Refonder la République par l'universalisme républicain


Thème : Universalisme-République


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Notre République va mal. 

Alors que les outils technologiques, sociaux et économiques n’ont jamais été plus variés accessibles au plus grand nombre, ouvrant la possibilité  d’une citoyenneté apaisée favorisant le développement des potentialités individuelles , il faut constater que la société française, loin de se libérer, se crispe chaque jour davantage, prise dans la tenaille des populismes qui convergent pour assigner les individus à une résidence identitaire déterminant leur avenir.

La fracture sociale et territoriale s’est transformée en fragmentation sociétale et identitaire.

Les individus sont appelés à se redéfinir par des spécificités d’origine, religions, genre, dans une notion d’appartenance quasi tribale, et la Gauche, dans son ensemble, porte en cela une responsabilité, comme l’a démontré Marc Lilla dans son ouvrage « La Gauche identitaire », traitant des erreurs du Parti Démocrate américain, erreurs qui ont menées à la réélection de Trump. Selon Marc Milla, l'erreur des Démocrates a été de ne plus concentrer  leur effort sur  l’ensemble de la communauté  nationale, notamment au travers des campus universitaires qui étaient le principal lieu de diffusion des idées progressistes, et qui sont devenus « le théâtre d'un militantisme radicalisé qui se concentre sur la défense des minorités». 

Cette dérive, nous la constatons aujourd’hui en France et si nous, socialistes français et européens, ne réaffirmons pas notre vision, il est probable que cette situation qui a conduit  pour partie au chaos institutionnel actuel, mènera à la reprise en main autoritaire de la Nation par un pouvoir issu des franges les plus réactionnaires de notre société.

Nous avons la responsabilité historique de reconsidérer les fondamentaux de notre engagement dont la matrice est et doit rester l’universalisme républicain.

Refonder la République au travers de l'universalisme républicain nécessite donc de les  réexaminer pour mieux les  réaffirmer, ici et maintenant, dans un contexte historique bouleversé par des défis sociaux, politiques, écologiques et économiques totalement neufs. 

Réaffirmer les valeurs républicaines dès le plus jeune âge

L'universalisme républicain s’appuie sur des valeurs  intangibles guidant nos actions : liberté de conscience, égalité réelle devant la loi, fraternité organisant la solidarité sociale.

A ces valeurs il convient d’ajouter  cette valeur spécifique à notre Nation dont nous devons être collectivement fiers, celle d’une Laïcité porteuse de tolérance, pilier de notre République, et inscrite depuis un siècle dans la Loi de 1905.

Renforcer ces principes face aux inégalités sociales croissantes, aux tensions identitaires et aux crises écologiques et économiques est donc une urgence vitale pour que  la République, dans son acception universelle,  redevienne l’espace de l’émancipation individuelle pour chacune et chacun.

Cette réaffirmation des valeurs universalistes doit se construire d’abord et dès l’enfance dans le cadre éducatif.

Cela nécessite donc, en premier lieu, une politique éducative vigoureuse, remettant l’enseignant au cœur du dispositif.

- Le premier point est de  doter le corps éducatif d’une reconnaissance sociale accrue, d’une garantie absolue de protection de la puissance publique basée sur règles claires et universelles concernant le fonctionnement républicain des établissements. Ce sont nos enseignants qui sont en première ligne de la République, ce sont eux qu’on agresse, ce sont eux qu’on assassine. 

- Le second point est de réorienter l’apprentissage en direction de l’acquisition des savoirs fondamentaux et de la citoyenneté. Face aux réseaux sociaux, aux polémistes et autres influenceurs, c’est à l’école de poser les bases d’ un récit national rationnel, social, laïc et démocratique.

- Le troisième point est de repenser en profondeur l’accès égalitaire à l’école de la République face à l’école du tri mise en place depuis des décennies, qui conduit à des inégalités de traitement,  des inégalités de résultats, des inégalités d’orientation, des inégalités d’accès aux diplômes et au final à des inégalités d’insertion professionnelle qui renforcent une société de castes et alimentent la ségrégation sociale.

 

Si la France a pleinement réussi la massification de l’éducation – c’est-à-dire l’ouverture de son école de la scolarité obligatoire à tous les jeunes d’une génération – elle n’est parvenue que partiellement à sa démocratisation et les résultats scolaires restent encore trop corrélés aux milieux sociaux d’origine. 

Cette prégnance du déterminisme social qui s’accroît d’années en années, illustre l’écart croissant entre les grands principes républicains et les réalités du terrain. 

Notre École est devenue plus injuste socialement et les enfants issus de l’immigration ou habitants les quartiers périurbains, tout autant que ceux qui résident dans ces territoires oubliés que dessine la diagonale du vide, souffrent de cette École qui ne progresse plus. 

Ce chantier est donc fondamental et l’école doit être le cœur battant de la République. 

Renouveau démocratique et citoyenneté active

La démocratie républicaine repose évidemment sur la participation active des citoyens.

Nous n’avons pas suffisamment entendu et analysé le message des gilets jaunes. 

Pourtant, des réponses nous étaient offertes dès 2015 dans le rapport du groupe de travail sur les institutions présenté par Claude Bartolone et Michel Winock.

Si certaines propositions ont été timidement mises en places, tel le Référendum d’Initiative Populaire, elles sont insuffisantes et ont été encadrées de telle manière qu’elle rendent difficile une véritable démocratie participative, les initiatives qui en ont découlé, comme les référendums locaux, les assemblées de citoyens, si elles sont les prémices d’une ré-appropriation de la chose publique par les citoyens, n’ont pas fait la démonstration de leur efficacité à renforcer la légitimité de la République et à répondre à l'aspiration de nombreux Français à une plus grande proximité avec leurs représentants politiques.

 

Sans doute parce que l’architecture globale de notre système représentatif n’a pas fondamentalement évolué et n’a pas pris en compte la réalité d’une société ou la participation se joue aussi, pour beaucoup de nos concitoyens, dans des espaces dématérialisés.  

Ajoutons que les citoyens participants constatent que leur engagement dans ces processus débouche rarement sur des décisions engageantes pour les exécutifs.

Une République de l'égalité réelle des individus et des territoires

L'égalité, principe fondamental de la République, est aujourd'hui mise à l'épreuve. Refonder la République passe par un engagement fort à réduire les inégalités, non seulement en matière d'accès à l'éducation, mais aussi à l'emploi, à la santé, et à la culture.

Cette égalité réelle passe nécessairement par un service public qui ne délaisse aucun territoire et retrouve sa mission d’intérêt général, alors qu’il dérive de plus en plus vers un service aux publics, l’usager devenant un client. L’abandon du service public dans les zones rurales et péri-urbaines est une cause première de l’adhésion à des mouvements populistes et à une remise en cause des principes républicains par le simple constat que la liberté de mouvement et d’entreprendre, l’égalité devant la santé, l’éducation ou l’accès à l’emploi et la solidarité nationale là où les transports, les hôpitaux et les entreprises ont désertés les territoires. 

Une piste sérieuse pourrait être que les  dotations aux collectivités se fondent sur une péréquation plus équitable, basée sur une réévaluation de l’intégration du potentiel fiscal dans la Dotation Globale de Fonctionnement. 

Le respect des diversités au sein de l'universalisme 

L'universalisme républicain à pour objectif l'égalité de tous devant la loi tout en tenant compte de la diversité croissante de la société française. 

Nous avons à contrer le concept « nouvelle France » porté par la frange la plus radicale de la Gauche, concept tribaliste qui mène inexorablement à une société des différences et des allégeances  là où nous devons porter une société des convergences et de l’adhésion. La refondation de la République  doit donc inclure une réflexion sur la manière de concilier cet universalisme avec les réalités de la diversité culturelle, religieuse et ethnique, sans transiger sur les principes républicains fondamentaux, car pour se reconnaître on a d’abord besoin d’être reconnu.

 

Transition écologique et universalisme républicain

L’enjeu majeur des années à venir réside dans la gestion de la crise écologique et de notre bien commun qu’est la Terre. L'universalisme républicain, dans ce cadre, pourrait se traduire d’abord par une vision de la justice sociale et environnementale, où la protection de la planète devient une priorité pour garantir un avenir équitable à toutes les générations.

Cette transition vers une République écologique est naturellement en cohérence avec les principes républicains, car elle vise à protéger l'ensemble des citoyens, notamment les plus vulnérables en respectant les principes d'égalité et de solidarité. 

Nous devons être porteur d’une écologie populaire qui ne laisse personne au bord du chemin. Face aux bouleversements que vont représenter l’immigration climatique et la crise des énergies, nous devons rapidement anticiper les lois qui empêcheront la captation des ressources naturelles par la partie la plus aisée de la population et encadreront l’accueil de millions de réfugiés climatiques qui frapperont aux portes de l’Europe.  

Unité nationale et décentralisation

Un des défis majeurs de la refondation républicaine est de repenser l'unité nationale face aux revendications locales ou communautaires. Cela doit passer par une révision du modèle de décentralisation, en donnant  à la fois plus d'autonomie aux territoires afin de renforcer la participation citoyenne à des décisions locales tout en renforçant l'idée d'une République indivisible par le retour de services publics forts sur les questions régaliennes. De ce point de vue, l’expérience de gestion d’exécutifs locaux par nos maires et leurs conseils municipaux est un atout majeur pour le mouvement socialiste, car il existe évidemment un « socialisme des territoires » actif, innovant, en prise avec la réalité complexe de notre société, et dont il conviendrait de clarifier les convergences dans un corpus idéologique commun, identifié par les citoyens comme un axe majeur de notre action politique au service des français.

 

A ce stade trois propositions pourraient émerger dans le débat à venir :

  • Redonner force et vigueur à la pensée politique issue des Lumières.
    « C’est dans le gouvernement républicain que l’on a besoin de toute la puissance de l’éducation », écrit Montesquieu, et pour Condorcet, l’instruction publique constitue le fondement de la République. Il s’agit donc d’instruire les plus jeunes et de former les adultes dans les lieux institutionnels que sont nos écoles, collèges, Lycées et universités, mais aussi les associations, les partis et les syndicats. 

Il s’agit aussi de mobiliser et de transmettre l’imaginaire républicain : ses symboles, ses allégories, ses rites, ses événements historiques, ses lieux, ses institutions, ses héros, ses concepts et son idéal de progrès.

  • Réhabiliter la souveraineté populaire.
    Si nous considérons que la souveraineté du peuple est inaliénable, nous devons être porteurs de cet idéal. La réhabilitation de la souveraineté populaire est une aspiration qui rendrait tout son sens à la citoyenneté et ce débat doit être mené jusqu’à une Loi qui encourage, encadre et garantie l’expression du peuple dans une démocratie participative reconnue et codifiée. A cet effet , l’abaissement du seuil nécessaire au référendum d’initiative populaire apparaît comme une nécessité
  • Ouvrir une large concertation débouchant sur des obligations plus strictes de séparation entre l’intérêt général et les intérêts privés, sur le modèle de la loi de 1905, obligations qui s’imposeraient comme principes directeurs aux décisions de délégations d’activités relevant de la puissance publique. 

Introduire ce sujet dans le débat public permettrait de réfléchir à la notion d’intérêt général, qui se dissout aujourd’hui dans un libéralisme économique qui touche aux structures même de la puissance publique.

 

 

La République est, au-delà d’un régime politique, une promesse pour l’individu 

Refonder la République à travers l'universalisme républicain, c'est donc avant tout redonner vie aux valeurs essentielles qui ont façonné la France des Lumières, tout en les adaptant aux défis du XXIe siècle. 

Cela implique de réconcilier les principes d'égalité, de fraternité et de liberté et de laïcité avec les réalités d'une société pluraliste et mondialisée, en garantissant à chaque citoyen les mêmes droits et opportunités, d’où qu’il vienne et quel que soit le lieu où il réside sur le territoire national. 

Cela nécessite aussi une  attention particulière à la préservation de notre modèle social, à l'écologie qui sera l’enjeu majeur des prochaines décennies et à la démocratie participative qui, à l’heure du forum mondialisé que sont les réseaux sociaux doit être la réponse organisée à l’envie de citoyenneté active. 

C’est à cette réflexion, mais surtout à cette action, que nous sommes invités, nous socialistes, pour que notre République continue d'être un modèle de justice et de solidarité, à la fois dans notre pays et dans le monde. 


Contributeurs : Contribution soutenue par "Debout les socialistes"
Jean-Claude Beneton (39)
Philippe Harquet (59)
Chantal Jeoffroy (49)
Murielle Laurent (69)
Nicolas Morvan (44)
Delphine Pineda (75)
François Thimel (73)
Sylvette Thirionet (78)


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