Qui veut la paix doit savoir la défendre


Thème : Défense


Télécharger la contribution

La France doit appliquer une politique de défense nationale à caractère défensif. Elle doit toujours accorder une place primordiale au maintien de la souveraineté, de la sécurité et de l'intégrité territoriale du pays, à la garantie des intérêts du développement national et à la protection des droits et intérêts de la population. Elle doit donc s'efforcer d'édifier une défense nationale solide et une armée puissante qui s'adaptent à la sécurité et aux intérêts du développement national afin d'enrichir le pays et de renforcer l'armée en parallèle avec l'élaboration d'une société orientée vers la paix dans le monde et le respect de nos accords internationaux sans oublier de remettre en question les efforts budgétaires que nous consacrons à la force de dissuasion nucléaire.

« Comment porter au plus haut, pour la France et pour le monde incertain dont elle est enveloppée, les chances de la paix, Et si, malgré son effort et sa volonté de paix, elle est attaquée, comment porter au plus haut les chances de salut, les moyens de la victoire ? » Jean Jaurès, L’Armée nouvelle


REPENSER LA DÉFENSE ET LA DISSUASION NUCLÉAIRE

Sans sous-estimer les défis de sécurité et de défense qui se posent aujourd’hui et se poseront demain, il nous semble qu’il est temps d’impulser une dynamique de paix dans le monde, c’est-à-dire de mobiliser les forces armées sur la mise en place des conditions propices à la paix plutôt que de réduire leur travail à la défense ou l’attaque. Le ministère de la Défense sera rebaptisé ministère de la Paix et de la Défense.

Jusqu’à présent, la France a fait de la dissuasion nucléaire l’alpha et l’oméga de sa politique de défense. Une politique qui est sacralisée et dont toute remise en cause est quasiment assimilée à un désamour de la France, pour des raisons historiques (héritage reçu du général de Gaulle, crainte de revivre la crise de Suez de 1956 ou, pire, la défaite de 1940) et politiques (consensus des partis majoritaires), ainsi qu’en raison d’une croyance dans ce que confère la bombe : le prestige, le respect, le rang international.

La France est au troisième rang des puissances nucléaires militaires avec un arsenal « de moins de 300 ogives » réparti sur les composantes sous-marine et aérienne.

Le temps de la « ligne Maginot nucléaire » a vécu. Le souvenir de ce système de défense de l’entre- deux-guerres est à l’image de notre politique de dissuasion. Elle repose sur un système d’armement et de prises de décisions complexes, extrêmement lourdes à mettre en œuvre et très coûteuses, un système qui, comme l’ont écrit MM. Alain Juppé, Michel Rocard, Alain Richard et Richard Norlain dans une tribune publiée par Le Monde en 2009, « connaît des angles morts de plus en plus larges ». Les armes nucléaires ne sont d’aucune efficacité contre les menaces et les défis sécuritaires qui pèsent sur la France aujourd’hui. Pire, la dissuasion nucléaire accapare une partie du budget qui devrait être employé pour renforcer les forces conventionnelles (renseignements, moyens spatiaux, protection des espaces maritimes, etc.) et celles de sécurité intérieure. En restant sur des concepts d’un temps qui n’existe plus – ceux de la guerre froide, nous mettons en danger nos forces, nos concitoyens et plus largement la sécurité internationale.

Si la dissuasion est l’ultime protection, alors pourquoi l’histoire des puissances nucléaires depuis 1945 recèle-t-elle autant d’exemples démontrant le contraire ? Pourquoi les États-Unis, seul État à disposer d’un arsenal nucléaire en 1948, ne sont-ils pas parvenus à empêcher le blocus soviétique de Berlin ? Pourquoi la peur de l’arme atomique américaine n’a-t-elle pas empêché la Chine de secourir la Corée du Nord en mauvaise posture en 1950 ?

La politique de dissuasion est composée de la Force océanique stratégique (4 sous-marins lanceurs d’engins) et de la Force aérienne stratégique (40 avions Rafale). Ces deux composantes disposent actuellement des systèmes d’armes les plus sophistiqués (missiles balistiques M51 et de croisières ASMP-A), mis en service il y a moins de sept ans. Les porteurs de ces armes (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et Rafale) sont à la pointe de la technologie et de la technique militaire et assurent la crédibilité de nos forces armées. À ce jour, rien ne justifie de vouloir en moderniser l’ensemble, c’est-à-dire de construire les nouveaux systèmes d’armes promus par les industriels, qui entraîneraient un doublement du budget de la dissuasion (six milliards d’euros par an pendant au moins dix ans).

Comme dans le nucléaire civil, des coûts cachés existent (recherche duale menée avec le CEA, démantèlement des missiles...) et d’autres seront payés par les générations futures (démantèlement des installations nucléaires militaires de Pierrelatte et de Marcoule à l’horizon 2040/2050 et gestion des déchets nucléaires militaires).

Enfin, les armes nucléaires posent un problème de sécurité globale, c’est indéniable, sinon la communauté internationale ne combattrait pas la prolifération nucléaire. Pour la première fois depuis plus de vingt ans, il existe une solution crédible pour faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire. Une très large majorité du monde a en effet mis en œuvre en processus à l’ONU pour interdire les armes nucléaires, dernière arme de destruction massive à ne pas faire l’objet d’une interdiction complète. Ce traité sera la première marche pour créer les conditions favorables à un monde sans armes nucléaires. Les négociations de ce futur traité ont commencé en mars 2017, mais le pouvoir politique français actuel a refusé d’y envoyer une représentation diplomatique.

En 2013, le président Hollande a décidé d’exclure le sujet de la dissuasion nucléaire de toutes les discussions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

C’est pourquoi nous estimons que, dans un État démocratique comme la France, il n’est plus possible d’éviter un débat réfléchi et complet sur la dissuasion nucléaire.

Il est nécessaire de :

  • Geler le budget de la dissuasion nucléaire et ne pas moderniser cette force jusqu’en 2030. Maintenir en l’état le budget de la dissuasion, sans remettre en cause son fonctionnement, mais en dégageant des moyens budgétaires alloués à d’autres secteurs de la défense (renseignement, hélicoptères, patrouilleurs hauturiers par exemple), dont les besoins sont vitaux pour assurer la protection de nos concitoyens et de notre environnement

  • Lancer un Grenelle de la Dissuasion, sous forme d’un vaste processus démocratique de débat sur la dissuasion et le désarmement nucléaires et ce jusqu’en 2020, date de la prochaine Conférence de révision du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Trois années – où cette force continuera d’exister avec un budget constant – permettront sans précipitation d’entendre tous les corps de la société (diplomates, militaires, parlementaires, universitaires, juristes, humanitaires, industriels, scientifiques, religieux, ONG...) pour disposer d’une réflexion complète

Il est temps de confronter la réalité que cette force est censée nous apporter avec la réalité de toutes ses conséquences, politique, militaire, humanitaire, sanitaire, environnementale, économique, juridique, dont l’une d’elle est – et il ne faut jamais l’oublier – un risque de changement brutal et total de la société humaine.

  • Faire de la France une partie prenante des négociations onusiennes. Il est inadmissible qu’un État comme la France, membre du Conseil de Sécurité de l’ONU, pratique la politique de la chaise vide, néglige ses responsabilités et ne siège pas à côté de certains États européens. Discuter et négocier sont la base de la construction d’un monde meilleur et de la diplomatie que nous voulons construire. Nous prendrons donc part à ces débats pour faire avancer la sécurité globale de la planète


UNE POLITIQUE DE DÉFENSE NATIONALE ORIENTER VERS LE DÉFENSIF

Dans le cadre d’une posture stratégique défensive, posture naturelle du dominant sur son territoire, il s’agit de maintenir la souveraineté de nos espaces physiques (terrestre, aérien et maritime sur nos zones économiques exclusives) et maîtriser l’information dans les domaines électronique et cybernétique.

Protéger nos ressortissants français à l’étranger.

Protéger les voies de communication stratégiques nécessaires à notre autonomie politique, en particulier dans le domaine de l’énergie.

Respecter nos accords de défense et de coopération, voire en développer d’autres, en lien avec les ministères concernés (affaires étrangères, économie, coopération...). Développer l’esprit de défense au sein de la population française et participer au rayonnement de la France par des échanges bilatéraux ou multilatéraux, dans le cadre de la politique générale et en lien avec les ministères concernés...

La politique de défense nationale de la France à l’avenir doit comporter les points suivants :

  • Sauvegarder la sécurité et l'unité de l’État et assurer les intérêts du développement national

  • Réaliser un développement général, harmonieux et durable de la défense nationale et de l'armée

  • Renforcer la qualité de l'armée par le biais de l'électronique et la cybernétique

  • Pratiquer une stratégie militaire de défense active

  • Persister dans la stratégie nucléaire d'autodéfense et établir un environnement de sécurité favorable au développement pacifique de l’État.


Signataires :

Mathieu Gitton, secrétaire de section de Belgique


Télécharger la contribution

Veuillez vérifier votre e-mail pour activer votre compte.