Réforme du lycée : on en parle ?

Lundi 18 octobre 2021

Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, à l'Éducation et à l'Accès aux savoirs

À l’aube d’une campagne présidentielle qui à ce jour place l’éducation en première ligne des débats, le ministre Blanquer ne manquera pas, à l’issue de son quinquennat éducatif, de vanter la réforme du lycée.

Et pourtant… si cette réforme est un tant soit peu passée « sous les radars » des médias et des débatteurs, plusieurs objectifs, avoués ou non, ont justifié la mise en œuvre du nouveau Lycée Général et Technologique : la diminution du coût du baccalauréat, la suppression des filières de manière à résoudre le problème de l’hégémonie de la série scientifique et, cerise sur le gâteau, la réduction du nombre de postes.

Ajoutons à cela la précipitation avec laquelle cette réforme a été engagée, la défiance face aux cadres qui n’ont pas été tenus informés en temps et en heure des décisions prises, l’impossibilité pour les inspecteurs et les chefs d’établissement d’anticiper, d’accompagner les changements, de les expliciter aux enseignants, aux parents d’élèves et aux élèves.

Plus inquiétant encore, cette réforme porte en elle une aggravation des inégalités, une contradiction avec les valeurs humaines autour de l’élève et potentiellement un renforcement des inégalités sociales.

Un lycée qui met à mal le principe d’égalité

Aggravation des inégalités devant les épreuves de baccalauréat

Les sujets de la banque nationale pour les épreuves communes du contrôle continu n’ont pas été réalisés dans les conditions requises pour garantir la conformité aux attendus du programme : souvent inadaptés, réalisés à distance et dans la précipitation en dehors de toute commission, sans réunir les concepteurs, sans le temps nécessaire à la réflexion et au travail d’écriture et de récriture, les sujets ont fait l’objet de nombreuses coquilles dont la presse s’est fait l’écho. « Le grand oral », l’une des épreuves finales majeures, s’est révélé être un exercice particulièrement discriminant socialement.

Aggravation des inégalités devant l’orientation et la poursuite d’études

Le nouveau lycée ne permettant de choisir que deux enseignements de spécialité en classe de Terminale, tous les élèves qui souhaitent s’engager sur des voies qui en requièrent une troisième dans le Supérieur -comme c’est le cas pour les études de médecine par exemple- ne sont pas préparés.

Seuls les élèves dont les familles aisées peuvent pallier cette défaillance, notamment par le biais des officines privées, voient leur choix d’orientation satisfait. Sur ce sujet encore, la communication du ministre, qui assure que le Supérieur est en train de revoir ses attendus pour s’adapter à ce nouveau lycée, ne relève à ce jour que de l’incantation.

Par ailleurs, la réforme « Parcours Sup » a mis en œuvre ce qui n’existait jusqu’à présent que pour les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) : désormais, l’examen des dossiers permet de discriminer selon l’origine du lycée. Les élèves scolarisés dans des lycées renommés vont se trouver avantagés quand, auparavant, un bac obtenu dans n’importe quel lycée permettait d’accéder au Supérieur. Résultat : les parents d’élèves les mieux informés, dont les enfants sont scolarisés en collège dans des villes de petite taille, envisagent désormais de les inscrire dans les lycées des grandes villes voisines pour leur assurer un meilleur dossier Parcours Sup.

Un lycée en contradiction avec les valeurs humaines autour de l’élève

La disparition du « groupe-classe » aboutit à ce que les élèves ne retrouvent pas les mêmes camarades d’un cours à l’autre et leur fait perdre tout repère, constituant par ailleurs une sérieuse entrave au travail collectif entre pairs.

S’ensuit l’impossibilité de tenir des « conseils de classe » et la fin du regard croisé sur un même élève, pourtant essentiel à son bon accompagnement.

Les différents types d’évaluation (évaluations au fil de l’eau tout au long du cycle, évaluations communes de contrôle continu en première et en Terminale, épreuves de fin de première sur l’enseignement de spécialité qu’on abandonne en fin de Première, épreuves terminales) font que le bachotage et l’évaluation – qu’il est légitime de désigner comme une obsession du ministre, et qui en était déjà une du temps où il était Directeur Général de l’Enseignement Scolaire –, sont accrus avec ce nouveau lycée, ce qui nuit à la réflexion sur les apprentissages et la pédagogie.

Un lycée qui renforce les inégalités sociales

La communication ministérielle joue sur les notions d’ambition et d’exigence que représente cette réforme pour tous les élèves alors même que tout ce qui se met en place a conduit à accentuer fortement les inégalités sociales.
En effet, ce que le ministre nomme « renforcement des disciplines » se traduit en réalité par une disparition des enseignements, pourtant de « culture générale », du tronc commun : les mathématiques, les sciences économiques et sociales, les sciences et vie de la terre -qui portent les domaines de la santé et de l’environnement- ne sont plus qu’enseignements de spécialité ou options.

Néanmoins, et c’est là que réside la notion de « renforcement disciplinaire », on note dans les nouveaux programmes une augmentation considérable du niveau des savoirs et savoir-faire, mais sans donner la possibilité de leur mise en œuvre : les programmes de mathématiques ne sont pas accessibles à tous les élèves qui les choisissent car ils sont écrits pour viser une poursuite d’études et le programme de français n’est pas réalisable pour tous les élèves de tous les lycées dans les conditions d’apprentissages offertes.

Enfin, un plan de formation ambitieux devrait accompagner cette réforme qui met en place non seulement de nouveaux programmes, mais de nouveaux enseignements, notamment dans le domaine scientifique. Or les académies n’ont reçu aucun financement pour ce faire.

Au-delà des 7 482 suppressions de postes qui caractérisent le bilan du ministre Blanquer dans le second degré, cette réforme du lycée restera marquée du sceau d’un renforcement des inégalités sociales et territoriales.

Parce que nous croyons que l’éducation demeure le principal outil au service de la liberté et de l'égalité, nous devons continuer à défendre l’objectif de démocratisation de la réussite scolaire et d’élévation générale du niveau de formation de notre jeunesse : le contraire de cette réforme.

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