– Vendredi 13 mai 2022
Yannick Trigance
Conseiller régional Île-de-France,
Secrétaire national à l'École, l'Éducation et l'Accès aux savoirs
La fin du quinquennat éducatif Macron/Blanquer restera marquée du sceau d’un échec cinglant en matière de recrutement des enseignants. Nous assistons en effet à une année 2022 catastrophique avec des déficits abyssaux de recrutements dans des disciplines comme les mathématiques, l’allemand ou encore les Sciences et Vie de la Terre (SVT).
Les premiers résultats des épreuves d’admissibilité aux CAPES 2022 sont éloquents : 816 candidats admissibles en mathématiques contre 1 705 en 2021 – pour 1 035 postes –, 83 admissibles en allemand contre 177 en 2021 – pour 205 postes proposés – et 425 candidats admissibles en SVT – contre 552 en 2021 – pour 260 postes à pouvoir.
Au-delà de ces chiffres édifiants, rappelons de la même manière que d’autres disciplines telles que l’histoire-géographie, l’anglais où les lettres se retrouvent dans des situations particulièrement critiques en matière de recrutements.
Par ailleurs cette baisse conséquente – et pour le moins préoccupante – du nombre de candidats ne date pas de cette seule année 2022 puisqu’aux concours du CAPES externe, le nombre de candidats a diminué fortement depuis 2018, passant de 33 490 en 2019 à 31 494 en 2021.
Cette crise du recrutement frappe également le premier degré avec, dans certaines académies comme celles de Montpellier, de Dijon ou de Briançon, une diminution du nombre de candidats qui laisse entrevoir des lendemains bien difficiles dans un certain nombre d’établissements où les équipes éducatives seront durablement incomplètes.
Ce constat établi, il convient d’en analyser les principales causes pour mieux définir les mesures indispensables à mettre en place afin de redonner à notre système éducatif toute son attractivité et son efficacité.
Les salaires des enseignants
Sujet très largement abordé pendant la campagne présidentielle, la question des salaires reste cruellement d’actualité. En euros constant, depuis ces 20 dernières années, les enseignants ont perdu entre 15 % et 20 % de leur rémunération.
Leur salaire est inférieur à celui des actifs du privé de 21 % dans le pré-élémentaire, de 23 % dans l’élémentaire et de 12 % au collège.
La réalité, c’est que 70 % des professeurs des écoles et 50 % des certifiés gagnent moins de 2 500 euros nets, primes et heures supplémentaires comprises et qu’après 15 ans de carrière les enseignants français du premier degré sont payés 14 % de moins que leurs collègues de l’OCDE et ceux du second degré 20 % de moins.
Comment aujourd’hui vouloir s’engager dans l’Éducation nationale avec un salaire égal à 1,1 SMIC après 5 années d’études universitaires ?
Sans une revalorisation salariale conséquente, la pénurie d’enseignants ne cessera de s’aggraver avec des conséquences dramatiques sur le fonctionnement des équipes pédagogiques.
La formation des candidats recrutés
La réforme engagée par le ministre Blanquer a tari la source des candidatures. En effet, jusqu’en en 2021, les étudiants en master avaient la possibilité de devenir fonctionnaire stagiaire rémunéré dès la seconde année de formation.
En supprimant cette possibilité, le ministre de l’Éducation nationale a écarté une grande partie de candidats issus de milieux modestes qui, en l’absence d’une formation rétribuée, ont dû renoncer à s’engager dans ce cursus faute de moyens financiers.
Le statut de fonctionnaire stagiaire rémunéré, le principe de pré-recrutement constituent des conditions indispensables à l’élargissement du recrutement des enseignants avec à la clé une diversité sociologique des profils absolument essentielle pour notre école publique et pour ses élèves.
Le nombre de postes mis au concours
Entre 2012 et 2017, l’Éducation nationale a créé 60 000 postes : depuis le début du quinquennat Macron/Blanquer, c’est une politique tout à fait inverse qui s’est mise en place. Alors que la démographie scolaire des collèges et lycées augmentait très sensiblement ces dernières années, le nombre de postes au CAPES chutait de 7 315 postes en 2017 à 5 225 postes en 2022, soit une baisse de 28,5 %. Au final, c’est plus d’un millier de postes dans le second degré – soit entre un poste sur 5 et un sur 4 – qui ne seront pas pourvus.
En supprimant près de 8 000 postes en 5 ans dans le second degré, soit l’équivalent de 175 collèges, le tandem Macron/Blanquer a non seulement renvoyé une image dévalorisante et dévalorisée du métier d’enseignant, mais il a également dégradé les conditions de travail dans les établissements scolaires : classes sur chargées, options supprimées, manque de remplaçants, rupture de la continuité éducative… Tout en faisant exploser le nombre de contractuels, engageant au passage une remise en cause sous-jacente du service public d’enseignement.
L’accompagnement des enseignants
Dans quel milieu professionnel de près d’un million de salariés autre que celui de l’Éducation nationale trouve-t-on aussi peu d’accompagnement humain, de suivi et de gestion du déroulement des carrières, de mobilité professionnelle, de formation continue, de prévention en matière de santé ?
Accompagnement professionnel individuel et collectif des équipes pédagogiques en matière d’apprentissages et d’évaluation des élèves, construction de démarches pédagogiques, élaboration de projets disciplinaires et interdisciplinaires… Autant de leviers qui restent à mettre en place de manière pérenne afin de permettre aux enseignants et aux équipes d’évoluer, de développer et de consolider leurs compétences professionnelles au service de la réussite de tous les élèves.
Alors que les élections législatives approchent, rappelons qu’elles seront porteuses d’un choix majeur pour notre école.
Soit notre système éducatif continue sa dérive engagée depuis 5 ans avec une école néo-libérale soumise à la loi du marché, une école qui aggrave la concurrence, la compétition et les inégalités entre les établissements, les enseignants et les élèves.
Soit nos concitoyenn·e·s font le choix d’une école de la République juste pour tous, exigeante pour chacun, le choix d’une école qui démocratise la réussite et qui ne laisse personne au bord du chemin.
Pour nous, socialistes et membres de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, le choix est fait : c’est bien celui d’une École de l’égalité et de l’émancipation, d’une École qui prépare l’avenir et la réussite de chaque jeune, partout sur le territoire de la République.