« Refaire de la police un service public »

Contribution thématique du Congrès de Villeurbanne 2021

Liste des signataires à retrouver en fin de contribution

Le retour de la question sécuritaire

La sécurité est actuellement le troisième sujet qui intéresse le plus les Français (après la Santé et l’Environnement) (Sondage ELABE du 31 août 2020). Ainsi, 6 Français sur 10 considèrent que la situation actuelle en matière de sécurité des biens et des personnes est mauvaise, avec en priorité les agressions physiques dans la rue, en second les agressions sexuelles, et en troisième position les trafics de drogues.

Un phénomène difficile à mesurer

Pour l’heure, les seules données disponibles sur la question de l’insécurité sont celles de la police et de la gendarmerie, publiées tous les mois par le service statistique du Ministère de l’Intérieur. Si les chiffres explosent en juillet 2020, + 15 % d’homicide, + 21 % de coups et blessures, + 38 % de cambriolages, c’est avant tout parce qu’ils sont rapportés au cumul des chiffres du trimestre précédent, soit pendant le confinement, où les faits de délinquance se sont effondrés. Ainsi, si l’on compare les chiffres 2020 avec ceux de l’année précédente, sur la même période, on n’observe pas de hausse significative des phénomènes en question. Par exemple, les données de la police et de la gendarmerie recensaient ainsi 248 homicides en juillet 2019, on en compte 240 en juillet 2020. Au-delà des chiffres de la délinquance, l’ancien ministre socialiste de l’intérieur Bernard Cazeneuve évoquait une « violence diffuse, qui est de plus en plus inacceptable et de moins en moins bien ressentie par les Français. » (Propos tenus le 31 août sur BFM-TV)

Une double crise de la confiance

La crise de la confiance est double : elle se joue entre les forces de l’ordre et la population, mais également entre le Gouvernement et les Français. Ainsi, si en 2015, 80% des Français déclaraient faire confiance à la police : en 2020, ils ne sont plus que 66%, soit une baisse de 14% en cinq ans (À titre de comparaison, la confiance accordée à l’Armée n’a chuté que de 7%).  Aujourd’hui, un français sur trois ne fait plus confiance à la police.

Face à cela, c’est aussi la confiance envers le Gouvernement et sa capacité à assurer la sécurité des Français qui est remise en cause. Les violences au sein des manifestations des gilets jaunes ont, par exemple, été vécues comme une opposition de l’Etat avec la population. Un sondage du 31 août 2020 révélait ainsi que seulement 27% des Français font aujourd’hui confiance à Gérald Darmanin pour répondre efficacement aux problèmes de sécurité (sondage ELABE). Enfin, après 40 ans de travaux sur le fonctionnement de la police, l’absence de réforme structurelle se fait sentir. La création de 10 000 postes de policiers ne peut constituer à elle-seule une politique de sécurité. Rappelons également que le livre blanc de la sécurité intérieure, initialement annoncé pour janvier 2020, a été successivement repoussé en septembre, puis à la mi-novembre.

Le message socialiste : refaire de la police « un service public »

Dans ce débat, les socialistes doivent être force de propositions. Il est urgent de refaire de la police un véritable service public. C’est la clef d’une police légitime, ancrée dans la société, au cœur de la justice et de l’égalité sociale.

l’occasion des Rendez-vous de la gauche, organisés à Blois en août 2020, intervenants et militants ont pu dialoguer autour de la question « comment réconcilier la Nation avec les forces de l’ordre ? ». Ces échanges permettent aujourd’hui de porter les 10 propositions que voici :

PROPOSITION 1. FAVORISER UNE POLICE DU QUOTIDIEN

Reprendre les expérimentations sur la police de proximité /ou développer la police de sécurité du quotidien (PSQ) : en France, la police est plus une police d’intervention qu’une police de proximité. Créée à partir de 1998 par le gouvernement Jospin, la police de proximité a été supprimée par Nicolas Sarkozy en 2003. Le 8 février 2018, la PSQ a été lancée par Emmanuel Macron. Cependant, les élus regrettent que le dispositif se limite à une augmentation des effectifs. La PSQ manque d’un cadre clair et d’objectifs précis : « aujourd’hui c’est plus un concept qu’une politique publique incarnée » (Guillaume FARDIE).

 

PROPOSITION 2. EN FINIR AVEC LA POLITIQUE DU CHIFFRE DE SARKOZY

Mieux définir les priorités de la police : aujourd’hui les préfets doivent rendre des comptes sur plus de 48 indicateurs prioritaires par département. Ce nombre trop important de priorités nuit à la clarté des objectifs qui sont ceux de la police.

 Poser la question de la suppression de certaines missions: par exemple, la suppression des contrôles d’identité comme en 1981-1982.

PROPOSITION 3. MULTIPLIER LES CONTACTS AVEC LES CITOYENS

Expérimenter la participation citoyenne dans la police : Le taux de satisfaction des citoyens en France baisse enquête après enquête. Pourtant, dans d’autres pays, l’image de la police a tendance à s’améliorer. C’est le cas en Allemagne par exemple. En Angleterre, les « chefs de police » à échelle des comtés sont élus par la population. Les citoyens participent à certaines commissions ou au suivi d’enquêtes pour vérifier par garantie de neutralité. Une telle inclusion pourrait être expérimentée en France.

 Intégration aux conseil de quartier : la police/gendarmerie sont ponctuellement conviées à participer aux conseils de quartier. Cependant, ce sont les commissaires et les officiers qui s’y rendent ; il pourrait être proposé d’envoyer à ces réunions plutôt les policiers/gendarmes sur le terrain au quotidien.

 Réunion de présentation des résultats à la population : possibilité d’organiser plusieurs fois par an des réunions de quartier visant à informer la population des actions de la police / gendarmerie. Dialogue avec les citoyens / dépasser un jugement sur la police au-delà des chiffres sur la délinquance.

Education scolaire : sensibilisation dans les écoles au rôle de la police, rencontres avec les élèves.

PROPOSITION 4. ARRÊTER DE CHOISIR ENTRE LES HOMMES ET LES MOYENS

 Le budget consacré à la masse salariale ne doit pas se faire au détriment de celui attribué à l’équipement : Si la promesse électorale de créer 10 000 postes est pour le moment, tenue (Pour rappel : le nombre de postes augmente entre 2002 et 2004 lorsque Nicolas SARKOZY est ministre de l’Intérieur, puis lorsqu’il accède à la présidence il supprime 13 000 postes. Sous le quinquennat de François HOLLANDE : 9 000 postes sont créés.), elle se fait au détriment des budgets consacrés à l’équipement.

PROPOSITION 5. REMETTRE LA REFLEXION AU CŒUR DE LA POLICE

Création d’une instance de réflexion au sein de la police : actuellement, il n’existe aucune instance de réflexion officielle mêlant chercheurs, policiers, etc, et ce même au niveau des écoles de police. Pourtant, c’est le cas partout en Europe. La réflexion sur la police ne peut reposer uniquement sur des consultants privés.

PROPOSITION 6. REPENSER LES TECHNIQUES DE MAINTIEN DE L’ORDRE

  Revenir sur le changement de doctrine de 2018 : il y avait trois principes clefs dans le maintien de l’ordre : la spécialisation des policiers, la gradation des moyens utilisés et la mise en distance avec la population. Depuis le mouvement des gilets jaunes, on a envoyé dans les manifestations des policiers sans la formation nécessaire, avec des équipements lourds et un contact quasi systématique avec la population.

  Revoir l’utilisation des armes utilisées et les méthodes d’interpellation.

PROPOSITION 7. AMELIORER LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE

  Diversifier les stages en formation initiale : notamment dans les milieux associatifs, auprès de la justice, etc.

  Formation initiale : aujourd’hui les jeunes policiers ont 8 mois de formation continue en école, puis 16 mois de formation dans un premier service (tutorat). Trois propositions : augmenter le temps de formation en école + améliorer le temps de suivi durant la période de stage/tutorat qui est inégale + réintroduire certains sujets au moment de la formation comme les valeurs de la République, la confrontation, etc.

  Formation continue : augmenter les budgets consacrés à la formation continue, pour rappel 1 fonctionnaire de police sur 3 n’effectue pas les séances de tir nécessaires au maintien de ses compétences (rapport de la CC, 2008).

  Formation des officiers / commissaires au management : proposer aux officiers et commissaires une formation initiale et continue en management, en sociologie.

PROPOSITION 8. REANCRER LES POLICIERS DANS LEURS TERRITOIRES

Réancrer les policiers dans leurs territoires : aujourd’hui 80% des jeunes policiers provinciaux sont affectés en Ile-de-France, avec un accompagnement de 1 encadrant pour 15 jeunes dans certains départements.

PROPOSITION 9. AMELIORER LE RECRUTEMENT
Recrutements : quantités sur qualité / remettre le niveau de recrutement.

 Recrutement : aujourd’hui il y a environ 20 000 candidats pour le concours de gardien de la paix. Alors qu’on recrutait autrefois 600 candidats, on en recrute désormais 3 000 : un candidat reçu aujourd’hui n’aurait pas été recruté il y a cinq ans. C’est pourquoi, proposition de relever le niveau d’exigence des concours.

PROPOSITION 10. GARANTIR L’INDEPENDANCE DE L’IGPN

Externalisation de l’IGPN du ministère de l’Intérieur

La contribution en PDF

 

Signataire

David HABIB, député des Pyrénées-Atlantiques, secrétaire national du PS à la sécurité

 

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