Résolution du Bureau national du Parti socialiste


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– Mardi 9 mai 2023

La lutte pour la justice sociale ne saurait se passer d’un travail de fond contre les mafias et les systèmes parallèles qui exploitent, partout en France et dans le monde, les humbles et les modestes, qui affaiblissent l’État et notre modèle social, afin de nourrir le crime organisé. 

Dans l’objectif de conserver leur mainmise sur les trafics, ces criminels ne reculent devant rien : exploitation des plus faibles et notamment des mineurs, enlèvements, séquestrations, assassinats, esclavage, prostitution, pillage de l’État. La violence déployée et les gains engrangés ne cessent de croître ; ils méritent une réponse ferme et forte de la République, à la hauteur de l’enjeu.

Les récents événements tragiques survenus à Marseille mettent en exergue une fois de plus l’impuissance de l’État face à ces maux qui rongent des pans entiers de notre pays (en milieu urbain comme en milieu rural, en métropole comme dans les outremers). Depuis le début de l’année, la cité phocéenne a déjà enregistré un triste record d’assassinats et de tentatives d’assassinat. Nous assistons de plus en plus à une fabrique de la terreur avec des fusillades à l’aveugle, touchant des gens qui n’ont rien à voir avec le monde de la criminalité. Ceux qui, cyniques, commentaient : « qu’ils se tuent entre eux », n’ont plus d’excuse.

Mais la terreur ne s’arrête pas à des scènes de guérilla quasi-quotidiennes, elle se poursuit par la prise en otage des quartiers et de ses habitants où les réseaux de drogue prennent toute la place. C’est la vie de quartier et le quotidien de ses habitants qui sont touchés : des mères de familles qui changent de trottoir, des enfants qui ne peuvent plus sortir jouer, des associations qui cessent toute activité et une peur qui se généralise. Nous ne pouvons plus détourner le regard. D’autant que cette situation implique de très nombreux protagonistes, venant parfois de toute l’Europe, et de plus en plus jeunes. La violence est à son paroxysme, elle-même favorisée par une circulation accrue d’armes de guerre sur le territoire national.

Depuis des décennies, nous tentons de mettre des pansements sur un mal profond qui touche notre société. Il est temps de s’attaquer à sa racine. Au-delà d’une action résolue en faveur de ces quartiers, pour lutter contre le crime organisé et la grande délinquance financière, il faut s’inspirer de ce qui fait la force de la lutte contre le terrorisme. Celle-ci repose sur une grande complémentarité entre les activités de renseignement et celles de police judiciaire, le tout dans une logique de coopération internationale. Un terroriste sera suivi en renseignement et dès que son projet criminel sera avancé, il sera basculé en judiciaire et condamné grâce à une enquête efficace car bien orientée ; à tous les stades des différentes enquêtes, d’innombrables informations seront reçues en coopération et exploitées. Il nous faut donc muscler l’amont et sanctuariser l’aval de la stratégie sécuritaire et pénale.

 

MUSCLER L’AMONT AVEC LA CRÉATION D’UN SERVICE DE RENSEIGNEMENT DÉDIÉ

Alors que le terrorisme accapare l’attention et une grande partie des moyens humains et financiers, alors qu’on n’en finit plus d’annoncer depuis dix ans une meilleure organisation du renseignement économique et financier (qui se restreint désormais à la seule fraude fiscale dans le plan présenté par le ministre des comptes publics), alors que le code des douanes a subi de nombreuses censures constitutionnelles, il est temps d’organiser la réponse de l’Etat à ce défi majeur, comme nombre de pays l’ont déjà fait, afin de mieux détecter et connaître les réseaux criminels. Or, le renseignement criminel fait figure de parent pauvre dans la stratégie de sécurité intérieure.

Le Parti socialiste appelle donc à la création d’un septième service de renseignement dédié à la criminalité organisée et la grande délinquance financière.

  • Il pourrait s’inscrire au sein du ministère de l’Intérieur tout en entretenant des liens étroits avec les ministères économiques et financiers ;

  • Il bénéficierait du cadre juridique créé par la loi renseignement du 24 juillet 2015 afin de mettre en œuvre les techniques de renseignement appropriées ;

  • Il pourrait, pour certains de ses missions, mettre en œuvre des dispositions du code des douanes, notamment telles qu’issues de nouvelles rédactions ; 

  • Ses capacités de recrutement seraient ouvertes à des profils trop peu nombreux au sein des services de renseignement (analystes financiers, spécialistes pays et métiers par exemple).

  • A l’instar de la DGSI en matière de lutte contre le terrorisme, il serait désigné comme coordonnateur des services de renseignement compétents (DGSI, DGSE, Tracfin et la DNRED, pour le premier cercle de la communauté du renseignement) ;

  • A l’instar de la DGSI pour la lutte contre le terrorisme et le contre-espionnage, il pourrait disposer de compétences judiciaires afin de bénéficier de co-saisines par l’autorité judiciaire et ainsi venir en renfort des services de police judiciaire existants ;

  • Il publierait chaque année un état de la menace afin de populariser ses missions.

 

SANCTUARISER L’AVAL AU TRAVERS D’UN SOUTIEN MASSIF AUX ACTIVITÉS DE POLICE JUDICIAIRE

La police judiciaire se débat face à des phénomènes d’une rare complexité, habitués à l’action clandestine, parfois soutenus par des Etats et très fortement équipés, y compris du point de vue technologique.

L’existence de techniques spéciales d’enquête qui ont été modernisées par la loi du 3 juin 2016 ou la création des différences offices (dont l’OFAST sous le premier quinquennat Macron afin de lutter contre le trafic de drogues) ou encore la Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) qui a prévu des moyens supplémentaires pour le ministère de l’Intérieur ne suffisent pas à répondre à un défi stratégique. 

Le Parti socialiste sera très attentif à ce que les moyens votés par le Parlement bénéficient notamment à l’indispensable rattrapage technologique en matière de déchiffrement des communications électroniques et des terminaux, à la captation judiciaire (activité portée par le STNCJ), d’une manière générale à la mise à niveau technologique de la PJ, au dispositif de protection des témoins, etc.

Le Parti socialiste s’alarme de la désaffection des enquêteurs pour la filière judiciaire (complexité, faible reconnaissance, etc.) que le récent mouvement de contestation a parfaitement mis en lumière. Il souligne sa préoccupation que la départementalisation de la police judiciaire, et son risque de démantèlement de la PJ, ne soustrait pas des moyens à la lutte contre la criminalité organisée et la grande délinquance financière. Il appelle à une mise en place rapide et ambitieuse des assistants d’enquête.

Le Parti socialiste réclame également des moyens supplémentaires pour la Junalco (juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée) et les JIRS (juridictions interrégionales spécialisées).

Il appelle à une parfaite coordination des échelons judiciaires impliqués dans l’enquête et la répression de ces phénomènes criminels.

Le Parti socialiste propose enfin à l’ensemble des forces de Gauche la création et le pilotage d’une commission transpartisane entièrement dédiée à ce sujet pour permettre d’inclure des solutions réelles dans le futur projet commun de gouvernement.

Cette action doit nécessairement s’accompagner d’un volet européen et international mais également d’une politique de santé publique autonome, structurée et ambitieuse (prise en charge des addictions et légalisation du cannabis notamment).

La responsabilité de notre famille politique est de lutter contre toute forme d’exploitation et de détruire les organisations qui s’extraient du cadre républicain pour défendre l’intérêt individuel d’un petit groupe au mépris de la vie du plus grand nombre et des plus modestes en premier lieu.


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