A la fois prisés pour les valeurs que fait vivre le service public, que sont la continuité du service, l’égalité d’accès et son adaptabilité, et décriés pour leur manque d’efficacité et les dépenses qu’ils représentent, les services publics sont au cœur de tous les débats. Outils essentiels de la République, les services publics sont des communs qui nous permettent de faire vivre nos territoires et de créer de la solidarité de fait. La crise sanitaire a mis en exergue une réalité bien plus claire : il n’est plus temps de défendre le service public soumis à des remises en cause nombreuses et bien réelles, il y a nécessité de promouvoir une nouvelle vision des services publics comme des investissements collectifs au service de toutes et tous.
Les services publics doivent être repensés à l’aune du rôle des collectivités territoriales, avec des modèles d’investissements et de gestion à essaimer. C’est en proposant un modèle de financement crédible et soutenable, en assumant des choix de dépense publique clairs, que le service rendu aux publics permettra de réhabiliter pleinement l’utilité économique et sociale des services publics. La puissance publique ne se décrète pas, elle s’acquiert.
Réaffirmer une tutelle politique
Oui, nous avons des services publics qui ne peuvent être soumis aux mêmes logiques de rentabilité que des services privés. Oui, nous devons assurer que certains services, organisés par la puissance publique quel que soit le niveau d’intervention, échappent à de purs calculs de profit.
Aujourd’hui, il apparaît que la logique néolibérale s’applique aux services publics selon un schéma qui peut être reproduit dans différents secteurs, que ce soit celui des transports, de la santé, de l’emploi, de la justice, de l’éducation ou encore, puisque c’est un exemple visible, de la livraison de courrier et colis.
Le schéma décrit dans le « Le crépuscule des services publics » est clair et s’applique à l’ensemble des secteurs. La logique néolibérale impose tout d’abord une exigence de rentabilité à un service qui, par définition, a pour principe de base l’égalité de traitement et l’accessibilité de toutes et tous en prenant en compte des situations que le marché ne peut et ne veut pas identifier. Par conséquent, le service public n’est pas forcément rentable. Cette logique de rentabilité nécessite évidemment de couper les plus fortes dépenses et a pour conséquence directe un investissement moindre dans les infrastructures coûteuses qui pèsent justement sur ces dépenses. Ce manque d’investissement altère évidemment la qualité du service rendu. Cette dégradation est souvent pointée du doigt et l’Etat, comme financeur omnipuissant, est appelé à agir. Face aux différentes injonctions, la logique veut que l’offre privée soit la solution trouvée, afin de développer les services commerciaux et ainsi permettre le financement du service public. Néanmoins, cette privatisation est souvent partielle et sépare l’investissement non rentable, lié aux dépenses en infrastructures. Ainsi, les grandes entreprises privées, en captant les marchés commerciaux, bénéficient de l’ouverture à la concurrence, qui accompagne en ce sens la privatisation du service public.
Ce cercle vicieux, au-delà d’organiser une concurrence au sein même du système de service public, induit un changement dans l’organisation de fait et inverse le rapport de force. Le service reste public car organisé par la puissance publique, mais seulement en apparence. C’est en fait l’acteur privé qui maîtrise, de par sa prédominance technique et commerciale, l’organisation du service public. Cette équation n’est pourtant pas fatale.
Il faut que l’Etat retrouve la force de sa tutelle politique et administrative. Politique car le Gouvernement a un pouvoir d’orientation qu’il doit assumer sans délaisser cette responsabilité aux dites lois de l’économie. Administrative car l’Etat doit exercer son pouvoir de contrôle, d’encadrement budgétaire décidant des investissements et des tarifs.
Par ailleurs, la fatalité européenne est trop simpliste. Si l’Union européenne a en effet mis fin à la situation de monopoles dits naturels qui concernent certains services publics à l’instar des télécoms ou via les différents paquets ferroviaires, elle considère les services de l’énergie, des transports, de l’eau, des télécom, des postes ou encore de ramassage des ordures comme relevant de l’intérêt général. Bien souvent, l’ouverture à la concurrence des grands secteurs de l’économie s’accompagne d’un arsenal législatif qui préserve la faculté de l’Etat et de collectivités territoriales de conserver les services publics. Par exemple, dans le secteur ferroviaire, si plusieurs directives de libéralisation ont été adoptées, un règlement de 2007 dit « obligations de service public » (Règlement CE n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route) attribue aux autorités publiques la compétence de définir des obligations de service publics. Aussi, des obligations pèsent clairement sur l’organisation nationale et les orientations de politique publique, le désengagement de l’Etat – s’il est parfois encouragée – n’est pas inéluctable. Il est important de souligner le choix politique que la France peut faire en matière d’organisation, de financement et de gestion des services publics.
Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut à la fois affirmer un choix politique qui est l’investissement continu dans les services publics, repenser l’organisation du service public en pariant sur l’intelligence territoriale et déterminer des orientations claires pour des services soutenables.
Le financement de la puissance publique nécessite de retisser le consentement à l’impôt
La dégradation, perçue ou réelle, du service a un impact direct sur le consentement à l’impôt. En effet, le financement des services publics a toujours posé question puisqu’ils sont très majoritairement financés par le budget de la Nation, que ce soit le budget de l’Etat en premier lieu que le budget des collectivités territoriales au niveau local. Si certains voudraient ainsi laisser ce débat du financement aux gestionnaires, il est crucial de rappeler que les services publics sont des outils qui participent à une dynamique vers plus d’égalité. C’est bien pour cette raison que les classes les plus aisées ont toujours cherché à baisser leur participation à l’impôt, puisque les services publics garantissent une liberté d’accès et une même qualité de service pour tous les citoyens sans distinction. Aujourd’hui, la fragmentation de l’impôt et le développement des redevances, basés sur la notion d’usager et non de citoyen, sont concomitantes à des évolutions fiscales qui privilégient les impôts non progressifs alors que les taux d’impôts pour les plus riches – dont l’impôt sur la fortune est l’exemple criant – et les impôts sur les sociétés ne cessent de baisser, creusant des inégalités maintes fois analysées.
Pourtant, l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen affirme « pour l’entretien de la force publique et les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». Le Parti Socialiste doit ainsi porter un discours fort et lisible : l’augmentation de la dépense publique dans le but d’investir et de financer des services publics est un choix et une orientation politique qui doit prévaloir.
Pour cela, il faut rendre l’impôt acceptable. Plusieurs propositions visant à « Repenser la fiscalité » ont été faites, notamment dans une note récente de Brice Gaillard publiée par la Fondation Jean Jaurès.
Au-delà de la nécessaire réhabilitation d’un impôt de solidarité sur le capital – l’ISF – il est en effet nécessaire de penser la progressivité de l’impôt. Vouloir simplifier les tranches d’impôts provoque, entre autres, des effets de seuils et des exemptions délétères pour créer du consentement collectif. Au contraire, repenser la progressivité par la création de nouvelles tranches, est une piste à développer pour, d’une part imposer plus fortement les ménages les plus aisés, d’autre part réintégrer des populations aux revenus modestes qui ne participent pas aujourd’hui au financement du service public.
Le lien d’attachement aux services publics est fort, toutes les études le confirment, que ce soit pour les services publics nationaux ou pour les services publics locaux. Pourtant, comment se prévaloir du service public en tant que citoyen alors que le lien entre le citoyen – qui est aussi un administré – est coupé ? La redevance ne remplace pas l’impôt. Il y a donc nécessité à ce que l’ensemble de la population puisse participer au financement des services publics à hauteur de ses moyens, vieil adage qui permettra à toutes et tous de se prévaloir du service public comme un véritable commun. Cette participation économique, aussi modeste soit-elle, participera également à revaloriser l’image des services publics, qui représentent ainsi un investissement collectif et non comme un simple service dû. La perception de la qualité du service – et par ailleurs du rôle des agents – en sera aussi affectée, positivement.
Renforcer le pouvoir de contrôle de l’autorité publique et des élus locaux
Les acteurs privés ne peuvent être les garants des principes, piliers du service public. Si l’objectif d’une entreprise privée est considéré comme celui de générer du chiffre d’affaires et des profits, alors il est clair que la puissance publique doit garder le contrôle sur le service public, l’acteur privé étant un simple partenaire. Se pose même très clairement le poids et la capacité d’une commune ou d’un EPCI face à des leaders mondiaux, et ce même quand l’Etat est actionnaire, tels que Véolia, Suez – comme on a pu le voir récemment –, Kéolis ou encore la SNCF. Aussi, dès lors que l’exploitation du service public est concédée ou déléguée à une entreprise, il convient que la puissance publique puisse avoir des moyens et des outils de contrôle. Ce contrôle est d’autant plus nécessaire que les structures peuvent développer des activités hors périmètre données au départ, en développant des services associés.
Les modèles collaboratifs d’organisation du service public doivent ainsi être mieux contrôlés par les élus locaux. En effet, il faut que la transparence soit assurée vis-à-vis des collectivités actionnaires et que les outils de compréhension et d’analyse soient donnés aux assemblées délibérantes. Cela est d’autant plus vrai quand les services sont confiés à des syndicats mixtes très techniques ou encore quand ils sont mutualisés sur un territoire divisant et diluant le pouvoir entre chaque collectivité impliquée.
Ce renforcement des pouvoirs de contrôle de l’autorité publique qui concède l’exploitation du service public à une entreprise privée doit lui permettre de mieux comprendre les coûts d’exploitation et le niveau des redevances associées pour mieux les maîtriser. Et ainsi de mieux innover notamment sur les montages financiers, le cadre lui permettant.
Il faut armer les services de l’administration et notamment des collectivités territoriales qui ne doivent être tributaires des orientations imposées, informellement et de façon insidieuse, par certaines entreprises. Il faut mettre un terme au déséquilibre existant entre les autorités concédantes et les entreprises titulaires des contrats de service public.
Ce renforcement passe par une formation des élus. Arrêtons de penser que les services publics, parce qu’ils seraient des émanations d’une puissance publique, fonctionneraient comme des machines. Le service public est d’abord fait de femmes et d’hommes qui en sont les garants. Si l’expertise est le pouvoir alors il faut la développer en interne ou avoir les moyens de la contrôler.
Avec la fin des monopoles d’Etat des grands secteurs de l’économie (transports, électricité, gaz, télécoms) ont été créé des autorités administratives indépendantes (AAI) chargées d’accompagner l’ouverture à la concurrence et de réguler ces secteurs. L’expertise et la connaissance des grands secteurs régulés développée dans ces autorités pourraient être partagées et utilisées par les décideurs publics qui ont la charge de piloter les services publics. Cela va de pair avec un renforcement du contrôle démocratique qui doit être exercé par le Parlement, condition sine qua non pour que les autorités ne s’affranchissent ni des règles budgétaires ni des débats politiques sur leur périmètre d’action.
Ainsi, les associations d’élus, en lien avec ces autorités, devraient constituer des équipes spécialisées qui seront des cellules de soutien aux régions, aux départements et aux communes, à même de les aider à mieux négocier, calibrer et gérer les conventions de service public. Ce partage des connaissances et des compétences permettrait d’armer les autorités concédantes pour mener les négociations en ayant connaissance de l’ensemble des enjeux et des intérêts. Ces équipes devront ainsi orienter et développer un dialogue aussi technique que politique sur la préparation des contrats, la rédaction des clauses des marchés publics et des concessions, que ce soit avec le partenaire en direct, ou que ce soit avec le cabinet mandaté pour négocier le marché en amont.
Enfin, il est plus que nécessaire de renouer le dialogue avec les usagers des services publics, de renforcer la consultation des organisations d’usagers et des syndicats présents dans les grands services publics.
Faire confiance à l’intelligence territoriale : le privé n’est pas l’ennemi du service public, il est un partenaire sans en être le garant
Pour nourrir la réflexion nécessaire à avoir sur la dette, et sur le financement du service public, il est essentiel d’utiliser l’intelligence territoriale pour une gestion locale adaptée des services publics.
Ainsi, le Parti Socialiste doit se ressaisir de la question de la décentralisation et de l’organisation des services publics à tous les échelons. Les collectivités territoriales sont en première ligne dans la gestion de cette crise et elles démontrent leur capacité à agir sur leur territoire de manière plus efficace qu’un Etat centralisé sur certains services publics. Pour ne citer qu’un exemple, la régionalisation du service public de l’emploi doit être mise en œuvre, compte-tenu de la spécificité des marchés régionaux de l’emploi, en donnant de l’autonomie aux structures territoriales et aux agents. Ainsi, au-delà de l’expérimentation en cours, pour les conseils régionaux volontaires, et en plus de leur compétence-clé en matière de développement économique, ces derniers doivent pouvoir flécher les formations vers les secteurs clés dans une logique territoriale.
La décentralisation permet également de développer des expériences territoriales, locales, qui nous permettent de penser un service public qui prône ses principes clairs : continuité, égalité et adaptabilité. Si les infrastructures, comme les rails, les écoles ou encore les hôpitaux ont besoin d’un effet levier porté par l’Etat, les modèles locaux d’organisation, de financement et de gestion des services publics territorialisés – comme une gestion de l’eau, de l’électricité et du gaz en régie qui sont autant de leviers nécessaires à la réduction de la fracture énergique des territoires – font travailler ensemble des acteurs différents qui s’entendent sur un objectif commun et qui permettent à la collectivité d’exercer sa compétence. Il est ainsi possible de développer des modèles de sociétés qui sont autant d’outils à disposition des collectivités.
Si le modèle de SEM a beaucoup évolué ces dernières années, il peut être encore développé d’une part pour davantage sécuriser le modèle d’autre part pour que les élus, notamment dans les territoires ruraux maîtrisent plus précisément le fonctionnement et la plus-value que peuvent apporter ces sociétés d’économie mixte, en termes de coûts (capitaux publics et privés) et de rapidité d’exécution. Selon la Cour des Comptes, en 2018, 925 SEM étaient recensées parmi les 1 300 entreprises publiques locales (EPL). Désormais, d’autres modèles d’entreprises publiques locales existent avec les sociétés publiques locales (SPL) et les sociétés d’économie mixte à opération unique. Cela permet aux collectivités de disposer de meilleures compétences d’ingénierie tout en gardant la maîtrise de leur politique territoriale. L’exécution des missions d’intérêt général peut ainsi cohabiter avec le principe de la liberté du commerce et de l’industrie parce qu’il y a orientation et contrôle de la part de la puissance publique. Ces modèles portent en eux des capacités d’innovation – et donc d’adaptabilité – à un échelon territorial, qui peuvent être considérés comme une stratégie d’organisation du service public.
Des modèles alternatifs peuvent également être développés. Dans ce contexte de crise sanitaire où les services publics sont prisés pour leur résilience mais aussi méprisés pour leur caractère jugé non profitable, le modèle de SCOP en est un. De même, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) est un modèle de gouvernance partagée et un outil de mise en œuvre de services publics locaux. L’intérêt principal de ces modèles est la coopération des acteurs rassemblés dans l’entité, que ce soit des entreprises, associations, collectivités territoriales, pour organiser un service public. Cette coopération rassemble ainsi les besoins de l’ensemble des acteurs représentés et permet aux acteurs locaux détenteurs du pouvoir, en l’occurrence les collectivités territoriales, de déterminer des politiques publiques sur des objectifs de qualité de services. Ces modèles sont notamment des voies nouvelles pour organiser durablement et efficacement les métiers du soin, envers autant les personnes en situation de handicap, les séniors. Ces modèles peuvent être autant d’outils de gestion que des leviers d’action politique, luttant contre l’émiettement de ces pans de services délaissés et liés à des statuts souvent précaires des travailleurs pour des raisons de rationalité économique.
Des services publics pour une transformation écologique & solidaire
Les modèles d’organisation, sont autant de réponse à cette nécessité, et cette demande des citoyens de services durables et soutenables. Les services publics doivent être des vecteurs de services publics durables autant dans leur organisation que dans leur objet. L’adaptation est ainsi un des piliers du service public et il doit être porteur d’innovation sociale et environnementale. C’est ce que font les élus socialistes au quotidien sur leurs territoires. C’est ce que nous devons développer pour assurer un déploiement des services publics en lien avec la réalité des territoires. C’est par là que passe la revitalisation – et la reconquête ! – des communes rurales, des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des villes moyennes.
Alors que les modes de vie changent profondément, notamment dans ce contexte de crise sanitaire qui s’inscrit dans la durée et qui peut impacter durablement les comportements avec des mouvements de population réels sur le territoire, le service public doit servir autant de repère que de cellule d’innovation, remplissant des objectifs sociaux-économiques et environnementaux clairs. C’est déjà le cas pour des types de service avec le développement des mobilités actives et durables ou les services de médiation de proximité avec les fameux PIMMS – Point information médiation multiservices. Nous devons aussi prôner le développement durable et social par la forme même du service, par exemple par les services de location – qui sont autant de services de proximité – basés sur l’économie de la fonctionnalité.
Déserter les territoires ruraux ne doit plus être la norme alors que les temps de trajets pour accéder au panier des services du quotidien (écoles, service postal, commerces, etc.) ne cessent d’augmenter dans les communes peu denses. Pourtant, remplacer les points physiques par des services dématérialisés ne peut être considéré comme un même niveau de service.
Si le numérique est évidemment un atout dans la diffusion des services, il ne peut consister en lui seul une solution. Les préconisations ne manquent pas sur ce point, et le rapport le Défenseur des droits de 2019 « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » pointe notamment la nécessité de préserver l’accès aux services publics. On ne peut pas dissocier le numérique d’un service humain. Aussi, les structures de mutualisation ne peuvent être une règle générale applicable partout et sans logique territoriale prenant en compte les publics, c’est-à-dire les usagers, c’est-à-dire les citoyens.
Par ailleurs, les notions de « pouvoir », « vouloir » et « savoir » utiliser le numérique sont autant de questions qui restent aujourd’hui non abordées et qui sont pourtant des éléments clés pour penser la présence du service public et sa continuité.
Les services publics représentent un enjeu majeur d’attractivité territoriale. Les socialistes doivent démontrer par l’exemple qu’un service public géré par la puissance publique au nom de l’intérêt général est encore possible, et souhaitable.
Au-delà, l’amélioration des conditions de travail des agents, garants des valeurs du service public
Dans ces temps de crise sanitaire qui se double d’une crise économique et qui se triple d’une crise sociale, promouvoir les services publics semble relever du simple bon sens. Force est de constater que cette vision, pourtant évidente à nos yeux, n’est pas partagée par toutes et tous jusqu’au sommet de l’Etat. Pourtant, citer l’hôpital public est facile tant la réalité des derniers mois a souligné le manque d’investissement et mis au grand jour un modèle à bout de souffle, qui repose essentiellement sur le dévouement et la formation de son personnel. Mais il serait tout aussi facile de citer l’école publique, récemment touchée en son cœur par un atroce attentat et qui prouve là encore par la résilience de ses professeurs son attachement inaltérable en la République. Et il serait également jugé évident de citer la police – et ce malgré les bavures de certains qu’il faut condamner, les transports ou la justice. Nous avons besoin de services publics. Nous en avons besoin si nous voulons faire société.
Aussi, ce qui fait le socle des dernières mobilisations intersectorielles et notamment les grèves de décembre 2019, ce sont les conditions de travail de ceux qui font au quotidien nos services publics. Ce sont les cheminots, les instituteurs, les infirmières, médecins, les agents de Pôle Emploi, les pompiers, sans oublier les personnels des services sociaux en charge notamment de la protection de l’enfance et de la gestion des violences conjugales. Les politiques de prévention sont aujourd’hui abandonnées ou réduites à peau de chagrin (PMI, soutien parental, etc.). L’injonction de résultats, le grignotage de l’automatisation, les baisses d’effectifs continues et les réorganisations incessantes allant jusqu’au changement d’outils informatiques et de logiciels permanents, créent des conditions de travail qui engendrent une insécurité pour les agents, pour des salaires inférieurs à la plupart des voisins européens. La logique managériale – le fameux New Public Management – laisse une place toute trouvée aux acteurs privés, permettant de plus en plus le recrutement de non fonctionnaires. Si le débat sur la réforme de la fonction publique est crucial, la solution du privé ne règlera pas la question de la performance en un clic, et creusera sûrement encore plus l’incompréhension de l’objectif du service public. L’argument économique se conjugue ainsi avec un argument social : les métiers du lien, les métiers du service public, les métiers au service de tous les publics, sont dévalorisés. Il nous faut les défendre face aux attaques portées à leur statut car cela relève de la protection du service public et non pas de soi-disant privilèges. Surtout, nous devons les valoriser, fidèlement à la culture du Parti Socialiste, aussi pour lutter contre le clientélisme réel que pratiquent certains élus. Les conditions de travail sont un des leviers premiers. Les agents sont les premiers garants de la qualité et la neutralité du service public.
Signataires :
Claire Rabès, Secrétaire nationale en charge des services publics, PS93.
Patrick Kanner, Président du groupe socialiste, écologiste et républicain du Sénat.
Corinne Narassiguin, Secrétaire nationale à la coordination et aux moyens.
Eric Kerrouche, Sénateur des Landes et Secrétaire national chargé de la démocratie citoyenne et des institutions.
Myriam El Yassa, Secrétaire nationale en charge de la lutte contre les discriminations.
Vincent Duchaussoy, Secrétaire national en charge du travail et du dialogue social.
Michelle Faury, Secrétaire fédérale aux services publics, fédération du Gard.
Fabrice de Comarmond, Secrétaire national en charge du numérique.
Olivier Jacquin, Sénateur de la Meurthe-et-Moselle, Secrétaire national en charge des transports.
Christian Vély, militant socialiste, PS75