Réforme de l’assurance-chômage : moins de chômeurs pour plus de précaires !

Billet initialement publié le 1er octobre 2019. 

 

Le mardi 24 septembre dernier, l’Unedic publiait une note d’impact de la réforme de l’assurance-chômage qui entrera en vigueur à partir du 1er novembre prochain. Comme l’on pouvait s’y attendre, et conformément aux inquiétudes exprimées précédemment, celle-ci résulte essentiellement de la volonté du gouvernement de satisfaire un double objectif comptable dont les premières victimes seront les chômeurs eux-mêmes.

En effet, l’objectif de la réforme est à la fois de réaliser des économies budgétaires au détriment de l’indemnisation des chômeurs, mais également d’agir artificiellement à la baisse sur les statistiques du chômage en durcissant les conditions de l’ouverture de droits ou en raccourcissant la durée de leur bénéfice.

 

D’après les projections de l’Unedic, la réforme devrait permettre de réaliser près de 6 milliards d’euros d’économies sur la période 2019-2022, un chiffre très largement supérieur aux 3 milliards annoncés par le gouvernement lors de la présentation de la réforme et qui laisse augurer de coupes sévères dans l’indemnisation des demandeurs d’emploi. En outre, sur cette somme, seuls 870 millions proviendront de prélèvements supplémentaires sur les entreprises, confirmant que l’effort portera principalement sur les chômeuses et les chômeurs qui se verront nier la possibilité d’ouvrir des droits ou devront supporter la réduction de leur période d’indemnisation.

 

Le Parti socialiste s’inquiète particulièrement des conséquences de cette réforme sur les travailleurs précaires et les chômeurs de longue durée – y compris ceux nombreux qui alternent périodes de chômage et périodes d’emploi de courte durée. Tout indique que ceux-ci vont voir leur précarité s’accroître en même temps qu’il leur sera devenu plus difficile de s’inscrire ou de se réinscrire à Pôle emploi et que leur indemnisation diminuera à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles règles de calcul en avril 2020.

 

Quelques chiffres fournis par l’Unedic sont en effet éloquents. Plus de 700 000 nouveaux demandeurs d’emploi vont être privés d’ouverture de droits pendant la première année d’application de la réforme, du fait du durcissement des conditions de rechargement des droits (avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois, au lieu de 4 sur les 28 derniers). 700 000 chômeurs de moins pour les statistiques officielles du chômage et la communication du gouvernement, au détriment des plus vulnérables d’entre eux, ceux qui ont les plus grandes difficultés à se maintenir dans l’emploi ou qui en restent éloignés.

 

D’après les projections de l’Unedic, près de 850 000 nouveaux inscrits verront leur indemnité chuter de 22 % en moyenne, une baisse qui pourra atteindre 50 % dans certains cas, suite à l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul de l’indemnité chômage en avril 2020. Les plus fortement frappés seront les chômeurs les plus précaires, ceux qui alternent des périodes de chômages avec de courtes périodes d’emploi.

 

Pour mémoire, l’indemnité journalière des demandeurs d’emploi est calculée à partir d’un salaire journalier de référence, calculé en fonction des revenus perçus au cours de la dernière période d’emploi. Actuellement, ce salaire journalier de référence est déterminé en fonction des revenus moyens perçus pour les jours travaillés au cours des douze derniers mois. Autrement dit, le salaire journalier de référence – qui sert à déterminer le montant de l’allocation – est déterminé en fonction des jours travaillés uniquement ; les éventuelles périodes d’inactivité professionnelle ne sont pas prises en compte. Avec le nouveau mode de calcul introduit par la réforme, c’est la moyenne des revenus sur les vingt-quatre mois précédents qui sera pris en compte, y compris les périodes d’inactivité, pénalisant fortement celles et ceux qui ont subi des interruptions de contrat au cours de ces vingt-quatre mois ou qui ont alterné chômage et emploi. Au total, c’est donc un demandeur d’emploi sur deux qui verra sa prise en charge se dégrader !

 

Avec cette réforme, le gouvernement d’Édouard Philippe, en revanche, prévoit de gagner à court terme la bataille de la communication à grand renfort de statistiques. En réalisant près de six milliards d’euros d’économies au détriment des actifs les plus fragiles d’entre nous, le gouvernement entend cyniquement mettre en avant sa capacité à maîtriser les dépenses et rétablir l’équilibre des comptes publics tout en donnant l’illusion de baisser le chômage. Quel dommage que le même souci de préservation des comptes publics n’ait pas conduit au maintien de l’ISF ou à empêcher la création de la flat tax sur le capital, privant l’État de ressources pouvant permettre de réduire les inégalités !

 

Nous regrettons une fois de plus que le gouvernement, plutôt que de se battre contre le chômage, ait choisi de faire la guerre aux chômeurs ! Et appelons à la vigilance quant à l’utilisation qui sera faite des prochaines publications des chiffres du chômage. Face à cette tentative de maquiller la politique sans précédent de destruction de notre modèle social par ce gouvernement, de nouveaux indicateurs doivent être mobilisés.

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