et des ressources naturelles, de la protection des espèces et des espaces, du réchauffement climatique. Pour les Européens s’est aussi une question de santé publique. Mais le progrès social et économique ne doit pas être sacrifié à la politique environnementale.

Une politique doit concerner en priorité, l’agriculture, l’énergie et les transports. Devraient être favorisés :

  • la recherche-développement phyto sanitaire bio ;
  • les énergies renouvelables ;
  • le ferroutage, en matière de transport terrestre des marchandises, et le développement des autoroutes maritimes.

La construction européenne ne saurait se réduire, au droit, à l’économie et à l’environnement. L’accès à l’éducation et la culture font aussi partie des droits fondamentaux. Sanctuariser, élargir et développer les programmes Erasmus, favoriser la connaissance des langues et de l’Histoire, mettre en valeur et protéger le patrimoine matériel et immatériel culturel commun, devrait faire partie intégrante de la politique européenne.

 

Une Europe plus accueillante

Tout individu possède une dignité inaliénable, indépendamment de son origine, de son être profond, de sa couleur ou de sa religion. Le rejet de l’Autre, le mépris du faible, portent atteinte à la dignité de la personne et aux valeurs de l’Union. Les phénomènes migratoires sont nés avant l’Histoire. Les ancêtres de l’Homme vivaient en Afrique. Des Européens sont partis ailleurs, en colonisateurs, pour chercher du travail ou des conditions de vie meilleures, voire la paix ou la liberté.

Nombre de pays restreignent ou refusent l’accueil. Ce fut la honte de l’Europe d’avoir abandonné l’Italie et la Grèce, seules ou presque, face à la crise migratoire. C’est la honte de l’Europe d’avoir sous-traité à la Turquie la gestion des migrants se pressant à nos frontières. La Méditerranée et la Manche, transformées en cimetière marin, constituent un véritable crime contre l’humanité.

Le chacun pour soi en matière d’accueil et d’asile est contraire aux valeurs de l’Europe. Mais si la fermeture des frontières est un leurre, l’accueil sans conditions est tout autant impossible. Il faut donc élaborer une politique commune d’accueil et d’asile.

L’Europe que nous voulons est généreuse et se doit de rester une terre d’accueil pour les populations migrantes qui viennent y chercher refuge, paix et vie meilleure. L’Union se doit de réformer Dublin et définir un régime d’accueil et d’asile commun et solidaire, comportant des critères et des mesures de protection harmonisées. A cela doit s’ajouter une véritable politique d’intégration. Il convient aussi d’appliquer le concept de citoyenneté aux immigrés de longue date et intégrés. En contrepartie, les populations accueillies se doivent d’accepter et de partager les valeurs communes du pays d’accueil et de l’Union.

Pour ce faire, pour accueillir de nouveaux Etats membres, l’Union ne peut faire l’économie d’une réforme de ses traités. Il faut aussi permettre aux Etats souhaitant mener ensemble des politiques plus intégrées de le permettre, sans attendre l’unanimité de tous.


Signataires

Jean-Jacques FIX Fédération du Bas-Rhin, Section Jean Jaurès de Strasbourg Motion B

Linda IBIEM Conseillère régionale du Grand Est

Guillaume PARENT Secrétaire de la Section Marne-Forêt Noire

Marie-Odile VANDEWEGUE  Section Jean-Jaurès

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