Rapport Sauvé sur la justice : un diagnostic partagé mais pour quelle ambition ?

– Lundi 11 juillet 2022

Gulsen Yildirim, secrétaire nationale à la Justice

Après plusieurs mois d’attente, le comité des États généraux de la Justice, présidé par Jean-Marc Sauvé, a remis vendredi dernier son rapport au président de la République. Ce qui devait être l’aboutissement d’un processus de consultation lancé en grande pompe par Emmanuel Macron en octobre 2021 a été un quasi non-événement. D’abord, l’effet de surprise escompté n’a pas eu lieu en raison des fuites dans la presse de certaines parties du document terminé et mis en sommeil depuis le mois d’avril. De plus, ce rapport ne fait que décrire ce que l’on savait déjà et que les professionnels ont massivement dénoncé, notamment dans la « tribune des 3000 » à l’origine d’un mouvement sans précèdent dans le monde de la justice. Le document de 217 pages dresse le constat d’une crise profonde de la justice qui « ne parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes ». Il relève un « sentiment de désespoir » face au manque de moyens humains et matériels et des délais de jugement qui « n’ont cessé de s’allonger ».

Il aura donc fallu une grande consultation inédite à 1 million d’euros pour confirmer la profondeur du malaise qui règne dans le service public de la justice et l’échec d’un président de la République resté silencieux sur les alertes des professionnels durant le quinquennat précédent.

Les propositions faites par le comité Sauvé doivent néanmoins être saluées. Elles sont en concordance avec celles portées par le Parti socialiste dans son projet pour 2022. Ainsi le comité prône comme préalable à toute réforme une augmentation des moyens alloués à la justice. Concrètement, il plaide pour le recrutement d’« au moins 1 500 magistrats supplémentaires au cours des cinq prochaines années »

Si la hausse des moyens est indispensable, elle devra s’accompagner de mesures fortes pour rendre la justice pleinement indépendante. Pour cela, le rapport reprend des propositions socialistes comme la suppression de la Cour de justice de la République ou la nomination et les sanctions des magistrats conférées au Conseil supérieur de la magistrature.

Le document propose également de repenser « de fond en comble » le fonctionnement des juridictions de première instance, et surtout de « revaloriser » la justice civile, jugée aujourd’hui trop lente et, comme nous le dénonçons, souvent la grande oubliée de la justice.

En matière pénitentiaire, conformément à notre projet, le comité s’éloigne de la politique du tout carcéral en insistant sur la nécessité de « redonner un sens à la peine au service d’une réinsertion effective ». Il se prononce donc en faveur d’une diminution « de courtes peines d’emprisonnement », car, selon lui, elles « ne permettent ni d’agir sur le comportement de la personne, ni de préparer sa réinsertion ». Le comité propose plutôt de renforcer les capacités d’accueil en milieu ouvert notamment des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Le but affiché est, dans le même temps, de réduire la surpopulation carcérale, « qui constitue un problème majeur ». Pour y parvenir, le rapport veut instaurer « un mécanisme de régulation de la population carcérale », similaire à celui proposé dans notre projet.

Toutefois que retiendra de ce rapport un gouvernement qui n’a, jusqu’à présent, pas pris la mesure de la situation ? Prendra-t-il conscience qu’il est désormais temps de considérer la justice comme une institution indispensable à l’État de droit et comme un service public qui doit être en mesure de répondre dans des délais raisonnables aux attentes des citoyens ?

Le Parti socialiste sera vigilant à ce que ces constats donnent lieu rapidement à des réformes concrètes qui permettront de retrouver une justice de qualité, seule capable de restaurer la confiance des citoyens et d’être au service des garanties démocratiques qu’elle incarne.

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