Réussir l’école inclusive ensemble, par la confiance et la co-éducation !

Thème : Ecole inclusive


 

L'école inclusive est un marqueur de gauche dont le Parti Socialiste doit s’emparer, parce que c’est le seul chemin qui puisse nous amener collectivement vers une société réellement inclusive, une société dans laquelle chacun ait une juste et égale place. Pour que l'éducation soit un droit fondamental garanti à chaque enfant, nous devons encore relever de nombreux défis, notamment celui de proposer des environnements scolaires véritablement accessibles et inclusifs pour toutes et tous.

Cela impose une vision globale et pensée sur tous les temps de l'enfant, sortir de la vision en silo des politiques publiques pour construire, en transversalité, avec tous les acteurs de tous les temps de l'enfant, une vraie collaboration structurée et financée, entre le médico social, l'éducation nationale et les collectivités territoriales.

L’école inclusive ne saurait se limiter à des ajouts de dispositifs de compensation destinés aux seuls élèves reconnus administrativement comme étant en situation de handicap. Cette ambition suppose une réforme profonde d’un système éducatif trop élitiste et abusivement sélectif qui ne laisse que peu de chances aux élèves à besoin particuliers, quelles que soient les causes de leurs difficultés, médicales, psychologiques ou sociales.

L’école dite “en milieu ordinaire” accueillait historiquement des enfants dits ordinaires, dont les enseignants étaient formés à l’école normale. Les enfants porteurs de handicaps, quel que soit le handicap, n’ont longtemps eu pour seule réponse qu’un accueil en institut spécialisé, conduisant à les mettre à l’écart de leurs pairs, et les privant de leur parcours de vie d’écoliers. Or, les enfants ont besoin de se côtoyer, de grandir ensemble, d’éprouver l'altérité. Cette rencontre entre tous les enfants est essentielle à mettre en place, dès le plus jeune âge, comme processus de socialisation dans le respect des spécificités et des différences de chacun. Aujourd'hui, nous aspirons à ce que la scolarisation inclusive soit la règle, telle qu’instituée par la loi du 11 février 2005 : “chaque enfant en situation de handicap a le droit d’être scolarisé dans une école ordinaire, proche de son domicile.” Si le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés a progressé ces dernières années, la scolarisation pour nombre d'entre eux est à temps très (voire très très) partiel, sans solution alternative complémentaire. C’est un changement systémique qui est nécessaire, qui appelle plus et mieux : de moyens, de coopérations, de formation.

Pour inverser cette dynamique et permettre aux futures générations de se connaître, se reconnaître, dès le plus jeune âge, pour que leur poursuite de parcours, du CFA à l'enseignement supérieur soit effective, et plus tard l’entrée dans la vie professionnelle assurée, il est impératif de repenser le droit à l’enseignement dans notre pays. L’école, en elle-même, doit être un véritable lieu commun, inclusif et émancipateur, qui instruit et éclaire les citoyens, sans distinction, comme le commande la Convention internationale des Droits de l’Enfant mais aussi et surtout la Convention internationale des droits des personnes handicapées (ONU 2006) ratifiée par la France. En 2021, l’audition de la France par le comité de suivi de cette convention a été sanctionnée par un rapport sévère sur la politique française jugée très insuffisante, tant sur la question de l’accessibilité que de la désinstitutionalisation et du droit à l’éducation.

Le premier pas vers cet horizon figure clairement dans la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances : chaque lieu d'enseignement doit être équipé des moyens matériels et humains nécessaires à l’accueil de toutes les différences. L'accessibilité des lieux comme des contenus pédagogiques doit être garantie. En France en 2024, on recense près de 519 000 enfants scolarisés en situation de handicap, soit 4,36% du total des élèves. Bien que ce chiffre puisse sembler important, une part non négligeable d’entre eux est encore non-scolarisée, et près de 11 000 attendaient une place en Institut médico-éducatif (IME) en 2023. Cette accessibilité humaine et matérielle de l’environnement scolaire est donc urgente, incontournable et doit être pensée au sens le plus large possible. L'école doit s'adapter à chaque enfant, quelles que soient ses richesses, et pas l'inverse, comme c'est le cas aujourd'hui, au prix de souffrances pour nombre d'entre eux.

L’inclusion de tous les enfants dans le milieu scolaire ne pourra se faire que par l’intégration in situ des ressources nécessaires dans les établissements scolaires, dans une logique d’accompagnement au quotidien, évolutif, sur tous les temps de vie de l’enfant. Les liens entre les personnels médico-sociaux, socio-éducatifs et les équipes pédagogiques doivent être durablement renforcés, dans un esprit de coopération et de complémentarité. Ces liens pourront se nouer d’une part avec l’instauration de temps de formation délivrés, tant dans la formation initiale que dans la formation continue, pour appréhender les différents types de handicap et besoins particuliers, et le spectre est extrêmement large. D’autre part, les interactions entre les professionnels doivent pouvoir être régulières et structurées par des temps de formation et de régulation auxquels puissent participer dans le 1er degré les enseignants, AESH, directeurs, adultes intervenants sur les temps périscolaires, animateurs, ATSEM, personnels de cantine, tous les adultes intervenant chaque jour autour de l'enfant, ainsi que les AED et les CPE dans le 2nd degré.

Pour réussir dans cette entreprise, l’Etat ne peut pas agir en circuit fermé. Cela appelle une coopération étroite entre l'Éducation Nationale, le médico-social, les familles et les collectivités. Il en va de l’adaptation et de l'aménagement des bâtiments scolaires, mais aussi de l'intégration des personnels ATSEM, périscolaires et extrascolaires. En ce sens, il est fondamental d'investir du temps et des compétences dans la mise en place de Projets éducatifs de territoire (PEDT) rénovés, qui prennent en compte les besoins de tous les enfants, sur tout leur temps de vie, pas uniquement scolaire. Cette démarche doit poursuivre l’objectif de dessiner les contours, pour chaque bassin de vie, d’un projet global cohérent et de qualité permettant un accompagnement continu sur tout le temps de vie de l’enfant et du jeune. La prise en compte des besoins de l’enfant ne doit pas se restreindre au temps scolaire, mais bien s’étendre au périscolaire et à l’extra-scolaire, afin de garantir par exemple le droit aux loisirs. La refonte de ces PEDT 2.0 est fondamentale, dans une démarche de coéducation, notamment dans un contexte où l’espace de vie de l’enfant évolue et a vocation à s’élargir au cours de sa scolarité.

Dans cette redéfinition du cadre entourant le temps de l’enfant, les établissements scolaires, en tant qu’acteurs publics, ne peuvent être les seuls opérateurs de l’éducation et du développement de l’enfant. Les partenariats avec les associations, les établissements spécialisés et les professionnels du médico-social sont indispensables. On constate par exemple que les Pôles d'Appui à la Scolarité, expérimentés dans certains départements, montrent que la collaboration entre enseignants et éducateurs spécialisés peut améliorer la prise en charge des élèves. L’ensemble des dispositifs ULIS, UEMA, UEA, PEJS,... reste insuffisamment déployé face aux besoins, nous devons donc les développer pour garantir une prise en charge adaptée à chacun.

La redéfinition complète du cadre d’accompagnement des enfants ne peut se faire sans la reconnaissance de ses professionnels. À ce titre, il est fondamental de valoriser les métiers du secteur médico-social, des AESH et bien entendu des enseignants. En France, le besoin d'accompagnants (AESH) ne cesse d’augmenter, 56% des enfants en situation de handicap en bénéficient. Mais ces professionnels manquent d’un cadre de missions qui leur ouvre la possibilité d’une activité à temps plein, dignement rémunérée, reconnue et dotée d’une formation adéquate. Aujourd’hui, les AESH, bien que majoritairement en CDI, sont souvent plafonnés à 24h ou 27h hebdomadaires, et 965 euros nets mensuels, condamnant cette deuxième profession du Ministère de l’Éducation Nationale (après les enseignants) à la précarité, nuisant à son attractivité. Un élément symptomatique, cet emploi est principalement occupé par des femmes. En sus, le manque de formation des AESH est criant : 60 heures de formation initiale seulement sont prévues, et assez rarement mises en œuvre avant la prise de poste.

Penser le métier d’AESH sur le seul temps scolaire est une impasse. L’envisager à partir des besoins des enfants, dans tous leurs temps de vie d’enfant, en décloisonnant le scolaire de l’extrascolaire et du périscolaire ouvre des perspectives qui permettraient de rendre effectifs à la fois le droit à l’enseignement et le droit aux loisirs.

La pénurie de médecins et d’infirmiers scolaires constitue une difficulté supplémentaire. Les actions de prévention, de repérage précoce sont devenues marginales, rendant les situations plus complexes à prendre en charge et entraînant une perte de chances d'accès aux diagnostics, aux soins et aux rééducations pour les enfants et adolescents les plus défavorisés.

Pour l’inclusion des enfants en situation de handicap en milieu scolaire ordinaire, les réseaux d’aides spécialisés aux élèves en difficulté (RASED) jouent un rôle crucial mais sont souvent incomplets en termes d’effectifs. En 2024, on dénombre près de 11 000 unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), mais le manque de personnel spécialisé limite l'efficacité de ces dispositifs. Si le rapport Taquet évaluait la jauge à une centaine d’élèves par enseignant référent, ils sont aujourd’hui parfois près de 350, ce qui ne permet pas l’accompagnement qualitatif attendu. Il est donc urgent d’affecter d’importants moyens dans le recrutement et la revalorisation de la formation de personnels spécialisés.

L’inclusion scolaire de tous les enfants passe également par une sensibilisation et une formation de tous les acteurs de la vie des enfants. Les enseignants, les parents et les professionnels de l’action médico-sociale doivent être formés ensemble aux pratiques inclusives, pour garantir une éducation de qualité pour tous. En Ille-et-Vilaine par exemple, des formations conjointes entre enseignants et professionnels médico-sociaux ont permis de mieux comprendre et de répondre de manière plus adaptée aux besoins des élèves. A Rouen ce sont les animateurs de l’extra-scolaire qui ont été formés à la malentendance et la surdité, pour accueillir durant les vacances, en accueil de loisirs, les enfants qui auparavant ne quittaient pas leur établissement spécialisé. A Montpellier, ce sont des formations croisées avec l’éducation nationale et les agents de la collectivité. Cependant, le temps consacré à ces formations reste un défi, notamment en raison du manque de moyens de remplacement des personnels en formation. La place des parents dans le processus éducatif est également fondamentale. Les parents sont les premiers connaisseurs de leur enfant et leur place ne doit pas faire débat dans le processus éducatif. Les associations de parents se multiplient pour faire entendre cette voix et se mettre au service de la communauté éducative. Ces initiatives démultipliées sont la marque d’une défaillance du système.

La formation initiale, comme la formation continue, constitue l’élément central de la révolution à opérer. Il ne s’agit pas de faire devenir les enseignants experts de tous les handicaps et troubles, ils sont bien trop nombreux et divers, mais plutôt de comprendre comment adapter la pédagogie pour qu’elle soit la plus universelle, la plus accessible à chacun et qu’elle permette à tous de progresser. Cet accompagnement doit se construire avec la sphère médico-sociale et avec les parents. La question des pratiques pédagogiques différenciées doit faire l’objet de cycles de formation continue obligatoire, alimentée de regards croisés et de partage de bonnes pratiques.
La qualité de l’inclusion scolaire passe également par la remise à plat des moyens de l’État et des collectivités dans ce travail colossal de réorganisation. Les problématiques d’efficacité du service public sont particulièrement importantes, face à des besoins immédiats de prise en charge. La question des délais de traitement des notifications des MDPH constitue un vrai frein. Souvent trop longs, pouvant atteindre plus de 8 mois pour des enfants qui eux ne peuvent malheureusement pas attendre. En Seine-Maritime, 1 800 enfants bénéficiant d'une orientation en IME sont en attente d'une place, avec des délais annoncés de 6 à 7 ans. Ces retards très importants nuisent évidemment à l'inclusion effective des élèves dans un espace de socialisation adapté. Nous devons sortir de la logique mortifère du “mieux vaut tard que jamais” et donner les moyens au secteur de proposer une prise en charge décente des demandes. D’une manière générale, il convient que les collectivités soient accompagnées financièrement pour, en lien avec l'EN et le médico-social, organiser la prise en charge globale de l'enfant, car pour l'enfant à besoins particuliers, encore plus que pour les autres, la cohérence des différentes prises en charge et leur articulation est primordiale. Des expériences existent dans de plus en plus de communes, recrutement d’éducateurs spécialisés, référent inclusion, convention avec un établissement du médico-social pour intervenir régulièrement sur des régulations dans les écoles comme c’est le cas à Montpellier. Ces expériences doivent être évaluées et dupliquées pour en finir avec une forte inégalité territoriale, rupture du principe d'égalité.

La mobilisation des ressources financières est donc un enjeu essentiel, dans un contexte où tous les acteurs font face à des difficultés budgétaires importantes. Les départements notamment, doivent retrouver leur capacité à agir. Le bon niveau de prise en charge doit bénéficier du bon niveau de financement.

Enfin, l’inclusion scolaire passe par l’attention que les professionnels peuvent porter aux enfants. La question du nombre d’élèves par classe est donc importante. Le contexte de baisse démographique doit être une opportunité pour réduire les effectifs, prendre en compte les spécificités de chaque établissement et le nombre d’élèves à besoins particuliers accueillis, permettre dans le cadre d’une conception universelle des apprentissages, une individualisation de la pédagogie pour répondre aux besoins diversifiés des enfants et dégager du temps utile à la formation.


Contributeur :

Florence HÉROUIN-LÉAUTEY, députée de Seine-Maritime

 

Fanny DOMBRE-COSTE, Députée de l'Hérault
Valérie DELESTRE, Militante, Paris
Marie-Laure TIRELLE, Militante, Seine-Maritime
José PUIG, Militant, Paris
Adrien DELPIROUX, Militant, Puy-de-Dôme
Lucas MÉLINAND, Militant, Paris
Yannick TRIGANCE, Conseiller régional d'Île-de-France
Eléonore SLAMA, Adjointe à la Maire du 12ème arrondissement de Paris
Hervé PRITRSKY, Conseiller municipal de Vigy
ROMAIN BLACHIER, Militant, Rhône
Véronique BRUNET, Première Adjointe au Maire de Montpellier
Sylvie PRADELLE, Vice-Présidente de l’Hérault
Nadine COTTET, Conseillère fédérale de l'Hérault
Dominique KIELEMOËS, Conseillère de Paris
Herveline FABRE, Militante, Paris
Rachida LUCAZEAU, Conseillère Régionale et Adjointe au Maire de Tournefeuille
Chantal CHAINTREAU, Militant, Hérault
Samuel AVENIN, Militant, Hérault
Nadia AKIL, Conseillère municipale de Montpellier
Océane GODARD, Députée de la Côte d'Or
Alex CHARPENTIER, Conseiller municipal de Bourges
Jean-Claude BEAUCAIRE, Militant, Val-de-Marne
Fatima BELLAREDJ, Militante, Hérault
Daniel BALMEFREZOL, Militant, Hérault
Eléonore AVENET, Secrétaire fédérale de l'Hérault
Jean-Pierre MALHAIRE, Militant, Hérault
Camille LENOIR, Militant, Hérault
Patrick BLOCHE, Premier Adjoint à la Maire de Paris, ancien Député de Paris et Président de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée Nationale
Pierre SABOURIN, Secrétaire Fédéral du Val-de-Marne
Marie-Claire DONNEN, Conseillère régionale du Grand-Est
Julien LESINCE, Militant, Loiret
Stéphanie COUPE, Conseillère départementale de la Manche
Antoine BESNARD, Militant, Seine-Maritime
Caroline CAPLAN, Militante, Seine-Maritime
Patricia DYBMAN, Militante, Seine-Maritime
Hubert CHOUAN, Militant, Seine-Maritime
Elizabeth LABAYE, Adjointe au Maire de Rouen
Pascal LE CLEC'H, Militant, Seine-Maritime
Théo GAILLARD, Militant, Seine-Maritime
Elisabeth MÉNÉSTRIER, Militante, Seine-Maritime
Elisabeth ALAZARD, Militante, Seine-Maritime
Gaëlle LECERF, Militante, Seine-Maritime
Antoine POTOR, Militant, Seine-Maritime


 

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