Réindustrialisation de notre pays : Propositions


Thème : Réindustrialisation


Commission nationale entreprises

La désindustrialisation de notre pays est un épisode dramatique de notre histoire, qui mérite d’être mieux cerné si nous voulons prendre des mesures afin de retrouver dans un proche avenir une France réindustrialisée à hauteur de nos voisins européens proches (Allemagne et Italie), capable de retrouver sa souveraineté perdue dans certains domaines industriels stratégiques et d’être en mesure d’équilibrer ses échanges avec ses partenaires européens et mondiaux. Nous présentons ci-dessous nos propositions pour retrouver la part de valeur ajoutée des PME dans le PIB national, que nous avons perdue par dégradations successives de la part que les PME représentaient dans l’activité industrielle. Elles ont été les victimes de la première crise de l’énergie au sortir des trente glorieuses, dans les années 70, puis à partir de l’entrée progressive dans le marché commun, et plus encore exposées frontalement à la mondialisation sans préparation spécifique, souvent sans qu’une véritable politique industrielle soit mise en place pour les soutenir : à la perte de valeur ajoutée correspond la perte d’emplois qui a conduit à un taux de chômage anormalement élevé dans notre pays, et enfin, depuis les années 2000 notre balance commerciale s’est détériorée de façon continue au point de constituer un sujet d’inquiétude permanente.

Le Diagnostic de la désindustrialisation est détaillé dans trois autres contributions :

  • « DESINDUSTRIALISATION : LE DIAGNOSTIC – PREMIERES ETAPES DES ANNEES 70 AUX ANNEES 2000 » ;
  • « DESINDUSTRIALISATION : LE DIAGNOSTIC – A PARTIR DES ANNEES 2000 » ;
  • « DESINDUSTRIALISATION : LE DIAGNOSTIC – LA MONDIALISATION, LES ANNEES 2010 »

Il s’agit pour nous d’atteindre un certain nombre d’objectifs socio-économiques, en réindustrialisant le France, dont les gouvernements libéraux ne se soucient pas suffisamment :

*atteindre le plein emploi à l’issue d’un quinquennat.

*rééquilibrer le commerce extérieur

*restaurer notre souveraineté dans les domaines stratégiques 

*restaurer notre compétitivité, notamment en assurant notre indépendance énergétique.

*lutter contre le réchauffement climatique, pour cela atteindre une économie décarbonée en 2050, pour maintenir la biodiversité.

*redonner aux salariés le goût de travailler dans les entreprises manufacturières, pour y exercer un métier attractif et rémunérateur, et pour bénéficier d’une retraite digne en bonne santé.

Nous ne partons pas de rien : un « noyau » réduit de Mittelstand français a subsisté malgré les ravages de la mondialisation.

Le mouvement de la French Fab a été lancé par la BPI, avec des outils d’intervention auprès des PME et ETI : prêts à long terme, garanties export, financement de l’innovation, afin de susciter de l’intérêt pour l’entreprenariat. Les entreprises sont encore consultées, accompagnées, dans leur formation au management moderne, mais à une échelle insuffisante pour traiter massivement les problèmes évoqués dans la partie DIAGNOSTIC.

En ligne de mire il reste à combler les retards ou les déficiences dans les domaines suivants :

 

Actions publiques à enclencher/renforcer

En France :

Dans le cadre de la mission de régulation et de planification de l’état stratège que nous allons reconstituer, nous devons consacrer des efforts particuliers de redressement des domaines dans lesquels nous sommes en retrait par rapport à nos partenaires et concurrents européens :

  • la robotisation

  • la digitalisation et l’utilisation de l’intelligence artificielle ;

  • la formation aux métiers de l’industrie, de la soudure de précision à l’intelligence artificielle ; les écoles de métiers dans les grands groupes doivent y contribuer : elles doivent être réactivées dans les entreprises publiques (EDF, SNCF …) et encouragées fiscalement dans les groupes privés ; le fait qu’EDF fasse venir des soudeurs des US illustre à nouveau cette nécessité ;

  • le soutien de l’état (prêts, commandes publiques…), aux entreprises des branches stratégiques (énergie, télécommunications, aéronautique, transport, santé, agroalimentaire, armement) doit éviter la fermeture d’entreprises ou leur acquisition par l’étranger, notamment extra-européen.

La préférence dans les commandes publiques pourrait être une politique européenne et non strictement nationale, d’une façon générale, ce qui peut sembler être une entorse à la concurrence peut faire l’objet de négociations avec nos partenaires, selon le principe de réciprocité.

Il est souvent argué que le soutien à une entreprise trop déficitaire ne ferait que gaspiller de l’argent public avant une échéance inévitable mais la préservation d’équipes et de savoir-faire est un objectif raisonnable, des indicateurs peuvent être définis pour borner dans le temps le soutien, une telle stratégie peut être gagnante et prendre des formes diverses depuis des subventions jusqu’à des PGE (Par le passé : Renault, France Télécom …)

  • l’accès large au Lean Management par des actions de formation intensives des salariés des PME concernés, en tenant compte de la qualité de vie au travail.

  • l’usage intensif de l’anglais comme langue de travail, pour permettre aux PME d’exporter avec la même facilité que leurs homologues allemandes ou encore espagnoles et Cependant nous veillerons au maintien de la langue française dans le secteur des industries culturelles.

  • organiser de façon optimale (éviter les duplications comme les oublis) les synergies état/régions, pour faire disparaitre le centralisme jacobin, parfois encore prédominant, et responsabiliser les acteurs de terrain, qui ont vécu la désindustrialisation au plus près, et qui ont pu être découragés par les médiocres résultats obtenus.

  • la valorisation de l’innovation, quel que soit le domaine concerné, intellectuel (imprimantes 3D, métavers, objets connectés,..) ou manuel, ce dernier ayant été souvent oublié, voire méprisé.

  • la venue des jeunes ingénieurs dans l’industrie (grands groupes et PME), alors qu’ils se destinent encore trop souvent aux carrières financières.

  • renforcer et valoriser du lycée à l’enseignement supérieur l’enseignement scientifique comme l’enseignement technique : le niveau en sciences des élèves français baisse, nous manquons d’ingénieurs et de techniciens, cela risque d’asphyxier l’industrie

 

Avec l’Europe

  • favoriser le jumelage entre entreprises (PME, ETI) françaises et allemandes
  • retisser les écosystèmes autour des grands groupes industriels privés, qui ont réussi leur mutation internationale : l’Oréal, Schneider, Legrand, Thalès, Safran, Valéo, Airbus, Faurecia, Stellantis, Air Liquide, ST Micro, Orange, Dassault système, SEB, Plastic Omnium. Idem avec les grands groupes publics (EDF,…) , qui ont aussi internationalisé leurs achats et leurs fabrications.

  • égaliser et maintenir au niveau des Etats Français et Allemand, la pression fiscale sur les entreprises en France et en Allemagne. L’écart actuel est de 10,7 points de valeur ajoutée, ramené à 8 points en tenant compte du CIR, dont 50% pour les impôts production (C3S, CFE, CVAE).
  • s’assurer avec nos partenaires européens, Allemands en particulier que l’industrie intègre son activité et ses pratiques dans la perspective d’un respect de la planète, de l’arrêt du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité, ainsi que du progrès économique au service de toutes et tous : la Responsabilité Sociétale des Entreprises doit être clairement établie. Nous devons encourager le développement des entreprises de mission. Les entreprises ne peuvent pas produire des biens ou des services nuisibles à l’Homme et à son environnement, et si elles le font l’Etat doit pouvoir les sanctionner à travers une législation contraignante.

 

Actions dans le cadre du plan France 2030 et au-delà

En France

  • accorder des financements aux nouveaux acteurs industriels qui s’engagent sur le marché national ou international.
  • assister les start-ups industrielles, pour leur digitalisation, et la décarbonation des productions ainsi que pour faciliter la collaboration Université-Entreprises.

  • envisager quelle peut être la spécialisation de la France dans le concert industriel européen : luxe, aéronautique, nucléaire, automobile, etc…

  • relancer la filière nucléaire (EPR2, SMR, réacteurs de quatrième génération…)

  • investir massivement dans l’Hydrogène décarbonée (produit à partir des énergies renouvelables et du nucléaire)

  • réanimer l’industrie pharmaceutique pour assurer notre souveraineté dans la production des médicaments de base et dans la production de vaccins

  • entretenir le succès mondial de l’industrie spatiale, avec ses programmes de lanceurs européens, d’observation de la Terre, et de télécommunication (constellations).

  • investir dans la valorisation du domaine maritime.

  • inciter fiscalement les donneurs d’ordre à initier eux-mêmes les processus de relocalisation en France, même partiellement, pour entrainer les PME dans ce mouvement.

  • compenser notre déficit en robot industriels par rapport à l’Allemagne (qui en dispose de 22 300, alors qu’en France nous n’en avons que 5400).

  • imposer des normes de décarbonation compatibles avec la fragilité des PME et ETI, qui ne leur mettent pas le dos au mur, en leur accordant délais et financements adaptés à leur situation.

  • former dès maintenant les dirigeants d’entreprises (PME-ETI) et leurs collaborateurs à la montée en gamme de leurs produits, justifiant le niveau plus élevé des couts de production.

  • donner une plus grande place à l’économie sociale et solidaire, porteuse d’emplois et de conditions de travail meilleures, dont les activités ne sont pas délocalisables. L’appui de la Banque des Territoires, qui lui est dédiée, sera renforcé.

 

Conséquences en Europe

  • coordonner la réindustrialisation en France (10% du PIB) et en Allemagne (20% actuellement devant atteindre 25% prochainement) de façon à ne pas s’asphyxier réciproquement.
  • harmoniser le rôle des représentants du personnel dans les entreprises françaises et allemandes, c’est-à-dire donner aux représentants du personnel en France, aux administrateurs salariés, le même pouvoir que celui de leurs équivalents allemands, afin de responsabiliser tous les acteurs dans la marche de l’entreprise.

  • assurer un renouveau de la politique industrielle en créant en France un véritable Commissariat au plan, avec une mission particulière de réindustrialiser les territoires (en liaison avec les Régions).

  • soutenir les grands programmes, en particulier dans les domaines où les déficiences sont notoires : moteurs de recherche, traitement des données, semi- conducteurs, batteries, infrastructure hydrogène.

 

EN CONCLUSION

Notre pays peut et doit retrouver sa place dans le groupe des six premières nations, qui tirent l’économie et le progrès social dans le monde.

Nos valeurs de liberté, d’égalité, de justice sociale, de respect du travail et de la créativité des salariés qui sont à l’origine de l’essentiel de la valeur créée sont un atout pour redéfinir et développer une industrie manufacturière pérenne, qui a toute sa place dans la France de demain, que les Français attendent à coup sûr.


Signataires :

Commission nationale entreprises : Yves Beguin, Rémi Thomas, Anne Le Moal, Jean-Marie Mariani, Elisabeth Humbert-Dorfmüller, Christian Vely, Patrick Ducome, Charles Cala, Rémi Aufrère-Privel,  Arnaud Delcourte,  Alain Ternot, Patrick Ardoin, Marcel Villeneuve, Pierre Sztulman,  Brahim Messaouden, Olivier Sabin


 

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